Fantaisie élastique – ( RC )

Fantaisie élastique,
je suis un être multiforme,
qui délaisse l’uniforme
parcours les rues à sens unique,
je change leur décor ,
et parcours tes pensées :
je me laisse guider,
et suis ton chemin sans effort :
( à chaque jour sa peine );
ne m’en veux pas si je repeins
chaque jour avec tes mains ,
aucun train ne va où je te mène :
Ce n’est même pas le désert ,
quand résonne la musique,
– fantaisie militaire de la clique
cheveux ras, sans crinière -,
équilibriste sur un fil tendu ,
entre deux pans de montagnes;
On peut sortir le champagne,
jouer de malentendus :
il reste encore plein de questions
qui tournent dans ma tête ,
comme une moulinette,
( sans plus de précision… )
Laisse moi donc encore le temps,
de murmurer le refrain,
l’écho s’en lave les mains ,
et te répond que je mens,
de tourments en overdose,
que je viens seulement,
pour attraper le vent,
et peindre ma vie en rose ,
me fondre dans le paysage :
je suis ici, et partout à la fois :
c’est de bon aloi
d’offrir plusieurs visages :
on me voit encore de dos,
mais toujours à contre-jour
à chaque carrefour ,
sur toutes les photos
C’est pour décrire l’ambiance,
car je suis un être multiforme,
qui délaisse l’uniforme,
et prends toutes les apparences
comme un caméléon
un jour au cirque
( puis voleur d’amphores au fond des criques)
le lendemain en habit de démon .
–
RC – inspiré en l’occurrence de la chanson de A Bashung
texte paru initialement sur Welovewords
Une vie au ralenti – ( RC )

Du troisième étage,
on voit le kiosque à journaux
devant le parc aux platanes ,
qui s’ennuient.
Ils s’ennuient des enfants
qui sont maintenant
à l’école, et des mamans
ne sortant plus les landaus .
La vie est au ralenti,
ce vendredi après-midi.
L’automne recouvre le carrefour
de feuilles brunes et or .
Tout le quartier se dissimule
sous les parures des arbres
désormais au sol
masquant le goudron.
Les rues, semblables
à une étoile de mer ,
ne mènent plus désormais
nulle part .
Les feux de circulation
n’ont rien compris.
Ils changent de couleur
obstinément, en cadence .
La ville s’est endormie
( une pause avant la pluie ).
Les voitures alignées
ont l’air de scarabées gris.
Revenue – ( RC )
Au delà,
des rues du carrefour,
des voitures immobiles,
et des arbres qui attendent.
un banc
au milieu d’une place,
peut-être un jardin,
qu’on ne distingue pas bien:
il y a un mur
aux écritures blanches.
puis une lumière dorée
comme si on voyait au travers
alors, laissant tomber les pinceaux ,
j’irai dessiner sur la muraille une porte ,
je l’ouvrirai sans bruit
et saurai que tu es revenue…
–
RC – fev 2018
Rues d’anciens habitants – ( RC )
On se demandera quelle carte consulter,
ou plutôt, à quelle époque,
et si on peut retourner dans la géographie intime
des rues de la ville .
Il y a d’anciennes inscriptions,
qui cohabitent avec les plaques émaillées
et qui disent d’anciens lieux,
des noms qui n’évoquent pas ceux d’hommes célèbres,
mais l’activité pratiquée, ou ce qui marquait
visuellement l’endroit .
La ville est un continent , dont une part est englouutie
dans les épaisseurs de l’histoire .
On peut revoir des cartes anciennes ,
l’écriture penchée, et appliquée pour les noms,
toucher les vieux papiers ,
ignorant l’aspect plastifié d’aujourd’hui
mais rien ne vaut autant,
que pénétrer plus avant dans son ventre,
là où il serait impossible de se repérer ,
dans le sous-sol , où l’ombre règne.
