Cesare Pavese – la terre et la mort

photo RC – causse de Sauveterre ( 48 )
Tu es comme une terre
que nul n’a jamais dite.
Tu n’attends rien
que la parole
qui jaillira des tréfonds
comme un fruit parmi les branches.
Un vent vient, te gagne.
Ces choses, mortes et desséchées,
t’encombrent et s’en vont dans le vent
Membres et paroles anciennes
Tu trembles dans l’été.
le jardin de mon poème – ( RC )

Reconnaîtrais-tu ce jardin,
maintenant abandonné,
laissé à lui-même
alors que débordent les branches
du saule, que tu as connu
jeune encore, devant la maison?
Les heures de l’hiver
viendront tuer les fleurs,
arracher les feuilles
du chêne encore debout,
mais tu reconnaîtras le jardin de mon poème,
auquel subsistent quelques vers…
Reconstitution du portrait – ( RC )

Ainsi vient la nuit,
quand le jour s’effrite,
griffé par les arbres .
La collision avec les nuages
apporte la pluie,
qui s’infiltre dans ses fissures.
Maintenant des sillons
se dessinent sur les vitres,
petits ruisseaux éphémères,
qui s’affolent et changent de direction.
Personne ne sait
ce qui réveille
les larmes endormies,
quand le vent se lève,
et se heurte aux vitres,
furieux d’une trop longue attente.
Les branches se soulèvent,
s’agitent, lourdes de reproches,
et traversent la pièce obscurcie.
C’est ton visage qui apparaît,
strié par les éclairs,
avant de se briser
en petits éclats de verre,
répandus sur le parquet.
J’évite de marcher dessus,
contournant notre existence.
Demain l’étonnement de vivre
refera surface avec l’aube,
et je reconstituerai ton portrait
comme je le pourrai.
Ne m’en veux pas
s’il en manque des morceaux,
il se peut que j’égare
le souvenir des jours heureux.
Le regard des planches – ( RC )

C’est cet arbre qui penche
et se courbe de vieillesse:
la pluie n’est plus une caresse
pour le poids de ses branches.
Le vent le déshabille
puis le couche sur le flanc
au milieu des brindilles :
il a fait son temps…
D’une coupe franche,
on a débité son tronc
pour du bois de construction,
et des tas de planches.
As-tu vu ce que je vois ?
une empreinte indélébile:
un regard immobile
incrusté dans le bois
– et ce sont ces noeuds
au milieu des échardes
qui me regardent
comme des yeux .
L’arbre défunt ,
des jeunes pousses, se souvient ,
du sol couvert de mousse,
et des feuilles rousses ….
Encadrant mon bois de lit
il m’arrive de penser à lui
quand son regard me suit :
C’est comme cela qu’il survit.
Cathy Garcia – arbre

–
j’aime la grâce du vent
dans tes branches
j’aime ton silence et le battement
de mon cœur contre le tien
Bordée par la nuit – ( RC )
peinture: Arthur Dove « moon & see II »
L’œil blanc est sans expression,
et dissémine un clair distant ,
qui ne rappelle pas les ombres .
L’univers est bordé par la nuit .
On ne sait pas s’il s’éveillera
dans le balbutiement des étoiles .
Les entrecroisements des branches
se courbent dans une silhouette
les confondant avec celles d’autres arbres .
La lune pointe parfois entre les nuages,
aiguisant le regard des oiseaux nocturnes.
Ils se répondent de colline en colline.
Jusqu’à ce qu’elle descende
contre toute attente
prélever sur la terre
un peu d’atmosphère
un reflet dans le lac,
qu’elle emporte aussitôt
avec des meutes de fleurs noires,
avant de s’effacer
comme si elle n’avait jamais existé .
–
RC – janv 2018
Une route perdue – ( RC )
Au bord du son déjà lointain
De la cloche fêlée
J’ai cheminé sous les brumes
Au bord des étangs remplis de nuages,
Essuyant leur camouflage.
Ce qui avait été une route
Traçait sa voie au milieu des sables
Fougères et terrains instables,
Se morphondait en plaies,
Les dents de cailloux sous la surface.
