Carl Norac – Chansons pour Robert Walser 2

J’écris sur des bandes de papier dit-il
je n’enfile pas les perles toute parole digitale
le passé rôde où on l’enterre il y a
des visages à compter des cibles à contenter
je viens gâcher mes yeux en signes minuscules qui me lira tombera
sur la paroi d’un grain de sable
( Walser ainsi va au clocher
au merle à l’arbre à la rivière
il a perdu cent noms cachés
sait comment peser sur la terre
les ailes sont pour les passants
et lui ne passant plus vraiment il écrit à défaut de vivre )
Carl Norac – prière pour le soldat Kostrowitzky

la mort me suit parfois et je lui dis
patiente
je n’ai pas encore mis
de mots sous les cailloux
j’écris « je suis vivant »
tout en fermant les yeux
la mort me suit parfois et je lui dis
patiente
tous les matins je suis vieux mais les soirs
je m’enfante laisse-moi jouer un peu
dans la cour des grandes ombres
patiente ô sage mort
écoute si ténu
le bruit de l’encre bue
sur cette page
et puis dors
Carl Norac – Polaroïds pour Mapplethorpe

C’était de la fleur de sang haut de gamme
Robert Mapplethorpe la regardait passer le pli
des veines son chapeau mangeant un de ses yeux
et le rendant ensuite comme un pois jailli hors de sa cosse
Les bras étendus
il peignait des mondes clos puis changeait de palier
Patti Smith était là habillée en ange noir
une étoile bleue sur un sac blanc
En Robert le beau venait par imprudence
comme pour elle seule déambulait Rimbaud
Les poètes de l’image ont toujours une paroi
qui chance mais dans laquelle est fiché un clou de travers
Pour Robert les gens figuraient des animaux
les foules des collages les inconnus des trous
la Vierge Marie repassait un drap trop plissé
ici et là des cravates pendaient à la place des hommes
Robert is Robert
susurrait une voix au Chelsea Hotel
Mapplethorpe cherchait le noir pur pour défoncer sa nuit.
extrait de » une valse pour Billie »