Face aux dentelles de Montmirail ( RC )
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Quelque part,
adossé au corps de pierre,
La pente offrait
juste un répit,
un souffle,
avant de reprendre,
plus drue,
Plein sud,là où la terre n’a pas accès.
Seuls les arbres
accrochés, on ne sait comment,
dans une anfractuosité,
Têtus.
C’est une muraille qui se dresse
Une construction gigantesque de clair,
poussée sur un bleu
sans faille, où elle s’appuie .
Je la devine
plus que je ne la vois,
– lui tournant le dos –
mais elle répercute
Comme un miroir
La chaleur et les embruns solaires.
Embruns étirés de senteurs âpres
de romarins et de buis.
Je suis assis
devant une parenthèse
— aride
d’éboulis grisâtres .
On se demande
ce qui retient
ces roches déchiquetées, mâchées…
de dévaler plus bas :
Juste comme si la montagne
s’ était débarrassée,
en s’élevant,
d’éléments superflus.
A la manière d’un serpent
abandonnant sa mue:
une enveloppe
devenue inutile.
C’est un jour
où le mistral se repose :
En automne,
on n’entend plus les cigales
Mais le murmure de la vallée lointaine ;
peut-être un ruisseau,
Le léger bruissement des feuillages ,
les traits espacés du vol de rares oiseaux.
Au fond, le soleil caresse
des rangées de vignes
soigneusement peignées,
virant sur les jaunes, les orangés.
Peu de champ libre,
avant qu’une nouvelle vague minérale,
s’élève, accélère son mouvement,
jusqu’à ce que chênes et pins abandonnent.
Au pied d’une grande couronne de pierres,
sentinelles verticales,
à la façon de supports de dolmens,
dont il manquerait la table…
Forteresse censée surveiller
une mer disparue,
oublieuse,
bue, par le basculement des choses
inscrit dans la roche,
et ainsi de suite jusqu’aux îles
de la Méditerranée attendant un signal
pour se dresser à leur tour .
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RC – oct 2015
voir aussi https://ecritscrisdotcom.wordpress.com/2016/03/20/quelques-pas-vers-les-dentelles-1-rc/
Cécile Odartchenko – Le dit renaît
Cécile Odartchenko, À l’ami Moreu
« le dit renaît »
Tu marches peu,
mais tu marches quand même dans le labyrinthe de ton jardin.
À terre, les pierres plates,
les creux et les bosses
qu’avec le temps
ont façonnés les poids des corps
se mesurant à la résistance des chemins.
Tu sais la terre,
tu sais la pierre, tu sais la craie et le gravier
et chaque racine qui prend le sable dans son bouquet
et le tient en place.
Tu connais le buis et le rosier,
les bordures, les touffes,
les feuilles douces, les feuilles lisses,
les piquants, les épines, les orties.
Tu es l’ami
de celui dont le visage plein de rides
est une campagne à lui tout seul
ou dont la main est plus rugueuse que la patte de l’éléphant
pour avoir tenu les outils de jardin depuis des millénaires,
vieux visages, vielles mains,
corps usés, rétamés,
de corne et de peau, plissés.
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du site des éditions des vanneaux
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Claude Ber – Lai de la Belle au bois revivant
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Lai de la Belle au bois revivant ——(inédit sur le thème Passeurs de mémoire)
Ne cherche plus la Magramüe
Au socle de l’hiver de gris
Noir de neige et blanc de buis
Tout redevient quand tout s’est tu
A pic de l’horizon les forêts qui dérivent
Sont des mots effacés le cercueil océan
Quand réchauffant leurs oiseaux morts
A fleur de peau contre ton corps
Pour qu’entre lèvres ils revivent
Tu les diras en outre temps
Dans les fleuves du ciel fendu
Sous les aisselles de la nuit
Se couche nue avec l’oubli
La mémoire redevenue
Au fil de nos saisons les journées qui déclinent
Dispersent nos chimères et noient nos talismans
Que la nuit treuille dans son palan
Mais les paroles qui s’inclinent
Vers la Belle au Bois revivant
Font du givre ce soleil blanc
CLAUDE BER
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passager des saisons ( RC )
passager des saisons ( RC )
Il y a des routes croisées de pluie
l’avancée immobile des saisons,
tes pas , de mémoire , et de raison,
Des falaises,de la roche, les abris
Et l’odeur des rideaux de buis
Lorsque je m’accorde, attentif
A ton regard cascade, si vif
Et cette larme, que j’essuie.
J’ai parcouru des mers, et des îles,
Routes et distances considérables
Des plaines vertes,à la main aimable
Au travers des printemps fragiles.
Et les saisons passent, animées
Produisant mille fruits
Mais tu danses encore dans mes nuits
En moi, la jointure de tes lèvres, imprimée,
Et le douceur de ta peau de soie,
L’obscur de ton verger
Dont je suis passager
… reste près de moi…
RC – 17 septembre 2012
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