Un Janus en état de marche – ( RC )

Janus ( sculpture de Max Ernst )
–
Janus est là, qui nous regarde
de ses yeux ronds.
On ne saura jamais
si le double de son visage
apparaît derrière son dos.
Son corps de rectangle
a plutôt l’aspect
d’une planche à découper.
Incrustées à la verticale
deux coquilles Saint-Jacques
pour le voyage initiatique
qui l’emmènera
plus loin qu’on ne le pense,
( amulettes précieuses
nous rappelant que la mer
n’est jamais loin ).
Une petite tortue,
qui lui sert de bourse,
est aussi du voyage.
Elle évolue au rythme
éternellement lent
du marcheur .
En effet Janus
semble être immobilisé,
les deux pieds soudés
sur une plaque de bronze.
Mais comme la tortue,
l’espérance est le guide
le rapprochant du terme
de son pèlerinage.
L’important n’est pas d’arriver,
mais de partir à point….
Jean Tardieu – au conditionnel

Si je savais écrire je saurais dessiner
Si j’avais un verre d’eau je le ferais geler
et je le conserverais sous verre
Si on me donnait une motte de beurre je
la ferais couler en bronze
Si j’avais trois mains je ne saurais où
donner de la tête
Si les plumes s’envolaient si la neige fondait
si les regards se perdaient, je
leur mettrais du plomb dans l’aile
Si je marchais toujours tout droit devant
moi, au lieu de faire le tour du
globe j’irais jusqu’à Sirius et
au-delà
Si je mangeais trop de pommes de terre je
les ferais germer sur mon cadavre
Si je sortais par la porte je rentrerais
par la fenêtre
Si j’avalais un sabre je demanderais
un grand bol de Rouge
Si j’avais une poignée de clous je les
enfoncerais dans ma main
gauche avec ma main
droite et vice versa.
Si je partais sans me retourner, je
me perdrais bientôt de vue.
Aytekin Karaçoban – Temps étrange

J’ai ouvert la porte pour toi
l’air printanier s’est engouffré.
Quelle précipitation
comme l’enfant qui ne saurait attendre son tour !
Il est entré
avec le bruit des grues sur leur chemin de migration,
avec une grappe de soleil sur une branche de mimosa,
avec ton insouciance, ce jour d’hiver.
Il a traversé nos regards, notre baiser.
Rempli les orbites du masque de bronze.
Un instant, il s’est arrêté aux tic-tacs de la montre à gousset.
Avec son doigt, il a vérifié la poussière des livres
avant de courir goûter le repas, sur la cuisinière.
Il a roulé dans notre lit, palpé nos oreillers.
De là, vite, il a pénétré dans la salle de bain,
volé la lavande d’un savon,
sauté par l’étroite lucarne sur ailes d’un moineau.
-Tu vois ?
-Quoi ?
-L’air du printemps sur les ailes du moineau.
Nous regardions le même endroit,
nous ne voyions pas la même chose.
Natasha Kanapé Fontaine – Réserve II
peinture: T C Cannon
Ecoutez le monde
s’effondrer
ponts de béton
routes d’asphalte
Aho pour la joie
Aho pour l’amour
Surgit la femme
poings serrés
vers la lumière
Voici que migrent
les peuples sans terres
nous récrirons la guerre
fable unique
Qui peut gagner sur le mensonge
construire un empire de vainqueurs
et le croire sans limites
Ce qui empoisonne
ne méritera pas de vivre
ce qui blesse ne méritera pas le clan
cinq cents ans plus tard
sept générations après
Tous ces châssis pour barrer les routes
tous ces murs érigés entre les nations
tous ces bateaux d’esclaves
ces bourreaux n’auront eu raison de rien
Si j’étais ce pigeon qui vomit
sur les hommes de bronze
fausses idoles carnassiers ivres
se tâtant le pectoral gauche
avec la main droite
lavée par les colombes
Qui d’autre est capable
de provoquer l’amnésie
octroyer la carence
à ceux qu’il gouverne
Qui d’autre sait appeler union
ce qui est discorde
pour s’arracher le premier
pour s’arracher le meilleur
des confins de toutes les colonies
qui d’autre sait appeler croissance
ce qui est régression
construction
ce qui est destruction
les peuplades pillées à bon escient
au nom du roi et de la reine
au nom du peuple qui meurt de faim
à Paris
à Londres
à Rome
à New York
à Dubaï
à Los Angeles
à Dakar
au nom du peuple
qui se bâtit par douzaine
à Fort-de-France
à Port-au-Prince
à La Havane
à Caracas
à Santiago
à Buenos Aires
Aho pour la joie
Aho pour l’amour
Qui d’autre sait nommer le mensonge
pour le voiler
La ville persiste en moi
assise sur l’avenue des Charognards
je guette l’allégresse
la haine qui me pousse à hurler
Je guette le nom des ruelles
de la grande mer
qui laisse passer les pauvres
à l’abri des vautours
La guerre est en moi comme partout.
