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Articles tagués “cathédrale

Murièle Camac – le vent


le vent !
oh le vent transformait
les rues en ravins
les places en landes maudites
la ville en ventre de baleine

oh dans le vent nous
devenions feuilles d’arbre
et nos manteaux ailes d’oiseau
shamans nous aurions pu nous envoler
chavirer comme une illusion
ou nous éparpiller en mille embruns

le vent, le vent, quand le vent déversait
sur la ville ses nostalgies
de monstre marin
la cathédrale se faisait montagne
et refuge ses grottes sculptées
et le dieu lui-même depuis si longtemps parti
revenait de sa main la maintenir en place


Michèle Finck – Le dit de la cathédrale de Strasbourg –


František Kupka – Madame Kupka parmi les verticales
Quatrième vitrail
Labyrinthe
Qui n’a pas regardé
L’autre pleurer
Ne le connaît pas.

Aimer un être
Pour la façon
Unique
Qu’il a de pleurer.

Le reconnaître
À l’odeur
De ses larmes

Toucher les traces
Que tes larmes laissent
Sur mon visage.
Cartographie étrange
Dont nul n’a la clé.

Dans le labyrinthe
De tes larmes
Avancer
À tâtons :
Éblouie.

Tes larmes
Nous élèvent
Au-dessus
De la poussière.

Tu pleures je ferme les yeux
Pour t’écouter pleurer
À nos pieds la cathédrale
De grès rose
Lentement tournoie.

L’essentiel est invisible
Aux sans-larmes.

Visage contre visage
Savons-nous encore
Qui de nous deux pleure ?

Mes larmes
Coulent
De tes yeux.

Connaissance par les larmes, Arfuyen, 2017,

voir également : la pierre et le sel (actualité et histoire de la poésie)

.


à skis vers Helsinki – ( RC )


photo Kulkijain

Celui qui se rend
dans la banlieue d’Helsinki
peut chausser ses skis.


Nous allons suivre notre homme
progressant lentement
de porte en porte.


Choisira-t-il la ligne droite
ou le slalom,
la voie la plus pratique
dans son esprit l’emporte
car franchir les portiques
reste une opération délicate :


même s’ils restent ouverts
à tous les vents
et aux étoiles

– ce qui libère les courants d’airs –
et comme par enchantement
— apparaît la cathédrale
sertie d’une brume matinale
à la sortie du labyrinthe :


il reste à prendre une photographie,
pouvant faire office de carte postale,
remplaçant la toile déjà peinte
au dos on trouvera inscrit


bons baisers d’Helsinki !

RC

voir le site de photos


Gargouilles et corbeaux – ( RC )


Deux corbeaux se posent,
sous la voûte gothique :
ce sont deux ombres, – esprit des cierges
entourant le catafalque -,
qui se nourrissent de cantiques .

Les saints représentés sur les statues
restent immobiles,
leur tête chevelue de poussière,
leurs vêtements de pierre
abritent quelque oiseau nocturne.

Les pinacles se dessinent en noir
contre un ciel d’orage.
Pas de prières en dehors des horaires
Le « son et lumière « 
ne fonctionne plus à cette heure .

Le parvis de la cathédrale est désert
et les gargouilles entament
une conversation muette,
leur gueule grande ouverte
aboyant sur les nuages .


Mary Jo Hoose – Oh enterrez-moi !


Oh enterrez-moi en haut d’ une montagne de la région
Au flux des eaux cristallines s’écoulant comme une fontaine éternelle.

Avec sa colline de verte émeraude , piquetée de belles fleurs sauvages.
Et de grands pins parfumant l’air sous la chaude douche de l’été.

Trouvez un vieux chêne avec des branches pleines d’ombre.
Les petits oiseaux chantant pour moi depuis leurs nids .

Oh enterrez-moi auprès du lumineux et chaud soleil ,
Lorsque la pleine lune brille , sur une nuit étoilée.

Reliée à la cabane de mon pays bien-aimé ,
Regardée et protégée par mon chien fidèle .

Oh enterrez-moi auprès des dieux de la grande cathédrale bleue .
Où le vrai sommeil éternel est paisible .

Mary Jo Hoose

( tentative  de traduction  RC )


Jan Slauerhoff – le royaume interdit


photo transfo  - Cath du Puy -en-Velay

photo transfo               – Cath du Puy -en-Velay

…il s’entêta et se retrouva tout à coup devant un large escalier dominé par la façade rigide de la cathédrale ; tout en haut, perçant le ciel grisâtre de la nuit, la croix noire.

