A l’ombre du chais silencieux – ( RC )
( réponse à Ivresse de Susanne Derève )

—
Faut-il se laisser emporter
par le drap du grand hiver,
et répondre à l’appel
du vin dans les caves
– qui tiendrait lieu de promesses – ?
Un peu de chaleur
tournant au fond des verres,
où se reflète le ciel.
A défaut des terres blondes de l’été
nous goûterons l’ivresse
à l’ombre du chais silencieux
quand le vin mûrit
sans se soucier des jours pluvieux :
offrande à l’oubli
des jours de l’automne
qui vient juste de trépasser.
Jamais le temps ne s’emprisonne
dans les fûts ombreux.
Nous sortirons chancelants
après avoir bu
le sang du soleil
resté quelque part
dans le vin vermeil :
que je goûterai dans tes mains
accoudé au bar,
chercherai le chemin
pour retrouver
l’or paresseux des jours
( car jamais l’amour
ne se laisse enfermer
dans une bouteille ),
ni les rêves épars,
que l’on imagine de neige,
ne seront pris au piège
de la fortune et du hasard,
en buvant à la santé
de ta nouvelle année…
Pour compléter la playlist – ( RC )

Tout commence en ouvrant les dossiers.
Je cherche de la musique,
pour compléter la playlist.
Je trouve des trucs pour la soirée.
Faut c’qui faut…
Cocktails en tout genre,
boules de lumière
fauteuils profonds, rideaux de velours
ambiance soft, affiches de cinéma,
cadres à l’ancienne sans photos d’ancêtres…
ça commence bien,
ça déménage et monte en puissance…
batterie, solos de guitare,
le chat rayé qui détale,
une bouteille renversée,
un verre cassé,
la tache sur le tapis
qui s’élargit.
C’est juste avant le slow,
vite, des papiers journaux !
Je tombe sur ta voix,
je ne l’avais pas reconnue.
La voilà qui se dresse
appelle le silence,
et tout est avalé, le moindre son,
le cramoisi du velours,
les cocktails évaporés,
le chat collé au plafond,
l’électricité coupée,
les cadres rétrécis…
mais seulement la voix
verticale au milieu du salon
qui provient d’on se sait où.
Tout le monde est saisi
n’esquisse plus un geste,
tout devient gris
rentre dans le passé,
immobilisé dans le papier glacé
à même la photographie,
juste avant l’oubli…
Richard Brautigan – la bouteille

Un enfant se tient immobile.
Il tient une bouteille dans ses mains.
Il y a un bateau dans la bouteille.
Il reste à le fixer sans ciller des yeux.
Il s’émerveille que ce bateau minuscule
puisse naviguer
en étant retenu prisonnier
d’une bouteille.
Depuis cinquante ans,
vous trouveriez, Capitaine Martin,
que la mer, (aussi vaste soit-elle),
est seulement une autre sorte de bouteille.
A child stands motionless.
He holds a bottle in his hands.
There’s a ship in the bottle.
He stares as it with eyes
that do no blink.
He wonders where a tiny ship
can sail to if is held
prisoner in a bottle.
Fifty years from now you will
find out, Captain Martin,
for the sea ( large as it is )
is only another bottle.
- tentative de traduction RC
( extrait de l’ouvrage de RB » Loading Mercury with a pitchfork », « Good Luck, Captain Martin » )
Le repas assassiné – ( RC )