–
Pour écouter les poèmes de NKF sur lyrikline rendez-vous ici…
Homme qui chavires – (Susanne Derève)

Alberto Giacometti – L’homme qui chavire
Homme qui chavires
as-tu rompu l’amarre et laissé ta barque s’enfuir
coulé tes désirs dans le bronze
foulé ce que la vie mendiait de patiente douceur
et tu les mots comme on renonce
Homme qui supplies
je n’ai plus de rêves à t’offrir
de bateau en partance
que l’étreinte de l’eau et les linges nus
de l’absence
Je n’ai plus que des nuits d’hiver
à brûler des cheminées de cendre
plus d’aubes à partager
rien que des friches des quais de gare
sans train à prendre
Homme qui supplies
quand le vertige nous saisit à l’instant
où ton bras retombe
faut-il encore que tout s’effondre
que le bronze retourne à l’amas de poussière
où se réduit le monde
Pas de motif suffisant, pour inventer une carte postale – ( RC )
Je me souviens assez peu
de ces paysages de Hollande,
à part ce qu’on voit
des photos des touristes,
ou des ruelles de briques,
comme Vermeer en a peint…
Les souvenirs se tordent,
comme une hélice,
mais elle est à l’arrêt,
ruisselant d’eau
d’une pluie fine
qui ne cesse pas.
Il y a des boulevards rectilignes,
et les maisons hautes
dont les pignons font,
aux bords des canaux,
une succession de façades,
aux toits en dents de scie .
La campagne est plate,
l’herbe y est spongieuse,
et, toi qui est venue
quand c’était l’époque, il y avait sans doute
ces bandes de couleurs vives,
des champs de tulipes.
En fait je me rappelle davantage du port,
des grues géantes, et du cri des mouettes .
Je m’attendais à entendre la voix d’une sirène,
mais celle que l’on connaît est restée figée
dans le bronze à Copenhague ;
ce n’est pas la même chose.
Quand la lumière s’enfuit ,
j’y marche à reculons.
Que sont donc devenus ces passages,
où nous nous tenions par la main ?
les quais luisent sous la pluie,
les arbres se confondant les uns avec les autres,
et l’ensemble ne serait pas
un motif suffisant
pour inventer une carte postale
même si j’y ajoutais quelques moulins ,
un drapeau claquant au vent ;
le ciel aurait quand même mangé
une partie de colline .
–
RC – mars 2019
Pendant que tu dors – ( RC )
soleil et lune: tableau de fils Huitchol ( Mexique )
–
Pendant que tu dors,
le jour s’ouvre comme un éventail,
les légendes se concrétisent,
le vent remue l’or des feuilles,
déplie les fleurs sortant de leur sommeil.
Chacun s’affaire et traverse l’ordre du monde.
L’herbe même, a troué l’asphalte;
les abeilles se chargent de pollen,
les voitures suivent une destination
qui doit avoir son importance.
Mais tout cela ne compte guère :
ni le parfum des lys et des roses :
c’est bien peu de chose,
puisque tu es absente
derrière tes paupières :
tu suis , dans tes rêves
les étendards d’argent :
tu t’imagines en marbre rose
dialoguant dans le silence
avec la statue du commandeur .
