Chair de bitume – ( RC )

La pâte ,
chair de bitume,
lave solidifiée,
la route
sous le feu de l’été
liquéfiée.
Toi tu étales,
moi je racle,
mais rien ne s’en va
sinon quelques graviers
rebelles.
Pieds englués.
La pâte toujours,
chair de peinture,
poussée par la brosse,
sera peut-être un jour
lumière,
un visage, un regard.
Elle maintient le nôtre
prisonnier,
avec des caprices de geste,
figés.
Quelques poils de pinceau
collés, rebelles.
Ils pourraient être nôtres
ces poils, sitôt enlisés
dans le silence.
Monochrome.
Noir de bitume.
Racles plus fort !
et tu me trouveras.
RC
Franck Smith – noir solstice

je ne comprends pas
pourquoi toujours l’inquiétude doit être profonde
le ciel bleu la mer épaisse et profonde
le souvenir épais et bleu chaude
la chaleur de l’été solide
l’ennui ne comprends pas printanier
et bleu le bouquet comme noir
le soleil noir mouillé de noir
et c’en est fait du ciel pourquoi
radicalement noir comme celui
et c’en fut fait du ciel le noir dans la bouche
je ne comprends pas pourquoi
après le noir le blanc toujours
ensuite non ne comprends pas
tu comprends toi pourquoi
et où et de quoi as-tu peur dans le noir
quelle est la longueur dis cette peur rayonnante
sa lenteur
son caprice
dans le noir qu’elle est
radicalement
puisqu’il n’existe pas
le nom du jour n’existe pas
c’est noir quand le jour
n’est plus
non je ne sais pas
écoute un nom contient
le noir un noir un autre noir
au même endroit
c’est comme
le vent c’est comme
l’électricité
c’est comme la mer après
dont tu ne comprends pas
l’équilibre
la force non
et nous ne savons pas
plus de même
au même endroit
de cette peur
entre le vent
radicalement faible
de tout entier
et dérisoire
c’est comme la proie
la tache
noire aux sombres soucis
et tu te tais
et c’en fut fait du ciel
III
noir
c’est un peu d’orange pourtant
une branche ou deux qui font éclater les valises
je partirai passerai par l’usure du monde
je vais partir c’est sûr puisque
je te le dis dans le noir
te le dis dans la plus éculée des disparitions
avec à coté de moi quelques mots quelques oublis
une misère sans importance des baleines bleues
au ventre je te chercherai au coeur net
de ce que je refuse à côté si proche
la rivière du désordre dérisoire et vraie
te dira une absence
IV
je vais partir c’est sûr les mots
arrangeront un visage aimé
aux contours à peine dégrossis
je n’aurai aucun retour aucune peine à me perdre
V
quel noir est-ce qu’on voudrait tenir
pour endurer un silence moins inquiet
un sourire dénué du feuillage
des signes
quelque chose mauvais encore
et tenir têtes et gestes
je vais partir dans ce noir
que tu ne sais pas
donner
ni répondre
en cette seule et petite
fréquentation du mal
le mal-dit le mal-compris
autant de mensonges
ni personne
VI
les pas seront ceux du bleu effrayant et fatigué du malheur mal guéri
après l’autre après les autres feront-ils offrande ‘ c’est toujours
un peu non un peu seulement sauf que non c’est pas pareil à des patiences difficiles
VII
je ne sais pas pourquoi le ciel
je ne sais pas pourquoi le ciel la nuit
je ne sais pas pourquoi tant le ciel si l’obscurité
tant la nuit tant va le ciel
ne sais pas jamais
tant d’obscurité que si la nuit
alors qu’au ciel
et au-delà
bien au-delà
l’épaisseur des herbes-où nous courons
dans le ciel
, VIII
pour aller où je sais que j’aime ça se traverse longtemps aussi longtemps que l’eau
chaque force chaque éclipse » et rien pour dénombrer le temps
Du hasard est né cécité – ( RC )
photo Polly Chandler : lay your head where my heart used to be
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Et si je prends à rebours d’autorité
A jeter les dés autrement ( sans y être invité)
Et décideront d’un autre parcours – de notre vie
C’est l’avenir qui balbutie – et qui change d’avis
Le hasard prodigue en surprises, peut avoir des revers
Et le soleil peut faire place à la journée ( à l’envers)
Plus grise et sombre qu’on l’eut souhaitée
Et nous voilà face aux décisions divines (entêtées)
La grande question, est que nous ne dominons rien
En visibilité courte de ce que nous promet le destin.
Si un ange passe, est-ce que son doigt se pointe sur nous,
Ou nous laisse dans l’ombre – au fond du trou ?
Comment savoir alors, sinon jouer les probabilités
A décider du destin, le hasard ( seul habilité),
Qui en fait tout à son aise – peut-être des miracles
Ou bien la catastrophe. ( faudrait consulter l’oracle….)
Face aux éléments… incendies, tornades, en démence
A utiliser le hasard – je me fais agent d’assurance
Si toujours, en jetant au sol les cauris
Ce sont les éléments qui me sourient
Ou bien, à subir le hasard, – et ses caprices
Passer à côté du vrai, tomber dans le factice
Etre accusé à tort, subir les supplices
Autres agréments et injustices
On peut subir le mauvais sort
Et ne jamais s’en sortir, malgré ses efforts
Tirer la courte paille, le mauvais numéro
Qui jamais ne fera de nous, des héros.
Ainsi les conscrits par le passé, pas de chance
Sont envoyés – par hasard – défendre la France
Enfin, plutôt les seigneurs et puissants
Imposant de la sorte un « don du sang »
Il se peut ainsi que le hasard m’aille
Ou bien goûter le revers de la médaille,
En étant cloué au poteau
Pour avoir perdu au loto…
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RC 15 juin 2012
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André Velter – Présage
Présage.
Il n’y a plus de seuil
Plus de maison
Plus de camp
Plus de feu
L’aube de ta main gauche
Etreint le soir de ta main droite
Le jour se fait poussière
Souveraine est la nuit
Entre ton âme que je ne crois pas en peine
Et ton corps d’altitude
Pas d’accablement
Pas de déchirure
Tu ouvres la voie des devins
La transparente
Peut-être à coups d’ongles contre le temps
Présage
Qui tient du miracle
C’est à l’Orient l’étoile nouvelle
Où ta vie magicienne
Annonce le caprice et l’oracle
D’une insurrection sans exemple
D’une résurrection sans nom.
« Ton corps d’altitude »
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