image – verso de la pochette du disque des Rolling Stones ‘ let it bleed’
Personne ne sait comment ça a commencé,
peut-être avec la sauce trop épicée,
une tache sur la nappe.
Ça arrive, tu sais…
une plaisanterie qui glisse
dans la crème au beurre,
et voila la bouteille renversée,
les verres qu’on se jette à la figure,
les têtes tournent au vinaigre,
puis le saumon qui se réveille
et ouvre sa gueule,
menaçant les convives…
Tout le monde se bouscule :
- elle est montée sur une chaise,
est passée à travers la paille,
s’est blessée à la cheville.
Quand je suis arrivé,
le poisson s’était enfui,
le gâteau au chocolat
écrasé dans un coin de la pièce.
Le vin gouttait encore sur le sol,
parmi les serviettes sales
et les mégots…
Tu te souviendras longtemps du repas assassiné.
Formant une colonne chantante – ( RC )
photo perso – Burkina Faso
Il fallait que je marche
sur les sentiers secs
parsemés de pierres
et d’herbes sèches,
longtemps ,
depuis le village
– je n’en ai plus la notion –
pour arriver jusqu’au puits.
Il y avait un cercle de béton:
une rondelle comme une estrade,
où des femmes en pagnes
s’activaient à la pompe,
en exprimant la soif du monde :
il y a au village
toujours des bouches
qui demandent à boire…
Sous le soleil de l’Afrique.
l’ombre des manguiers ne suffit pas
à en tempérer l’ardeur….
Elles avaient la peau luisante
d’éclats d’eau et de sueur,
et riaient de me voir attendre,
empoussiéré,
une bouteille en plastique vide, à la main .
Elles s’apprêtaient,
quelquefois avec un enfant accroché au dos,
à prendre à leur tour
les sentiers secs
parsemés de pierre,
un gros bidon jaune,
en équilibre sur la tête
formant une colonne chantante .
–
RC – nov 2017
Génie du verre ( RC )
Il est un génie,
Qui surgit ,
Au fond du verre de whisky,
Lorsque le froid descend,
Comme une chape de plomb,
Sur la ville et le portrait de Marylin,
Se dopant aux amphétamines,
….Et la musique titube,
Avec elle, se déchire,
La voix de Joplin,
( Janis pour les intimes )
Les cheveux sales au matin livide,
Les pavés retiennent encore la nuit,
Aux façades, les traînées de suie,
Les fils électriques, et leur calligraphie,
Une journée va encore brûler,
Les vêtements tremblants commencent à puer,
Et la bouteille est vide…
—
RC – 4 septembre 2013
–
voir sur même thème cet article…
ainsi que le texte d’Edith, dont je suis parti pour en faire « l’écho »…
et mon auto-traduction…
–
Here is a genius,
That arises,
In the glass of scotch
When the cold descends
As a lead blanket,
On the city and the Marilyn’s portrait,
Doping with amphetamines,
And the music …. staggers,
With her, tears away,
The voice of Joplin,
( Janis for short )
Dirty hair in livid morning,
The cobblestones still catches the night
Soot trails , on the facades,
Electrical cables, and their calligraphy,
A day will still burn,
Trembling clothes start to stink,
And the bottle is empty …
Janis Joplin – dessin Cindy-jo Dietz
En devenir … ( RC )
Masque Ventral de Tanzanie
–
En devenir…
Les chairs enveloppées de fougères,
Ont des murmures clairs,
Qui repoussent les mers
Au delà- des lierres.
C’est un autre horizon,
Que tu portes en toi,
Cet enfant qui croît
Et sera peut-être blond.
Pétri de grondements,
Tes veines de murmures,
Disent les temps futurs,
Naissance et avènement…
Mais sa masse animale,
Nourrie de ton sang,
Se berce des avants
Et reviendra danser au bal,
Future d’indépendances
Aux heures lourdes, et lentes
Confiné dans l’attente,
Se prend soudain de danse
Dans les décors de rouges,
Ce tout petit fauve,
D’un incendie mauve,
Doucement se bouge,
D’un univers partagé, relié
A l’invisible outremer,
La navigation des chairs
Lui fait prendre pieds
Tu peux compter ses doigts,
Ses formes rondes, de haricot…
Si proche de ta peau,
Il n’est pourtant plus toi,
Si tu écoutes son être pousser,
Pour s’aventurer sans préavis,
Affronter les destins de la vie,
Vers laquelle il va s’élancer.
Au terme du voyage sommeil,
Porteur de tous les rêves,
A la mer immense, au coeur de sa sève,
Toute jeune bouteille…
Portée par les flots,
Une feuille blanche à écrire,
Toute sa vie en devenir,
Dont tu es le terreau…
–
RC – 15 juillet 2013
–
( sur l’incitation poétique de Nath ( bleu-pourpre) avec indocile – ancre )
–
Jane Kenyon – Laissons venir le soir

