Vois-tu, si je me lève je n’ai pas souvenir des mêmes rêves… J’étais allongé sur le sol et nulle part il n’y avait de route, Au-dessus , le ciel m’entourait de sa voûte . Le vent pousse des nuages et les accompagne longtemps dans leur voyage. L’un d’eux s’est distingué en prenant l’allure d’un cavalier, mais aucun (que je ne sache) ne ressemblait à une vache… Quelques champs pelés réclamaient leur dû car il n’avait pas plu de presque tout l’été.
Quelques arbres échevelés gardiens de la draille, et au loin les sonnailles de bêtes égarées… Ce n’est pas encore aujourd’hui qu’on verra la lune entourée de brumes ni le troupeau de brebis brouter tes cheveux même si la terre partage beaucoup de mystères avec les cieux…
Les bois étaient tout recouverts de brumes basses, Déserts, gonflés de pluie et tout silencieux. Longtemps avait soufflé ce vent du Nord où passent Les Enfants Sauvages, fuyant vers d’autres cieux, Par grands voiliers, le soir, et très haut dans l’espace.
J ‘avais senti siffler leurs ailes dans la nuit, Lorsqu’ils avaient baissé pour chercher les ravines Où tout le jour, peut-être, ils resteront enfouis ; Et cet appel inconsolé de sauvagine Triste, sur les marais que les oiseaux ont fui.
Après avoir surpris le dégel de ma chambre, A l’aube, je gagnais la lisière des bois ; Par une bonne lune de brouillard et d’ambre, Je relevai la trace, incertaine parfois, Sur le bord d’un layon, d’un enfant de Septembre.
Les pas étaient légers et tendres, mais brouillés. Ils se croisaient d’abord au milieu des ornières Où dans l’ ombre, tranquille, il avait essayé De boire, pour reprendre ses jeux solitaires Très tard, après le long crépuscule mouillé.
Et puis, ils se perdaient plus loin parmi les hêtres Où son pied ne marquait qu’à peine sur le sol ; Je me suis dit : il va s’en retourner peut-être A l’aube, pour chercher ses compagnons de vol, En tremblant de la peur qu’ils aient pu disparaître.
Il va certainement venir dans ces parages A la demi-clarté qui monte à l’orient, Avec les grandes bandes d’oiseaux de passage, Et les cerfs inquiets qui cherchent dans le vent L’heure d’abandonner le calme des gagnages.
Le jour glacial s’était levé sur les marais ; Je restais accroupi dans l’attente illusoire Regardant défiler la faune qui rentrait Dans l’ombre, les chevreuils peureux qui venaient boire Et les corbeaux criards aux cimes des forêts.
Et je me dis : Je suis un enfant de Septembre, Moi-même, par le cœur, la fièvre et l’esprit, Et la brûlante volupté de tous mes membres, Et le désir que j’ai de courir dans la nuit Sauvage ayant quitté l’étouffement des chambres.
Il va certainement me traiter comme un frère, Peut-être me donner un nom parmi les siens ; Mes yeux le combleraient d’amicales lumières S’il ne prenait pas peur, en me voyant soudain Les bras ouverts, courir vers lui dans la clairière.
Farouche, il s’enfuira comme un oiseau blessé, Je le suivrai jusqu’à ce qu’il demande grâce, Jusqu’à ce qu’il s’arrête en plein ciel, épuisé, Traqué jusqu’à la mort, vaincu, les ailes basses, Et les yeux résignés à mourir, abaissés.
Alors, je le prendrai dans mes bras, endormi, Je le caresserai sur la pente des ailes, Et je ramènerai son petit corps, parmi Les roseaux, rêvant à des choses irréelles, Réchauffé tout le temps par mon sourire ami…
Mais les bois étaient recouverts de brumes basses Et le vent commençait à remonter au Nord Abandonnant tous ceux dont les ailes sont lasses Tous ceux qui sont perdus et tous ceux qui sont morts Qui vont par d’autres voies en de mêmes espaces !
Et je me suis dit; Ce n’est pas dans les pauvres landes Que les Enfants de Septembre vont s’arrêter; Un seul qui se serait écarté de sa bande Aurait il, en un soir, compris l’atrocité De ces marais déserts et privés de légende ?
