Qu’advient-il à prendre les chemins dérobés du poème ? Un égarement sans doute, une fugue entre les mains ardentes du pianiste – l’ivoire sous les doigts – , une eau qui se referme, un pas foulant le sable des étés
Semelles d’or que révèle la fuite je ne retiens de l’absence qu’une empreinte à demi effacée , tienne , qu’arase le vent des dunes,
le vent qui me jette en pâture ses averses de sel, ses grumeaux d’écume , et les mots du poème qu’effaceront les brumes
Je veux dire, avec l’humilité d’un ciel qui se propose,
la lumière qui n’est que du présent qui pense,
l’avancée du rêve parmi les vagues discrètes d’un jour,
plus beau à mesure que l’air sur mes lèvres
délivre l’hiver qui hésite au loin dans le chant des brumes.
Dire, et avec ce qui tremble au plus profond de l’âme,
célébrer la voix mêlée de nuit claire,
intensifier le geste qui accueille un corps.
Oui, dire et célébrer – encore – le pays où les pas
sur la neige sont un testament pour la beauté.
Dire, et avec les mots, augmenter en nous
la vibration secrète de l’émoi.
Lueurs immobiles sur l’éternité des eaux,
que votre majesté soit mon identité,
que mon souffle vienne mourir dans les plis de vos soupirs.
Mais est-il vrai que déjà nous ayons goûté
le temps où l’on voit monter, de larmes en larmes,
l’espoir d’un monde retrouvé ?
choisissez un bon bois de chêne, lisse au toucher, robuste et clair,
gardez-moi des vaines offrandes,
ces urnes que les us épandent en sombres paraboles abandonnées au vent,
aux rumeurs infécondes et sourdes du levant
et qu’un bras malhabile se devrait de répandre au-delà du silence
comme on boit le calice âcre de la souffrance
De charogne ou de cendre le jour où Elle viendra
choisissez un carré de terre,
de ce terreau qu’égrainera la pelle d’un ton clair
il faut du temps il faut des fleurs pour oublier
il faut ce marbre uni où poser des œillets
l’herme aux lueurs du soir est plus doux au malheur que ces brumes d’errance le vent a-t-il jamais séché les larmes de douleur
De cendre ou de poussière lorsque le temps viendra
choisissez un bon bois de chêne lisse au toucher, robuste et clair
et dans ce vieux pays de Rance enterrez-moi près de mon père.
–
suivi de ma « réponse »
Quel que soit le carré de terre, que des pelles viendront blesser la pierre ou le marbre, l’ombre des cyprès, les noeuds de leurs racines, auprès de toi,
Quel que soit le vent, qui répandra les cendres, comme autant de paroles vaines, et aussi les fleurs qui meurent, de même, dans leur vase,
Il y aura un temps pour oublier, lorsque les mousses auront reconquis la pierre gravée, les pluies effacé les lettres : – même la douleur ne peut prétendre à l’éternité .
Que l’on enterre une princesse avec ses bijoux, et toutes ses parures, ne la fait pas voyager plus vite sur le bateau de l’au-delà…
Ce qu’il en reste après quelques siècles : > quelques offrandes, et des os blanchis ne nous rendent pas sa parole et le ton de sa voix.
A se dissoudre complètement dans l’infini, c’est encore modestie : – On pourra dire « elle a été » -, mais le temps du souvenir, se porte seulement dans le coeur des vivants .
La vie m’écrit demain . Je ne saurais pas dire si c’est d’encre violette Ni qu’elle me choisit un destin ( je n’en fais qu’à ma tête ) ! – Je suis né par accident Parce qu’un jour mon auteur Qui aimait cette couleur Fut un peu imprudent
En voulant remplir les pages Contre l’avis du vent Le livre s’est fermé brusquement, – Et plutôt qu’en être otage J’ai fui sous le canapé En emportant quelques lettres Que je pourrais peut-être Utiliser sans me faire attraper.
J’ai donc dû m’aplatir Le nez dans la poussière, Avec tous ces caractères . Ils m’ont aidé à grandir, A me rendre autonome Ce fut une aventure De se lancer dans l’écriture, Nom d’un petit bonhomme !
Me glisser dans un feuille, Une autre encore et ainsi de suite Mon récit n’a pas de limite Jetez-y un œil ! : J’y inscris les rires Je m’invente des personnages Pars pour de lointains voyages Parcours des souvenirs
Je rencontre Prévert… – Ah, ce qu’on a ri, Au rayon poésie En vidant des vers… !! ( Il faut être un peu ivre Pour qu’au moindre prétexte On caresse un texte , Qu’on écrive un livre ).
Je n’ai aucun programme …. » Est-ce grave, docteur ? « D’avoir échappé à son créateur Et des brumes de son âme ?
La terre s’est habillée d’ hiver. Les peupliers sont nus. Les sommets des montagnes arrondis Blancs de neige, un regard au-dessus de noirs champs labourés sur des collines roulantes.
D’ épars reflets d’obsidienne Attrapent le soleil bas par l’ouest, brillant comme des lumières de Noël, dessus et en-dehors, dessus et en- dehors, comme des vents de la route.
Si rien comme autrefois ne doit plus être
si les mêmes nuages ne doivent plus revenir
si l’on se leurre en conservant un souvenir
si avec l’être humain doit vieillir le désir
tout oubli est utile et l’automne
sera un autre et long moment
couvert de jaunes et de brumes
Peut-être si chaque vert est recréé
si les rayons suggèrent des lumières nouvelles
et il m’en souvient sans peine
car c’était beau
de contempler les dessins que firent dans l’espace
toutes ces feuilles en tombant
peut-être alors sera-ce plus beau encore
qu’il y ait demain un soleil
et que je puisse le palper
Le matin arrive sur la ville qui dort,
On devine juste le clocher de la cathédrale,
Qui dépasse d’entre les nuées pâles,
Tout est indistinct encore,
Les rues sont encore couvertes de sommeil
Avant la dissipation des brumes matinales…
Les trottoirs présentent leur côté sale
En attendant la traversée du soleil,
Il peine à trouver son chemin,
( C’est, il est vrai, un grand voyage ),
Pour finalement s’immiscer d’entre les nuages,
Et réduire les gris comme peau de chagrin.
En répandant l’alphabet des couleurs,
De l’or liquide, en cascades,
Eclaboussant les façades,
S’éveillant au fil des heures.
La nuit s’est faite oublier,
Sa main pesante s’est retirée,
On peut voir, de nouveau, éparpillés ,
Des éclats clairs, sur mes souliers.
Tout ce qui est blanc m’éblouit,
La lumière multiplie ses taches,
La journée est en ordre de marche…
L’odeur des croissants frais me ravit.
Je le fis
neige hospitalière
craquelures
jardins lavés
d’Europe
reste d’un chant ancien.
Je le fis
association de l’air
sillon qui n’ensevelit
dépose dans sa force.
Là j’ai croisé
Les eaux musicales.
Brumes enveloppaient nos promenades
Nous étions
rameurs nous
promenions l’archet
sur les mondes creux
devenus plus légers
nous maintenions le rêve
nous nous fîmes
pluie
pour sérier l’absence.