photo Jibe , de grange.borealinteractive.com
Jane Kenyon – Let Evening Come (traduction perso)
–
Laissez la lumière de fin de journée
briller à travers les interstices de la grange, pendant que le soleil descend, bougeant sur les bottes de paille.
Laissez le grillon craqueter
comme une femme prend ses aiguilles
et ses fils. Laissez venir le soir.
Laissez la rosée recueillie sur la houe abandonnée dans les grandes herbes.
Laissez les étoiles apparaître et la lune divulguer sa corne d’argent.
Laissez le renard revenir à sa tanière de sable.
Laissez le vent s’éteindre. Laissez le hangar
aller vers le noir intérieur . Laissons venir le soir..
Pour la bouteille dans le fossé, à la pelle
dans d’avoine, pour l’air dans les poumons
Laissons venir le soir.
Qu’il vienne, comme il le fera, et n’aies
pas peur. Dieu ne nous laisse pas sans
consolation, laissons venir le soir .
–
Let the light of late afternoon
shine through chinks in the barn, moving
up the bales as the sun moves down.
Let the cricket take up chafing
as a woman takes up her needles
and her yarn. Let evening come.
Let dew collect on the hoe abandoned
in long grass. Let the stars appear
and the moon disclose her silver horn.
Let the fox go back to its sandy den.
Let the wind die down. Let the shed
go black inside. Let evening come.
To the bottle in the ditch, to the scoop
in the oats, to air in the lung
let evening come.
Let it come, as it will, and don’t
be afraid. God does not leave us
comfortless, so let evening come.
–
Un mirage d’eau et puis l’attente ( RC )
–
Entre un mirage d’eau, en bouteille, et puis l’attente,
Comme, de plus, il n’y a pas d’eau courante
On ne pourra s’en servir
Pour traverser l’avenir
A capter le reflet du soleil
Sur le creux d’une bouteille
Mais cela fait toujours son effet
De ramener un trophée
La pause était courte, la voila à son terme
Ainsi… les portières se referment.
La voiture redémarre, et la poussière soulevée efface
L’image des enfants, nus pieds, restés sur place…
–
RC – 26 dec 2012 – Tiebélé, Burkina Faso
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Saints voyageurs et dive bouteille (RC)
J’ai mis tous ces saints
Dans un litron d’vin
Grand crû, St Emilion
De bonnes sensations
Les saints voyageurs
Etaient bons mangeurs
Se r’trouvant souvent
Au petit restaurant
La dernière station
Avant l’purgatoire
Faut servir à boire
Et faire dégustation !
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Avec pour départ, JoBougon , dans ses saints voyageurs
Et pour rappel, l’expression Dive Bouteiille, nous vient de Rabelais, voir le lien:
peinture: G Braque : nature morte à la bouteille et la langouste
Paul Celan: – le poème – une bouteille jetée à la mer

dessin perso: oiseau au long bec et fenêtre, fait sur place lors de l'expo Odilon Redon, à Montpellier (musée Fabre)été 201————
extrait de la page: http://www.maulpoix.net/textoffert.htm
« Le poème, en tant qu’il est, ——-oui, une forme d’apparition du langage, , et par là, d’essence dialogique, le poème peut être une bouteille jetée à la mer, abandonnée à l’espoir -certes souvent fragile- qu’elle pourra un jour, quelque part, être recueillie sur une plage, sur la plage du coeur peut-être. Les poèmes, en ce sens également, sont en chemin : ils font route vers quelque chose. Vers quoi? Vers quelque lieu ouvert, à occuper, vers un toi invocable, vers une réalité à invoquer. » Paul Celan “Discours de Brême”