Des rêves qui s’effacent – ( comme au fond d’un encrier ) – ( RC )

Nos rêves se plient,
se frottent à la cendre,
aux cartes du ciel
qui bascule
un jour d’automne
- pour mettre le vent
dans sa poche.
Ils seraient semblables
à ces moissons du ciel,
qui couchent les blés
après la canicule
d’un été de soif ;
Que chantent ils ?
Des ailleurs où jamais
nous ne sommes ?
Nos traces sur la page
qui s’effacent
au fond d’un encrier.
L’ombre de nos paroles
n’en est jamais sortie :
autant boire au goulot
de la bière tiède
et regarder la mer,
qui, toujours indolente
sommeille
sous un quartier de lune.
Jamais nous ne pourrons l’attraper,
et nos rêves dérivent
à sa surface, chimériques,
comme une rose qui s’éteint,
dans leurs reflets changeants.
Viens boire dans ma main, l’oiseau – (Susanne Derève)

Viens boire dans ma main,l’oiseau. L’aile du vent s’est tue. On annonce aujourd’hui 50° à Rio et autant à Paris, et la voix qui claironne la mort lente des ombres, celle bleue du figuier, et la joue ronde du cormier, et le voile doré des trembles, qui égrène les villes,les fleuves, les pays, La voix dit: « à Rio,les mangroves ont séché; Paris n’entend plus le chant menu des fontaines. À Rome,le marbre s’est brisé, et l’asphalte a fondu à Londres et à Memphis; le Rhône et le Danube ne charrient plus que des boues lisses, et le sel sur les rivages de nos étés trace des routes blanches qui crissent sous le pas comme du verre pilé ». Viens boire dans ma main,Oiseau, je te dirai une autre histoire où tu nichais dans la fraîcheur des granges; les matins s’habillaient de perles de rosée et le froid emportait les migrations d’automne vers de nouveaux étés. C’était un temps ancien où les oiseaux chantaient.
Le vent – (Susanne Derève) –

Ce vent soudain levé emportait tout à travers lui : L’accablement des jours passés dans la chaleur caniculaire de Juin, un peu de nous soustrait à la fournaise derrière les volets clos,le linge arraché au séchoir,l’odeur de lessive et de paille,les chants d’oiseaux. Peut-être emportait-il l’été dès avant sa naissance, dont n’avaient plus que faire nos peaux brûlées,les feuillages pantelants de soif,les mottes grises,l’herbe jaunie. Il emportait le silence du monde : Nous savions que le soir venu descendrait la clameur du haut des granges, quand la poussière retomberait avec la pluie, et nous nous trouverions tout à coup frissonnants,étonnés de sentir sous nos pas la terre frémir,s’ébrouer. Nous le saurions alors ce qu’était le cadeau du vent : les parfums retrouvés, cette jouvence dont nous partagions l’ivresse et qui marchait vers la vallée porter la fraîcheur de l’averse
Quand résonne Septembre – (Susanne Derève)

Photo RC – Blés des Causses
Quand résonne Septembre
me revient
la chanson de la pluie sur les verrières
son bruit de verre pilé
celui du verre qu’on rassemble
enclos sous le voile léger
comme un rire étouffé éparpillant les cendres
de l’été
Verre brisé
Parfois les feuilles sèches des saules
avaient ce tintement cristallin en Juillet
et le vide du ciel l’étincelant reflet
Dans la pénombre à traquer la moindre trace
de fraîcheur chaque geste pesait
C’était un temps d’une infinie langueur
où l’on se contentait d’être dans la dérive lente
des heures sans que décline la fournaise
Même la nuit brûlait d’une insolente ardeur
Verre brisé le murmure des blés
dans l’ombre portée du vent
comme un frisson un long haussement d’épaule
un éclair de chaleur le plein chant de l’orage
croisant à l’horizon un crépitement bref
à peine une averse une sueur d’été
On attendait Septembre
la douce chanson de la pluie sur les verrières
son bruit de verre pilé
celui du verre qu’on rassemble
enclos sous le voile léger
un sanglot étouffé qui dispersait les cendres
de l’été