Cette voie je l’ai suivie
Aussi loin que le regard porte.
Elle se déroule toute droite,
Et absente des cartes…
Censée mener quelque part,
Maintenant plongée dans la forêt :
Une échancrure fine et rectiligne,
Qui pourtant s’essouffle,
Lorsque les îlots d’asphalte
Burinés de sable noir, se font rares,
Mangés par les flaques,
Aux bouches opaques.
Elle se rétrécit encore,
Serpente et se tord,
Et puis se perd,
Bue par la densité du vert,
Comme un vieux langage,
Dont on aurait perdu l’usage.
Transformée en chemin,
Celui-ci s’éteint
Au milieu des pins,
Cédant la place à une impasse,
Un rideau clos,
Un fouillis de végétaux
a reconquis la place,
fermant peu à peu l’espace.
Habitée par les ombres,
Des arbres sans nombre ;
une cabane abandonnée,
Où le chemin m’a mené :
cette petite cabane,
dont les couleurs se fanent
perdant peu à peu ses planches,
Masquée par les branches ,
c’est vers le sol qu’elle s’incline…
le temps lui fait courber l’échine .
.
–
juillet 2014 – fev 2018
Francis Ponge – Le feu
(…) LE FEU n’est que la singerie ici-bas du soleil.
Sa représentation, accrue en intensité
et en grimaces,
réduite quant à l’espace et au temps.
Le feu, comme le singe, est un virtuose.
Il s’accroche et gesticule dans les branches.
Mais le spectacle en est rapide. Et l’acteur ne survit pas longtemps
à son théâtre,
qui s’écroule brusquement en cendres
un instant seulement avant le dernier geste,
le dernier cri. (…)
F P :Le soleil toupie à fouetter, III » in « Pièces
Epaisseur d’une musique blanche – ( RC )
Les branches se tordent,
et cherchent leur chemin,
dans la musique blanche,
où même le silence
pèse d’une neige dense
son épaisseur de solitude.
–
RC – dec 2016
Le temps rit de toutes ses dents – ( RC )

–
Le temps rit de toutes ses dents ,
appelle la calligraphie mobile des arbres,
le hennissement des chevaux
et l’éternuement des nuages .
( toujours pressés, ceux-là ! ) .
Les hommes se sont un jour
approprié le paysage, en traçant
de longues pistes, cultivant jusqu’au fleuve.
Pour marquer leur emprise,
ils ont construit un temple,
aux lourdes pierres, abritant
l’esprit des dieux, pensant
dialoguer avec l’éternité.
Mais on ne l’a pas à l’usure.
La lune brille toujours entre les branches.
Oui, ce sont d’autres branches,
et d’autres arbres.
Et d’autres hommes sont passés,
ont vécu, puis sont partis,
abandonnant leurs dieux , coincés dans les sanctuaires.
Désormais vides de prières.
Les statues regardent dans le vide,
( ou plutôt leur regard s’est voilé ) ,
couvert de mousses.
La jungle a repris le dessus :
> la nature a horreur du vide.
–
–
RC – avr 2016
Guillevic – la pomme
Dans l’arbre privé de fruits et de feuilles
Qui déjà se lasse
Des rameaux jouant pour ne pas trop voir
Le soleil couchant
Une pomme est restée
Au milieu des branches.
Et rouge à crier
Crie au bord du temps.
Guillevic (« Carnac » – éditions Gallimard, 1961)
une rivière qui palpite et respire – ( RC )
–
Il y a des creux dans l’eau.
Des collines s’y précipitent et tourbillonnent .
Avec des feuilles et des brindilles arrachées,
Un peu plus en amont.
Toujours au même endroit, bordés d’écume .
On suppose que leur contour, mal défini ,
Correspond, plus bas, à des rochers cachés,
Entre lesquels rôdent des truites .
Le chemin de l’eau se poursuit ainsi,
En plages profondes, où les saules se regardent,
Offertes à la caresse du vent,
Confondant les reflets et le frissonnement du jour .