Il a brisé son bouclier de bronze,
et son ombre s’étend
même sur celle des oiseaux .
Elle a même effacé le temps .
– Il semble immobile , à ta conscience .
Comme le sang ,
Il pourrait refluer , arrêter sa course ,
t’emporter vers des ailleurs
– ce seraient des jours meilleurs –
au-delà de la Grande Ourse…
pendant que tu dors…
–
RC – juin 2017
–
Luis Aranha – L’aéroplane 25
Je voudrais être un as de l’aviation pour voler
Au-dessus de la ville de ma naissance !
Bien plus haut que les lamentos de bronze
Des cathédrales cataleptiques ;
Tout près de l’azur, montant presque au ciel
Loin des maisons qui diminuent
Loin, bien loin de ce sol d’asphalte…
Je voudrais planer au-dessus de la ville !…
Le moteur chanterait
Dans l’amphithéâtre lambrissé de bleu
Sa ronflante symphonie…
Oh! voler sans escales dans l’espace qui s’étire
Pour moi, seulement pour moi ;
Traversant les vents effrayés
Par mon audace ascensionnelle
Jusqu’où eux seuls sont parvenus !…
Tournoyer en altitude
Et d’une descente rapide
Tomber en tourbillon
Comme un oiseau blessé…
Faire de subites cabrioles
Des loopings fantastiques
Des sauts de la mort
Comme un athlète élastique en acier
L’âpre crissement du moteur…
Dans l’amphithéâtre tapissé de nuages Tambour…
Si un jour
Mon corps s’échappait de l’aéroplane
J’ouvrirais ardemment les bras
Pour le bleu plongeon dans le soir transparent…
Comme je serais pareil
À un ange au corps déployé
Ailes ouvertes, précipité
Vers la terre distante…
Fendant le ciel dans ma chute brusque
Rapide et précise,
Déchirant l’air en extase dans l’espace
Mon corps chanterait
En sifflant
La symphonie de la vitesse
Et je tomberais
Dans la ville parmi les bras ouverts…
Être aviateur pour voler bien haut !
L’habit de l’écrivain – ( RC )
C’est comme l’histoire de la petite graine
Abandonnée dans un champ,
qu’un oiseau, en volant,
ne pense pas qu’il sème
ce qui va devenir
un futur géant
dont le feuillage secoué par le vent
va lentement s’épanouir.
De même, l’habit de l’écrivain
ne se limite pas à la personne :
la robe de bronze ne fait pas l’homme
( ainsi le géant sculpté par Rodin ) .
Une houppelande, une casaque…
juste l’emprise du matériel ,
ne pouvant cerner l’essentiel :
la figure massive de Balzac .
–
RC – juin 2017
Les héros du pays sur des chevaux de bronze – ( RC )
photo: Place de la Victoire- Bordeaux
Je suis venu par hasard ;
j’ai vu sur de grandes places,
des héros du pays,
dressés sur des chevaux de bronze,
et l’oeil vide
sous l’air confiné
par des nuages lourds ,
des graffitis inscrits sur le socle.
Je ne connais pas leur nom,
et d’ailleurs quelle importance …
Ce seraient comme des figures,
échappées de l’histoire,
inscrivant les conquètes ,
ou des dirigeants politiques
dans le métal ou la pierre :
davantage de militaires que d’écrivains.
Mais tout évolue,
et les statues des dictateurs,
sont promises à la chute,
comme l’a été le mur de Berlin.
Quelques fragments sont conservés
dans les musées,
plus comme témoignage
que pour leur valeur artistique.
On installe maintenant
des oeuvres plus énigmatiques
ne prenant leur sens qu’avec la matière
et la forme qu’ils adoptent .
Elles sont souvent clinquantes,
issues d’un courant à la mode
mais promises à un avenir aussi éphémère
et seront bientôt remplacées .
Ainsi c’est la décision des élus locaux
d’ériger dans l’espace public ,des monuments,
dont on penserait qu’il y a quelque chose à voir avec la ville :
On se demande quelle relation entretient ,
une tortue avec des grappes de raisin,
voisinant un obélisque .
