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Des rêves qui s’effacent – ( comme au fond d’un encrier ) – ( RC )


Nos rêves se plient,
se frottent à la cendre,
aux cartes du ciel
qui bascule
un jour d’automne

  • pour mettre le vent
    dans sa poche.

Ils seraient semblables
à ces moissons du ciel,
qui couchent les blés
après la canicule
d’un été de soif  ;

Que chantent ils ?
Des ailleurs où jamais
nous ne sommes ?
Nos traces sur la page
qui s’effacent
au fond d’un encrier.

L’ombre de nos paroles
n’en est jamais sortie :
autant boire au goulot
de la bière tiède
et regarder la mer,
qui, toujours indolente
sommeille
sous un quartier de lune.

Jamais nous ne pourrons l’attraper,
et nos rêves dérivent
à sa surface, chimériques,
comme une rose qui s’éteint,
dans leurs reflets changeants.


Viens boire dans ma main, l’oiseau – (Susanne Derève)


Françoise Pétrovitch – oiseau –
Viens boire dans ma main,l’oiseau.
L’aile du vent s’est tue.

On annonce aujourd’hui 50° à Rio 
et autant à Paris,
et la voix qui claironne la mort
lente des ombres, 
celle bleue du figuier,
et la joue ronde du cormier,
et le voile doré des trembles, 
qui égrène les villes,les fleuves,
les pays,
 
La voix dit:

« à Rio,les mangroves ont séché;
Paris n’entend plus le chant menu 
des fontaines.

À Rome,le marbre s’est brisé, 
et l’asphalte a fondu à Londres 
et à Memphis; 

le Rhône et le Danube ne charrient 
plus que des boues lisses,
 
et le sel sur les rivages de nos étés 
trace des routes blanches qui crissent 
sous le pas comme du verre pilé ». 

Viens boire dans ma main,Oiseau,  
je te dirai une autre histoire 
où tu nichais dans la fraîcheur 
des granges;

les matins s’habillaient de perles 
de rosée 
et le froid emportait les migrations 
d’automne vers de nouveaux étés.
 
C’était un temps ancien où les oiseaux 
chantaient.


Le vent – (Susanne Derève) –


Félix Vallotton – Le vent –
Ce vent soudain levé emportait tout 
à travers lui :
L’accablement des jours passés                                             
dans la chaleur caniculaire de Juin, 
un peu de nous soustrait à la fournaise                                                          
derrière les volets clos,le linge
arraché au séchoir,l’odeur de lessive 
et de paille,les chants d’oiseaux.

Peut-être emportait-il l’été dès avant 
sa naissance, 
dont n’avaient plus que faire 
nos peaux brûlées,les feuillages pantelants     
de soif,les mottes grises,l’herbe jaunie.

Il emportait le silence du monde :
Nous savions que le soir venu descendrait 
la clameur du haut des granges,
quand la poussière retomberait avec la pluie, 
et nous nous trouverions tout à coup 
frissonnants,étonnés de sentir sous nos pas
la terre frémir,s’ébrouer.

Nous le saurions alors ce qu’était le cadeau 
du vent :
les parfums retrouvés, cette jouvence 
dont nous partagions l’ivresse 
et qui marchait vers la vallée
porter la fraîcheur de l’averse



Quand résonne Septembre – (Susanne Derève)


 

 

Panorama causse blés 04 sépia

    Photo RC – Blés des Causses

 

 

 

Quand résonne Septembre

me revient

la chanson de la pluie sur les verrières

son bruit de verre pilé

 

celui du verre qu’on rassemble

enclos sous le voile léger

comme un rire étouffé éparpillant les cendres

de l’été

 

Verre brisé

Parfois les feuilles sèches des saules

avaient ce tintement cristallin  en Juillet

et le vide  du ciel  l’étincelant  reflet                    

 

Dans la pénombre    à traquer  la moindre trace       

de fraîcheur   chaque geste pesait

 

C’était un temps d’une infinie langueur   

où l’on se contentait d’être  dans la dérive lente                               

des heures   sans que décline la fournaise  

Même la nuit brûlait  d’une insolente ardeur             

                            

Verre brisé   le   murmure des blés 

dans l’ombre portée du vent 

comme un frisson     un long haussement  d’épaule

 

un éclair de chaleur  le plein chant de l’orage

croisant à l’horizon    un crépitement bref    

à peine une averse    une sueur d’été

 

On attendait Septembre

la douce chanson de la pluie sur les verrières

son bruit de verre pilé   

 

celui  du verre qu’on rassemble

enclos sous le voile léger

un sanglot étouffé qui dispersait les cendres

de l’été