Max Jacob – Madame la Dauphine

Madame la Dauphine
Fine, fine, fine, fine, fine, fine
Fine, fine, fine, fine
Ne verra pas, ne verra pas le beau film
Qu’on y a fait tirer
— Les vers du nez —
Car on l’a menée en terre avec son premier-né
En terre et à Nanterre
Où elle est enterrée.
Quand un paysan de la Chine
Shin, Shin, Shin, Shin, Shin, Shin
Veut avoir des primeurs
— Fruits mûrs —
Il va chez l’imprimeur
Ou bien chez sa voisine
Shin, Shin, Shin, Shin, Shin, Shin
Tous les paysans de la Chine
Les avaient épiés
Pour leur mettre des bottines
Tine ! tine !
Ils leur coupent les pieds.
M. le comte d’Artois
Est monté sur le toit
Faire un compte d’ardoise
Toi, toi, toi, toi,
Et voir par la lunette
Nette ! Nette ! pour voir si la lune est
Plus grosse que le doigt.
Un vapeur et sa cargaison
Son, son, son, son, son, son,
Ont échoué contre la maison.
Son, son, son, son,
Chipons de la graisse d’oie
Doye, doye, doye,
Pour en faire des canons.
–
extrait du « Laboratoire central » et accompagnant un lieder de Francis Poulenc
Leopold Sédar Senghor – Prière de paix

Sculpture romane – église de Ste Marie et St.David, Kilpeck. England
- Voilà que le serpent de la haine lève la tête dans mon coeur, ce serpent que j’avais cru mort…
- Tue-le, Seigneur, car il me faut poursuivre mon chemin, et je veux prier singulièrement pour la France.
- Seigneur, parmi les nations blanches, place la France à la droite du Père.
- Oh ! je sais bien qu’elle est aussi l’Europe, qu’elle m’a ravi mes enfants comme un brigand du Nord des bœufs, pour engraisser ses terres à cannes et coton, car la sueur nègre est fumier.
- Qu’elle aussi a porté la mort et le canon dans mes villages bleus,
- qu’elle a dressé les miens les uns contre les autres comme des chiens se disputant un os
- Qu’elle a traité les résistants de bandits, et craché sur les têtes-aux-vastes-desseins.
- Oui, Seigneur, pardonne à la France qui dit bien la voie droite et chemine par les sentiers obliques
- Qui m’invite à sa table et me dit d’apporter mon pain, qui me donne de la main droite et de la main gauche enlève la moitié.
- Oui, Seigneur, pardonne à la France qui hait les occupants et m’impose l’occupation si gravement
- Qui ouvre des voies triomphales aux héros et traite ses Sénégalais en mercenaires, faisant d’eux les dogues noirs de l’Empire
- Qui est la République et livre les pays aux Grands Concessionnaires
- Et de ma Mésopotamie, de mon Congo, ils ont fait un grand cimetière sous le soleil blanc.
L.S. SENGHOR, Hosties Noires, 1948
Giorgio Manganelli- Centurie 31
Giorgio Manganelli écrivit Centurie « 100 petits romans fleuves » voila le début du 31 sur haut et fort vous pouvez lire le 39
TRENTE ET UN
Pour dire les choses franchement, cet homme ne fiche absolument rien.
Il paresse. Il reste allongé sur son lit, s’étire, change de position.
Il va d’une pièce à l’autre. Il se fait un café. Non, il ne se fait pas de café. Non, il ne va pas d’une pièce à l’autre. Il pense aux choses merveilleuses qu’il pourrait faire, et il en éprouve un léger malaise qu’il serait toutefois exagéré de qualifier de remords.
Simplement, l’inactivité est un genre d’activité auquel il n’est pas habitué. Si j’étais militaire, médite-t-il, un de ces militaires qui ne se sentent hommes que lorsque tonne le canon et que se présente une raisonnable possibilité d’être tué ou de rester mutilé,
et de toute façon de se voir métamorphosé en monument, je devrais dire que je me comporte non seulement comme si le canon ne tonnait pas, mais quasiment comme si la paix universelle venait d’être déclarée, parallèlement à la destruction des monuments.
Comment se sentirait-il, pareil militaire ?