–
C’est une chanson d’un jour de printemps,
Au murmure liquide, qui a oublié,
La furie des eaux boueuses,
Où des troncs furent emportés :
L’enchevêtrement inextricable de végétaux,
Parfois suspendus à grandes hauteurs,
Comme des vêtements de misère,
Habillant encore des branches.
La rivière palpite, s’enfle ou se dégonfle,
Au gré du menu des saisons,
Ainsi le corps vivant, qui respire
Pouvant rugir ou se taire.
–
L’été de sécheresse, la réduisant
A quelques bras maigres,
Serpentant entre les pierres,
Comme si on en voyait le squelette.
L’étendue du minéral , mis à nu
Et le volume des blocs empilés,
Laisse présager la puissance du courant,
Un instant suspendu, à titre provisoire .
Car au loin fleurissent des cumulus,
Qui pourraient bien, s’ils se déversent,
Donner au cours , un tout autre aspect,
Et marquer la fin du sursis.
–
RC – mai 2015
– photo : Stephen Penland
Être et arbre – ( RC )
Tu voles de branche en branche,
Dans ton mouvement, secouant la rosée,
Accrochée sur les feuilles.
Je veux te rejoindre.
Tu n’es pas si loin .
Je fais quelques pas dans le jardin .
Je suis sous l’arbre où tu t’es assise.
Celui-ci est couvert de mousse.
Je m’appuie dessus, et ma main s’enfonce,
Elle disparaît.
Le tronc m’appelle ainsi.
Mon bras suit la main.
Plus loin.
Comme si une porte s’ouvrait.
Jusqu’alors dérobée au regard humain.
J’y entre tout entier.
La porte se referme,
Je n’y vois plus rien.
Juste quelques rais de lumière
Passant dans les fentes du bois.
Il se passe quelques heures,
Il y fait humide et chaud.
J’y suis bien.
Je n’entends plus ta voix.
J’ai dû tomber dans un profond sommeil.
Je me réveille.
Je veux bouger.
Ce n’est pas la peine …
Toute une série de fibres m’enserre,
Me relie à l’intérieur.
De mon corps des excroissances
Venues des épaules, de mes doigts,
Font corps avec le creux que j’habite.
Mes cheveux se sont fondus
Dans une écorce intérieure moelleuse.
Je ne cherche pas à me débattre,
A retourner d’où je viens.
D’abord je ne le pourrais pas.
Je m’habitue à d’autres sens,
D’autres sensations,
Et celle toute particulière,
Du sang, remplacé peu à peu
Par la sève, qui me traverse.
Elle monte en moi,
Par les racines,
Que j’arrive à situer…
Mieux… à sentir
Une sève légèrement amère et sucrée,
Fluide, très fluide…
D’instinct je sais la distribuer,
Identifier les branches,
Le poids du feuillage,
Et d’où vient le vent.
Tu es assise assez loin du sol.
Tu as ta place favorite.
De temps en temps tu t’envoles,
Mais reviens me rendre visite.
Tu sais que mes mains sont larges,
Et que je t’attends.
–
RC – oct 2014
–
Seyhmus Dagtekin – Au fond de ma barque
.
Quand tu te retires du monde
Le monde ne s’arrête pas pour autant
Ne se retire pas
Quand tu vas dans le vaste monde
Tu ne deviens pas vaste pour autant
Quand tu te prives de la multitude
Tu n’occupes pas pour autant ta solitude
Tu ne l’élargis pas
Quand tu te chasses du bruit
Tu ne découvres pas pour autant le silence
Quand tu te coupes les branches
Tu n’augmentes pas pour autant
La sève qui irrigue ton front.
S D
Mary Jo Hoose – Oh enterrez-moi !
–
–
Oh enterrez-moi en haut d’ une montagne de la région
Au flux des eaux cristallines s’écoulant comme une fontaine éternelle.
Avec sa colline de verte émeraude , piquetée de belles fleurs sauvages.
Et de grands pins parfumant l’air sous la chaude douche de l’été.
Trouvez un vieux chêne avec des branches pleines d’ombre.
Les petits oiseaux chantant pour moi depuis leurs nids .
Oh enterrez-moi auprès du lumineux et chaud soleil ,
Lorsque la pleine lune brille , sur une nuit étoilée.