Mais il ne faut pas chercher trop loin,
les touristes trouvent bien pratique de s’appuyer dessus .
la soif du Niger – ( RC )
photo Françoise Hughier
–
Aucune poussière suivant la marche de l’animal.
Un long fleuve prolonge ses rives,
Paresse dans la plaine écrasée de soleil;
Une pirogue en silence se dirige vers l’aval.
L’eau n’a pas de rides, lourde,
semblant coller aux mouvements
lents de la pagaie.
Un homme à la peau très sombre est à bord,
Contraste marqué au gris figeant le ciel,
celui, légèrement différent des sables et de l’eau,
répercutent ces teintes monotones.
Le temps est stoppé, écrasé par la chaleur,
au bord du fleuve Niger.
Le chameau n’a pas progressé.
Sa tête est baissée.
Le reflet immobile boit son image.
Soif impossible à désaltérer:
Qui s’attendrait à voir en cet endroit,
Une statue de bronze ?
–
RC – juin 2015
Alberto G – ( RC )
–
Les figures debout
Attachées au socle
Ne se croisent pas
Bronzes filiformes
Hommes de l’absence
Le regard creusé
Les pieds soudés
A la terre glaise
Découpent dans l’espace
Et, de métal, la pâte verte
Leurs gestes immobiles
Parcours des doigts agiles,
de Giacometti
–
RC – 22 décembre 2012 et 8 janvier 2013
–
Luis Cernuda – Cimetière dans la ville

photo: H Cartier-Bresson, 1934 – Mexique
Derrière la grille ouverte entre les murs,
la terre noire sans arbres, sans une herbe,
les bancs de bois où vers le soir
s’assoient quelques vieillards silencieux.
Autour sont les maisons, pas loin quelques boutiques,
des rues où jouent les enfants, et les trains
passent tout près des tombes. C’est un quartier pauvre.
Comme des raccommodages aux façades grises,
le linge humide de pluie pend aux fenêtres.
Les inscriptions sont déjà effacées
sur les dalles aux morts d’il y a deux siècles,
sans amis pour les oublier, aux morts
clandestins. Mais quand le soleil paraît,
car le soleil brille quelques jours vers le mois de juin,
dans leur trou les vieux os le sentent, peut-être.
Pas une feuille, pas un oiseau. La pierre seulement. La terre.
L’enfer est-il ainsi. La douleur y est sans oubli,
dans le bruit, la misère, le froid interminable et sans espoir.
Ici n’existe pas le sommeil silencieux
de la mort, car la vie encore
poursuit son commerce sous la nuit immobile.
Quand l’ombre descend du ciel nuageux
et que la fumée des usines s’apaise
en poussière grise, du bistrot sortent des voix,
puis un train qui passe
agite de longs échos tel un bronze en colère.
Ce n’est pas encore le jugement, morts anonymes.
Dormez en paix, dormez si vous le pouvez.
Peut-être Dieu lui-même vous a-t-il oubliés.
Tras la reja abierta entre los muros,
La tierra negra sin árboles ni hierba,
Con bancos de madera donde allá a la tarde
Se sientan silenciosos unos viejos.
En torno están las casas, cerca hay tiendas,
Calles por las que juegan niños, y los trenes
Pasan al lado de las tumbas. Es un barrio pobre.
Tal remiendosde las fachadas grises,
Cuelgan en las ventanas trapos húmedos de lluvia.
Borradas están ya las inscripciones
De las losas con muertos de dos siglos,
Sin amigos que les olviden, muertos
Clandestinos. Mas cuando el sol despierta,
Porque el sol brilla algunos dias hacia junio,
En lo hondo algo deben sentir los huesos viejos.
Ni una hoja ni un pájaro. La piedra nada más. La tierra.
Es el infierno así ? Hay dolor sin olvido,
Con ruido y miseria, frío largo y sin esperanza.
Aquí no existe el sueño silencioso
De la muerte, que todavia la vida
Se agita entre estas tumbas, como una prostituta
Prosigue su negocio bajo la noche inmóvil.