Ce sont des gouffres qui ont englouti les rues,
dirait-on,
un double du quadrillage aérien,
qui court, à la manière d’une autre ville,
cachée dessous, à l’instar d’un arbre,
où les racines se développent dans l’ombre,
comme les branches, dans l’air.
Ou bien la partie cachée de l’iceberg ,
dévoilant , pour qui en a entrepris l’exploration,
la face inconnue des choses.
Une partie ignorée, et qui peut le demeurer :
tout un dédale de souterrains se développe,
juste sous nos pieds .
Il y a des artères principales ,
des croisements , bifurcations ,
impasses, et cavités,
qu’on prendrait presque pour des boutiques,
( comme celles situées au-dessus de la surface ),
des chapelles, le tout rempli jusqu’à ras-bord,
des ossements d’anciens habitants.
L’imagination aidant, les catacombes
sont le continent du sous-sol .
Il revit peut-être avec ses spectres:
les squelettes se réveillent, et se promènent :
Ils n’ont pas besoin de leurs yeux défunts,
de toute façon inutiles dans l’obscurité totale .
Mais pour ceux qui n’y voient pas ,
on a privilégié le sens du toucher,
et c’est peut-être pour cela , que le nom des rues
reste indiqué, à chaque carrefour,
Avec ces lettres profondément creusées dans la pierre .
–
RC – dec 2017
Denise Jallais – Les Couleurs de la Mer
photo d’actualité modifiée RC
Assise sur la dune
Je regarde les feux du carrefour
Rouges pour arrêter ton cœur
Jaunes pour t’ensoleiller
Verts pour te permettre
Et les voitures roulent sous la pluie
Comme dans une brume jaillissante
Vers l’odeur mêlée de la plage et des chênes verts
Je regarde les feux du carrefour
Sages comme des phares de mer
Et ton ombre changeante
Qui grandit lentement
Du fond de la route .
Denise JALLAIS « Les Couleurs de la Mer » (Seghers, 1956)
Bassam Hajjar – tu n’es rien et ta parole est passagère
peinture : Ad Gottlieb – sons dans la nuit 1948
Ils ne s’appellent pas des tombeaux car personne n’y repose
de simples signes
celui qui passe, rapide dans sa voiture, tourne la tête vers eux
ou bien celui qui marche à côté d’eux,
distrait,
pas d’arbres hauts et plaintifs pour les entourer et les ombrager
pas de pierres debout
pas de noms
pas de murailles •
pas d’insignes
pas de sentiers.
Edifice d’un passage fugace ..
lorsque tu passes à côté de lui en t’éloignant
il s’amenuise doucement avant que le carrefour ne le dérobe
à tes yeux
avant que ne te dérobe à ses yeux
le carrefour.
Tu n’es rien
et ta parole est passagère, comme toi,
parmi des gens de passage
c’est pourquoi
je parle de moi,
moi,
qui ne passe pas souvent
dans ton horizon.
extrait de « tu me survivras » ( Actes Sud )
Claude Saguet – A ma mère
à ma mère
Mon délire vient
d’un grand orage,
d’un lieu inexploré
à l’Est de l’Angoisse.
Tendresse verte aux carrefours
je le retrouve, couleur d’émeute,
en de lointains faubourgs
noyés de linges tristes.
Le soir peut faire la roue
quand j’écarte les branches,
ou vêtir de neige
la soif des oiseaux,
il assiège mes oreilles
plein de détonations.
En vain la mer efface
le bleu sourd du brouillard,
et griffe de ses sources
les filets de la pluie,
il balise d’injures
la nuit qui me ressemble.
Mon délire vient
de mille chaînes
coulées dans le regard
où tout se contredit.
(Terre de fièvres éditions Tribu juin 1984)
–
Daniel Corre – voix venues de la terre – A
Les gens sont absents, leurs demeures sont murées.
Ils laissent le vent se ruer aux carrefours avec ses lames de bourreau,
pendant que dans les prés naissent les agneaux, les pas d’ogre et les annonces de résurrection