Reliée à la cabane de mon pays bien-aimé ,
Regardée et protégée par mon chien fidèle .
Oh enterrez-moi auprès des dieux de la grande cathédrale bleue .
Où le vrai sommeil éternel est paisible .
–
Mary Jo Hoose
( tentative de traduction RC )
–
Vagabond des étoiles – ( RC )
Marcheur du ciel- Alfred’s campus New York
Marcheur du ciel Alfred’ campus New York
C’est tracer un chemin,
Le doigt posé sur la carte,
Passant de collines en villages,
Puis décider de le suivre,
Avec de bonnes chaussures,
Juste avec quelques ronds en poche,
Un carnet de notes,
Un appareil photo en bandoulière.
Juste travailler d’étape en étape,
Pour pouvoir manger,
Et poursuivre sa route ,
A travers le monde,
Sous les azurs et les pluies,
Et faire d’une cabane sa maison,
Le temps de reposer le corps,
Et continuer la voie choisie.
Au dessus passent les avions,
Tirant des traits blancs
A travers le monde,
Ignorant les pierres sur les sentiers,
Et la glaise collant aux pieds,
Quand on choisit son passage
Entre deux pentes rocheuses,
Aux lisières des bois,
Que le vent agite les branches,
Et fait ondoyer les champs d’orge.
Les senteurs des foins emplissent les poumons,
Les insectes bruissent et grésillent
La peau se tanne aux soleils,
Et croisent les lunes
Le sac tirant sur les épaules,
La suée sous les efforts
S’attirer la curiosité des oiseaux,
C’est être comme un vagabond,
A continuer jour après jour,
Minuscule et lent déplacement,
Tout au long du pays ,
Les pieds recouverts de poussière…
Et s ‘endormir sous les étoiles,
> Elles ne sont pas si loin …
–
RC- juin 2014
A la surface, où le silence se fracasse – ( RC )
–
Le soleil rebondit,
Quelque part,
Après les brumes,
Et s’infiltre avec peine,
Au milieu des branches,
Encore vides.
Les feuilles naissantes,
Attendront encore,
L’explosion de l’ivresse
L’eau a son reflet , mat,
Mordue par la glace,
Tu peux te risquer, à sa surface ,
Où le silence se fracasse,
En ombres effilées,
Extraites des pliures du matin,
Quand l’heure stagne,
Sur les tiges frêles, prisonnières de l’étang.
Le verre cathédrale,
A déjà son réseau de fêlures,
Lézardes en ricochets
Certaines sont dûes,
Aux cailloux qu’on y a jetés,
Et qui sont restés posés,
Comme un défi aux fonds soyeux,
Où tout s’enfonce dans une vie secrète.
Tu serais comme une pierre,
Figé de froid,
Même sous ton lourd manteau,
Et seul le regard mobile,
Se verrait chercher sous l’épaisseur,
A peine translucide,
Sans vraiment le vouloir,
Des mouvements furtifs, mêlés de reflets.
Le nappage répandu en couches ,
Au long des nuits, allongées de gel ,
A jeté son pont
Au-dessus de l’eau.
> Elle est la vie,
Des carpes sombres la parcourent,
En arabesques capricieuses,
Ignorant le monde clos, du dessus.
–
RC – avril 2014
–
S’il manque quelques mots – ( RC )
S’il manque quelques mots,
Aux idées qui s’enfuient,
J’irai les repêcher plus loin…
Elle auront suivi leurs cours,
Arrêtées en chemin,
Par des branches qui dépassent,
Et, au contour des pierres,
Où ma parole s’est ralentie,
Malgré le courant,
Cette phrase est intacte,
Maintenue au frais.
Elle est juste un peu plus loin,
En aval.
Je la reprendrai telle quelle,
Et si tu n’es plus là,
Je te la garderai ,
… pour une prochaine fois….
–
RC – avril 2014
Patrick Ourednik – extrait de » Instant propice 1855
–
Oui, un matin nous avons compris que les gens se mordent, se dévorent, se haïssent, pour toute éternité.