C’est quelque part, en avant sur une pointe de terre juste avant de plonger dans la mer, que les pierres affrontent le vent.
Au milieu d’elles des hommes ont construit cet abri contre la pluie une toute petite chapelle
coincée entre des rochers, infiniment solitaire, minuscule église de pierre, qui semble s’être échouée
un jour de grande marée . Des saints que l’on a vénérés s’y sont peut-être réfugiés après avoir débarqué .
Ils connaissent des langues mythiques surtout en Bretagne, ( elle qui fut très ancienne montagne où abondent mégalithes ) .
Il se peut que les pierres pensent par elles-mêmes, gardant la mémoire de contrées anciennes et des fêtes païennes où les dieux n’étaient pas les mêmes .
S’accommodant d’autres coutumes, épousant les mousses et les lierres, ce n’est pas seulement pour les prières mais pour combattre la brume
évoquer les diables et les sirènes et toutes les légendes des siècles passés : ces pierres, nous les avons caressées , et des âmes déposées, recueilli les joies et les peines .
Qu’advient-il à prendre les chemins dérobés du poème ? Un égarement sans doute, une fugue entre les mains ardentes du pianiste – l’ivoire sous les doigts – , une eau qui se referme, un pas foulant le sable des étés
Semelles d’or que révèle la fuite je ne retiens de l’absence qu’une empreinte à demi effacée , tienne , qu’arase le vent des dunes,
le vent qui me jette en pâture ses averses de sel, ses grumeaux d’écume , et les mots du poème qu’effaceront les brumes
Je veux dire, avec l’humilité d’un ciel qui se propose,
la lumière qui n’est que du présent qui pense,
l’avancée du rêve parmi les vagues discrètes d’un jour,
plus beau à mesure que l’air sur mes lèvres
délivre l’hiver qui hésite au loin dans le chant des brumes.
Dire, et avec ce qui tremble au plus profond de l’âme,
célébrer la voix mêlée de nuit claire,
intensifier le geste qui accueille un corps.
Oui, dire et célébrer – encore – le pays où les pas
sur la neige sont un testament pour la beauté.
Dire, et avec les mots, augmenter en nous
la vibration secrète de l’émoi.
Lueurs immobiles sur l’éternité des eaux,
que votre majesté soit mon identité,
que mon souffle vienne mourir dans les plis de vos soupirs.
Mais est-il vrai que déjà nous ayons goûté
le temps où l’on voit monter, de larmes en larmes,
l’espoir d’un monde retrouvé ?
choisissez un bon bois de chêne, lisse au toucher, robuste et clair,
gardez-moi des vaines offrandes,
ces urnes que les us épandent en sombres paraboles abandonnées au vent,
aux rumeurs infécondes et sourdes du levant
et qu’un bras malhabile se devrait de répandre au-delà du silence
comme on boit le calice âcre de la souffrance
De charogne ou de cendre le jour où Elle viendra
choisissez un carré de terre,
de ce terreau qu’égrainera la pelle d’un ton clair
il faut du temps il faut des fleurs pour oublier
il faut ce marbre uni où poser des œillets
l’herme aux lueurs du soir est plus doux au malheur que ces brumes d’errance le vent a-t-il jamais séché les larmes de douleur
De cendre ou de poussière lorsque le temps viendra
choisissez un bon bois de chêne lisse au toucher, robuste et clair
et dans ce vieux pays de Rance enterrez-moi près de mon père.
–
suivi de ma « réponse »
Quel que soit le carré de terre, que des pelles viendront blesser la pierre ou le marbre, l’ombre des cyprès, les noeuds de leurs racines, auprès de toi,
Quel que soit le vent, qui répandra les cendres, comme autant de paroles vaines, et aussi les fleurs qui meurent, de même, dans leur vase,
Il y aura un temps pour oublier, lorsque les mousses auront reconquis la pierre gravée, les pluies effacé les lettres : – même la douleur ne peut prétendre à l’éternité .
Que l’on enterre une princesse avec ses bijoux, et toutes ses parures, ne la fait pas voyager plus vite sur le bateau de l’au-delà…
Ce qu’il en reste après quelques siècles : > quelques offrandes, et des os blanchis ne nous rendent pas sa parole et le ton de sa voix.