Cuando la sombra cae desde el cielo nublado
Y del humo de las fábricas se aquieta,
En polvo gris, vienen de la taberna voces,
Y luego un tren que pasa
Agita largos ecos como un bronce iracundo.
No es el juicio aún, muertos anónimos.
Sosegaos, dormid ; dormid si es que podéis.
Acaso Dios también se olvida de vosotros.
Luis Cernuda, La Réalité et le Désir (La Realidad y el Deseo)
–
Matités et brillances ( Rodin) – (RC)
Le regard parcourt matités et brillances
Qui se lovent dans les empreintes des mains
Elles ont saisi le bloc, trituré la glaise
Torsadé les corps, modèles –

Rodin: Cathedrale
En tensions musculaires, en force figée de bronze
Des pesanteurs de bures de métal
S’assourdit en creux, dérapages de lisses
La lumière joue des creux et des têtes
Mais n’arrête pas l’homme qui pense
L’homme qui marche et – dense
Car dense , le corps dressé d’un bloc
Un homme, un bloc, Balzac
Bronze, sentinelle de l’esprit
Indifférent à l’oxydation verte
Au jardin du parc, présence
Intemporelle, comme celle des mains
Les mains-cathédrale, la sculpture du vide
La césure laissée au marbre
Pour qu’en creux, la pensée respire, et soit…
Celle de Rodin, – et nous accompagne.
–
RC 25 avril 2012
–
The eyes runs through shine and matte effects
Which are coiled in the handprints
They seized the block, triturated clay
Twisted bodies, models –
In muscle tension, static strength of the bronze
Weight of the metal burdens
Is deafening hollow, smooth skids
Light plays between heads and hollows
But the thinking man does’nt stop
The man who walks , and – dense
Dense,because, upright body as a block
A man, a block, Balzac
Bronze sentinel of mind
Indifferent to the green oxidation
In the garden of the park, timeless presence
like the hands
Hands-cathedral, sculpture of the emptiness
The break left in the marble
For that , hollows, thought breathes, and will be…
That of Rodin – who accompanies us.
Mihàlis Ganas – La Grèce, tu vois…
Comme on peut le lire, ce n’est pas la première fois que la Grèce passe par des hauts et des bas..
d’autres écrits de cet auteur sont visibles ici..

photo de Grèce: journal "the guardian"
–
La Grèce, tu vois…
La Grèce, tu vois, ce n’est pas seulement une plaie.
À l’heure creuse le café écumeux,
les radios les télés aux balcons,
couleur de bronze, corps de bronze,
bouchon de bronze la Grèce à mes lèvres.
Sur les murets la glu du soleil
attrape les yeux comme des insectes.
Derrière les murets les maisons éventrées,
terrains de foot, hôpitaux, prisons
créatures du bon Dieu et instruments du diable
et conducteurs de tram buvant seuls
un petit vin râpeux d’Aràhova.
Là des braves ont dormi
le fusil au côté, le sommeil peuplé d’enfants pieds nus.
Des foulards de femmes, fières voilures, passaient,
tapis et couvertures dans l’eau du moulin.
À présent caillasse et godillots
dans ce broyeur de pierres
et conducteurs de tram buvant seuls
un petit vin râpeux d’Aràhova.
–
Greece, – you know …
Greece, you see, it is not just a wound.
At the empty time of the frothy coffee,
radios TVs on the balconies,
color of bronze, bronze body,
a Greece bronze cap to my lips.
On the walls ,the glue of the sun
Catches the eyes like insects.
Behind the walls of the gutted houses,
soccer fields, hospitals, and prisons
God’s creatures and instruments of the devil
and tram drivers drinking alone
a little rough wine of Arahova.
There slept the braves
rifle in hand, the sleepfull of barefoot children.
Scarves for proud women, proud wings, passing,
carpets and blankets in water mill.
Now scree and boots
in this stone crusher
and tram drivers drinking alone
a little rough wine of Arahova.
–
Mihàlis Ganas (Grèce, Épire, 1943).
