Bernat Manciet – sonnet IX (laurier du vent )

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J’entre dans le laurier du vent
dans son frémissement de foret
dans la poix des guis picorés
et les bleus dorés d’un jeune juillet
en tous mes lieux tu répands ta querelle
partout l’oiseau devient feuille
et la rose ailes par son néant
liserée des rires de ta peau
mais parmi les ombres en foule
fourrés buissons et halliers
voici paraître comme une lueur de lune
et de lointain en lointain apaisé
le tourbillon se fait mutisme
ce silence qui t’est louange
carcasse et abandon – ( RC )

Ce matin très lumineux,
cette route qui ne va plus nulle part,
un mur et cette carcasse d’un bâtiment blanc
et le vent qui secoue les buissons maigres,
souligne l’abandon sous un azur très pur
après un long détour.
Le soleil a tordu l’ancien climatiseur,
le temps a cuit les pierres,
la route défoncée s’éloigne dans la poussière .
( texte créé à partir de la photo jointe )
dec 2020
Frédérique Kerbellec – Cette terre
photo de Boston.com
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Cette terre de tant de douleur
cette terre de l’arrachement
terre rude
On harangue aujourd’hui sa dépouille
le grand désastre de l’âme
vendu aux boutiques d’ordures
aux marchés des esclaves
qu’on achète pour rien
Son cri arrache des larmes aux astres
appelle sans secours
les pelotes somnolentes des étoiles
Et ses yeux s’agrandissent
terrifiés
sa voix perdue
brûlée piétinée asséchée
par la prostitution des maudits
par la vanité des immenses
des casseroles de fer
qui volent au vent du Nord
La commisération
les parfums fous
les épines des buissons
le prunier touchera bientôt terre – ( RC )
peinture : Piet Mondrian
Les nuages ruent
à la façon de chevaux se cabrant
sur le soir qui s’en va
et se brodent d’or.
Si c’est l’agonie du jour
et le vent debout
tout semble se confondre
dans des bribes d’histoire
comme des photos
virant au sépia
les oiseaux décrochés
d’un ciel en grumeaux.
L’herbe ici; venue en premier plan
importe plus que les murailles
de la ville et les néons
clignotant .
C’est une question de mise au point
le proche et le lointain
ne se mettent pas d’accord
— peut-être le photographe
a regardé au plus près
le jardin
qui se laisse aller .
Les buissons ont débordé
sur les allées
les lourds arrosoirs
ont cessé leur ballet
à la mort du grand-père
le prunier mal taillé
s’est penché pour soupirer
sous les premières pluies d’automne ;
il touchera bientôt terre.
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RC – août 2017
Pierre Drano – Talus
Le fossé est une arrière-pensée
pas même un paysage.
Dans ses fenêtres, des fleuves entiers,
des ravins
des couleurs
et lui-même, un lieu tourné
par la terre.
*
Autre talus
Autre chemin que la terre creuse
Buissons de l’autre
Sentiers d’ici
Prairie. Prairie. Prairie.
et encore…
Talus
Quel mot d’absence.