Ne soyons pas des hommes, nous dîmes-nous, soyons des arbres, soyons l’ombre des branches, soyons des empreintes au sol.
Soyons nus, fondons le royaume des nus, soyons transparents et sans peur.
Patrick Ourednik
—
Instant propice 1855 est paru au éditions Allia 2006
Quine Chevalier – neige conçue 2
Neige conçue
de toute part
près du buisson
ardent que trouble
l’appel du merle
L’homme s’en revient
piétiner la neige
briser branches lourdes
Il hèle l’enfant qui patine
légère glace de l’effroi
au bord de l’étang
bâtir un regard
clair au-dessus
–
Roberta Hill Whiteman – Les étoiles du coeur de l’hiver.
Les arbres d’en face dans la rue m’ont aimée
pendant ton absence.
L’étoile polaire prise dans les branches
de l’orme de la cour se brouille
quand je la regarde directement et traverse
le coeur de l’hiver plus lentement que les autres étoiles.
Chaque fois que tu passais par ici, la forêt
s’emplissait de signes. Un creux dans l’herbe tendre
signifiait qu’un cerf avait dormi.
Des traces de sabot dans le sable
conduisent à travers les buissons et les feuilles mortes
jusqu’aux pistes effacées. je regardais les ombres
indigo devenir grises.
Comme d’autre obsessions, cela changera,
mon bras était encore heureux, engourdi
par ton poids. J’apprenais les signes faciles :
connaître les nuages, pister dans la neige.
Je tombais avec chaque flocon et voulais recouvrir
les arbres, les immeubles,
les coins où tu achetais de la bière,
les voitures et les ponts
ces lieux synonymes de désespoir.
Il y a des endroits où je ne me suis jamais sentie à l’aise,
où quelque chose tapote contre la vitre,
le nerf de boeuf d’un flic ou l’amertume de la vie.
Qui est le chasseur ? qui est chassé ? qui survit ?
Ce cercle froid vacille sans cesse.
Je ne pourrais jamais accepter ni le début ni la fin.
Tu trouveras de l’autre côté de l’hiver
des crocus tremblant dans une aube bienfaisante.
Je projette de rejoindre le cerf
car dans l’obscurité, les arbres barrent ma fenêtre
et pas une seule ombre ne bouge.
–
Roberta Hill Whiteman
–
–
Course recommencée de la rivière ( RC)
aquarelle- Shay Clanton
–
A l’abri des saules,
L’ombre légère se courbe,
Et effleure le courant,
Où passent furtifs,
Des éclairs d’argent.
Des feuilles jaunies
D’un calme après-midi,
Suivent à quelque distance,
Le défilé des heures
Qui les portent au loin.
Il n’ y a de bruits,
Que l’envol des oiseaux,
L’écho du bruissement des flots,
Contournant les branches,
Dépassant de l’onde.
A peu de distance de l’île,
Le pêcheur immobile,
Reste debout
Dans ses bottes de cahoutchouc,
Et laisse filer le temps.
Dans un autre univers,
D’ors et de verts
Les points de soleil ricochent,
Autour de quelques roches,
Que les truites contournent.
La lumière invente ses fins de jours,
Et se pose en détours,
< Sans se souvenir d’hier,
Ni des poissons, des hameçons,
La course recommencée de la rivière..
Les pieds dans les bottes, humides,
Le pêcheur , son panier vide,
Ne veut pas forcer la chance
Que la ligne se tende et mouille,
Qu’importe de rentrer bredouille…
RC – 17 juillet 2013
–
Le noisetier – (RC)
Pour faire suite au post – « enfances », de B Douvre
–
A mon enfance, mon rire monte au ciel
Le vent d’ouest démontre ses risées brutales
Et froisse le feuillage du noisetier
A parcourir les portes de l’avenir
J’égrène, l’aube des nuages d’argent
Et cours ramasser au sol,
La moisson des graines de bois
Complétant le travail d’automne
En m’insérant dans le réseau des branches;
Je m’en remets, à un monde secret
Dissimulé au yeux du monde,
Dans la main végétale,
La saveur un peu acre,
Maintenant un peu lointaine,
Mais je me souviens
Du goût de l’enfance
Accroché aux tiges souples,
A quelques mètres du sol.