A se dissoudre complètement dans l’infini, c’est encore modestie : – On pourra dire « elle a été » -, mais le temps du souvenir, se porte seulement dans le coeur des vivants .
La vie m’écrit demain . Je ne saurais pas dire si c’est d’encre violette Ni qu’elle me choisit un destin ( je n’en fais qu’à ma tête ) ! – Je suis né par accident Parce qu’un jour mon auteur Qui aimait cette couleur Fut un peu imprudent
En voulant remplir les pages Contre l’avis du vent Le livre s’est fermé brusquement, – Et plutôt qu’en être otage J’ai fui sous le canapé En emportant quelques lettres Que je pourrais peut-être Utiliser sans me faire attraper.
J’ai donc dû m’aplatir Le nez dans la poussière, Avec tous ces caractères . Ils m’ont aidé à grandir, A me rendre autonome Ce fut une aventure De se lancer dans l’écriture, Nom d’un petit bonhomme !
Me glisser dans un feuille, Une autre encore et ainsi de suite Mon récit n’a pas de limite Jetez-y un œil ! : J’y inscris les rires Je m’invente des personnages Pars pour de lointains voyages Parcours des souvenirs
Je rencontre Prévert… – Ah, ce qu’on a ri, Au rayon poésie En vidant des vers… !! ( Il faut être un peu ivre Pour qu’au moindre prétexte On caresse un texte , Qu’on écrive un livre ).
Je n’ai aucun programme …. » Est-ce grave, docteur ? « D’avoir échappé à son créateur Et des brumes de son âme ?
La terre s’est habillée d’ hiver. Les peupliers sont nus. Les sommets des montagnes arrondis Blancs de neige, un regard au-dessus de noirs champs labourés sur des collines roulantes.
D’ épars reflets d’obsidienne Attrapent le soleil bas par l’ouest, brillant comme des lumières de Noël, dessus et en-dehors, dessus et en- dehors, comme des vents de la route.
Si rien comme autrefois ne doit plus être
si les mêmes nuages ne doivent plus revenir
si l’on se leurre en conservant un souvenir
si avec l’être humain doit vieillir le désir
tout oubli est utile et l’automne
sera un autre et long moment
couvert de jaunes et de brumes
Peut-être si chaque vert est recréé
si les rayons suggèrent des lumières nouvelles
et il m’en souvient sans peine
car c’était beau
de contempler les dessins que firent dans l’espace
toutes ces feuilles en tombant
peut-être alors sera-ce plus beau encore
qu’il y ait demain un soleil
et que je puisse le palper
Le matin arrive sur la ville qui dort,
On devine juste le clocher de la cathédrale,
Qui dépasse d’entre les nuées pâles,
Tout est indistinct encore,
Les rues sont encore couvertes de sommeil
Avant la dissipation des brumes matinales…
Les trottoirs présentent leur côté sale
En attendant la traversée du soleil,
Il peine à trouver son chemin,
( C’est, il est vrai, un grand voyage ),
Pour finalement s’immiscer d’entre les nuages,
Et réduire les gris comme peau de chagrin.
En répandant l’alphabet des couleurs,
De l’or liquide, en cascades,
Eclaboussant les façades,
S’éveillant au fil des heures.
La nuit s’est faite oublier,
Sa main pesante s’est retirée,
On peut voir, de nouveau, éparpillés ,
Des éclats clairs, sur mes souliers.
Tout ce qui est blanc m’éblouit,
La lumière multiplie ses taches,
La journée est en ordre de marche…
L’odeur des croissants frais me ravit.
Je le fis
neige hospitalière
craquelures
jardins lavés
d’Europe
reste d’un chant ancien.
Je le fis
association de l’air
sillon qui n’ensevelit
dépose dans sa force.
Là j’ai croisé
Les eaux musicales.
Brumes enveloppaient nos promenades
Nous étions
rameurs nous
promenions l’archet
sur les mondes creux
devenus plus légers
nous maintenions le rêve
nous nous fîmes
pluie
pour sérier l’absence.