–
La chaise du dormeur (RC)
Hommage à Henry Moore ( le célèbre sculpteur anglais)
–
La chaise du dormeur
est au sommet de la colline
Si elle promet le repos
C’est après de longs efforts d’ascension
Que l’on voit ses pieds de bronze
Scellés sur la roche
Le roi et la reine, échappés
peut-être d’un échiquier
Déjà arrivés, ont occupé la place
En laissant la partie se dérouler
Dans la vallée que déjà le soir remplit
De frissons et d’airs gris.
Des souverains, la couronne
A déjà servi d’abri
Pour construire un nid
A un couple d’étourneaux
Venu apporter comme cadeau
Le premier baiser de la lune.
—
Pierre Bergounioux – l’orphelin
Au delà de la violence extrême du manque qu’il exprime, en dehors de la rupture de lignée causée par le statut d’orphelin du père, ce besoin désespéré d’être vu, reconnu comme semblable, d’avoir contact, avec un de ses parents, qui peut guider la construction du moi, sans être universel, ni général, ni peut-être très répandu, me semble avoir été éprouvé par beaucoup, avec plus ou moins de prégnance.
Lui (ou elle, car, finalement, ce besoin de lignée va de fils à père, et de fille à mère, même si dans ce cas ce peut être refus entêté, en renoncement) parmi tous ces blocs imposants auprès desquels on est un enfançon, «encore plus chétif que les hommes faits, lesquels sont minuscules, imperceptibles au regard des sommets», eux les adultes «toujours occupés, même quand on ne leur voyait pas d’activité précise, qu’on avait la légèreté de croire qu’on ne fait rien quand on est assis dans un fauteuil, les yeux dans le vague alors qu’eux l’étaient.
Ils mettaient un temps considérable pour détourner leurs pensées de choses qui devaient être extrêmement compliquées, ajustées au dixième de millimètre, comme des machines-outils, ou vastes, encombrantes comme des buffets à deux-corps avec des rosaces, des colonnettes, des sculptures en bas-relief et des garnitures en bronze..»
Leopold Sédar Senghor – Avant la nuit
Avant la nuit, une pensée de toi pour toi, avant que je ne tombe
Dans le filet blanc des angoisses, et la promenade aux frontières
Du rêve du désir avant le crépuscule, parmi les gazelles des sables
Pour ressusciter le poème au royaume d’Enfance.
Elles vous fixent étonnées, comme la jeune fille du Ferlo, tu te souviens
Buste peul flancs, collines plus mélodieuses que les bronzes saïtes
Et ses cheveux tressés, rythmés quand elle danse
Mais ses yeux immenses en allés, qui éclairent ma nuit.
La lumière est-elle encore si légère en ton pays limpide
Et les femmes si belles, on dirait des images ?
Si je la revoyais la jeune fille, la femme, c’est toi au soleil de Septembre
Peau d’or démarche mélodieuse, et ces yeux vastes, forteresses contre la mort.
Jean Baptiste. Tati-Loutard – la révolte gronde –
Jean Baptiste. Tati-Loutard, que l’on peut retrouver dans un post récent sur terre de femmes, est un poète congolais, décédé en 2009, une page de discussion,( de francopolis ) d’où est extrait le présent poème, est visible ici
LA REVOLTE GRONDE
Nous avons rompu avec le soleil :
Au point du jour seuls les oiseaux s’en vont
Vers les collines accueillir ses rayons.
Que se passe-t-il ? Quelles voix étranges
Craquellent le silence aux quatre coins de la ville ?
Quelle race oubliée dans les décombres du siècle
Surgit des masures où la misère traîne
L’herbe comme un chien jusqu’aux pas des portes ?
A-t-on vu jamais (hors saison) le ciel
Se joindre à la terre ?
Voici que les nuages descendent du Mont-Soleil
Pour fleurir une foule qui hisse au bout des lèvres
Des cris aigus comme des couteaux de jet.
La ville regarde à travers un masque blème
La marche des Cavernicoles. La peur gagne :
Même le temps s’effarouche dans le clocher ;
On l’entend s’enfuir, sonnant aux pieds
Ses anneaux de bronze.
La révolte monte la Révolte gronde.
J.-Baptiste . Tati-Loutard – voir aussi la publication de juin 2012
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