–
RC
–
que j’aurais tendance à rapprocher d’un écrit de Jean-Jacques Dorio,
visible sur son site:
LE PUITS LE FIGUIER
le puits le figuier
près d’enfance
la naïveté et le cri du merle
dans les platanes verts
les bouches unanimes
à saluer le jour et la nuit
les princes et les fées
les principes et les fins
et le long soupir
d’années clouées
dans un village des merveilles
et des mythes envolés
Marcel Proust – Ephémère efficacité du chagrin

Dessin; V Van Gogh: femme pleurant
Soyons reconnaissants aux personnes qui nous donnent du bonheur, elles sont les charmants jardiniers par qui nos âmes sont fleuries.
Mais soyons plus reconnaissants aux femmes méchantes ou seulement indifférentes, aux amis cruels qui nous ont causé du chagrin.
Ils ont dévasté notre coeur, aujourd’hui jonché de débris méconnaissables, ils ont déraciné les troncs et mutilé les plus délicates branches, comme un vent désolé, mais qui sema quelques bons grains pour une moisson incertaine.
En brisant tous les petits bonheurs qui nous cachaient notre grande misère, en faisant de notre coeur un nu préau mélancolique, ils nous ont permis de le contempler enfin et de le juger. Les pièces tristes nous font un bien semblable ; aussi faut-il les tenir pour bien supérieures aux gaies, qui trompent notre faim au lieu de l’assouvir :
le pain qui doit nous nourrir est amer.
Dans la vie heureuse, les destinées de nos semblables ne nous apparaissent pas dans leur réalité, que l’intérêt les masque ou que le désir les transfigure.
Mais dans le détachement que donne la souffrance, dans la vie, et le sentiment de la beauté douloureuse, au théâtre, les destinées des autres hommes et la nôtre même font entendre enfin à notre âme attentive l’éternelle parole inentendue de devoir et de vérité.
L’oeuvre triste d’un artiste véritable nous parle avec cet accent de ceux qui ont souffert, qui forcent tout homme qui a souffert à laisser là tout le reste et à écouter.
Hélas ! ce que le sentiment apporta, ce capricieux le remporte et la tristesse plus haute que la gaieté n’est pas durable comme la vertu.
Nous avons oublié ce matin la tragédie qui hier soir nous éleva si haut que nous considérions notre vie dans son ensemble et dans sa réalité avec une pitié clairvoyante et sincère. Dans un an peut-être, nous serons consolés de la trahison d’une femme, de la mort d’un ami.
Le vent, au milieu de ce bris de rêves, de cette jonchée de bonheurs flétris a semé le bon grain sous une ondée de larmes, mais elles sécheront trop vite pour qu’il puisse gêner.-
Thierry Metz – vers la bien-aimée
–
Vers la bien-aimée
ce sera
toujours comme une aile
sans repos
une montée jour après jour
d’un visage à l’autre
parmi les nuages accrochés au talus
aux branches
pour chanter l’âme d’un petit bois
en prière sous le châle
avec un peu d’herbe
une feuille morte
comme une aile dans l’hiver
d’oiseau profane.
Thierry Metz, Le Drap déplié, L’Arrière-Pays, 1995, page 9.
–
Chute de noix ( RC )
photo Martine dans « photo-passion »
–
Une demi-coquille de noix, la vie, là
Incrustée dans le sol
Entre le fouillis des herbes aplaties
A l’ombre du cerisier
Il n’y a pas de noyer
On suppose qu’un oiseau de passage
Fendit un jour l’atmosphère égale
Sous les nuages bas
Porter à un nid lointain
Peuplé de becs grands ouverts
Le résultat de sa quête,
Disputée aux rongeurs.
Ou alors est-ce dans le marronier,
Ce nid abandonné
Un tissage de brindilles
Rendu impraticable
Les repousses des branches, chaque année plus longues
Et plus épaisses.
Où déjà, je me souviens,
Les occupants avaient du mal à se faufiler,
Leurs ailes faisant flop-flop
Contre les feuilles larges.
–
RC – 3 décembre 2012
–