Il monta d’un pas lent l’escalier, tête baissée afin de veiller à ne pas trébucher : les marches étaient lisses et désagrégées. Quand il sentit qu’il n’y en avait plus, il leva les yeux : il venait de poser les pieds sur le parvis, le front de l’église était noir, semblable à une imposante pierre tombale verticale ; aucune lumière ne filtrait par les vitraux.

Il savait que derrière cette surface inerte se cachait une chose horrible ; impossible de faire demi-tour, l’escalier semblait s’être effondré derrière lui ; sous la menace de ce gouffre béant, il avança, étourdi, à grandes enjambées, vers la cathédrale.

 

J. Slauerhoff, Le Royaume interdit, trad. Daniel Cunin, Circé, 2009


La cathédrale – ( RC )


La Cathédrale: Rodin, Musée Rodin

La Cathédrale:              Rodin,        Musée Rodin  Paris

 

Croise les mains au-dessus  du cœur,
Il faut protéger le feu,
Et des orages  et des brisures,
Une cathédrale de chair, où même
Les mots  n’ont plus de prise,
Assoupis à la naissance des eaux .
Seule  s’élève la musique,
Entre les doigts des voûtes,
Avant  qu’elle ne retombe,
Et tienne à distance,
Toute la cacophonie du monde,
Où les bruits se heurtent.

Il y a si peu de temps à vivre.

RC- juillet  2014


Rituel de la lame et des voeux ( RC )


lieu aux  sacrifices  - voeux 5201.xnbak

-Bobo Diolasso, vallée sacrée (Dafra) .    Burkina FASO

 

 

A l’ombre d’un arbre dont je ne saurais dire
Ni le nom,                    ni le dessin des feuilles,
Cet homme,                             un être sans âge,
Presque nu,                                           immobile,
–                                            Et peut-être aveugle
Gisant, endormi, sous la voûte des feuillages,
Sur un gros bloc
A l’entrée d’une cathédrale de rochers.

Des lianes pendaient dans l’ombre végétale,
Et m’habituant à elle, je la perçus moins obscure,
>                      Accompagnée du frêle murmure,
D’une eau,                     s’écoulant , paresseuse,
De bassins                        en vasques naturelles.
Dans cette espère ce château creux,    inversé,
habité de relents lourds,    gras,      écoeurants,
Ne devant rien à la profusion végétale.

Il n’y avait      pas d’idole incrustées dans les parois,
>           Pas de sphinx de pierre, dans ce lieu reclus,
Isolé d’un ciel ,                       qui claque sous le soleil,
Mais un sol presqu’entièrement couvert de plumes,
Et progresser                       parmi le chaos rocheux,
N’était possible,                     qu’en foulant aux pieds
De multiples ossements
S’affaissant sous mon poids.

Peut-être étais-je habité par le non-savoir,
Enfui trop vite                de la lumière,
>                      Vers ces profondeurs
Où le ruissellement    d’une eau rare
S’associant     aux rituels millénaires
Où l’amour et le vivant,        meurent
Tranchés,     par la lame de l’officiant,
>     Le sang se mêlant à l’eau lente…

Peut-être,      n’ai-je pas dans l’esprit,
–                Celui de faire un voeu
Quand on lit l’avenir
Selon ,        que la bête sacrifiée
Prolonge ou non       son agonie
Sur le ventre               ou le dos,
Et ,         que se vide son corps
Palpitant encore, au milieu des pierres.

Mais ,                        l’homme endormi,
Au pied des carcasses suspendues,
>                   Et des toisons dépecées
Rêvait peut-être  de la vie qui s’enfuit,
Et du murmure indéfinissable,
–                    Des   dieux primitifs,
Offrant,          dans ce lieu reclus,
Des promesses    de prospérité.


RC –  26 janvier 2013

photo perso  -repos de l'officiant - Bobo Diolasso, vallée sacrée. Burkina FASO

photo perso                                                                                                                   -repos de l’officiant – Bobo Diolasso, vallée sacrée. Burkina FASO

 

 

A noter  qu’à Dafra, le cours d’eau se continue  en mares, où vivent d’énormes poissons chats ( silures), nourris avec les restes des animaux  sacrifiés:  voir photo de Brad 177:


Retrouver le chemin ( RC )


Même  s’il fait jour, quelque part, c’est une  fête nocturne
Un frôlement de gestes, des bonds discrets, et des yeux  habitués  à l’obscurité.
On a laissé au loin         , le bruit et la fureur,  le crépitement  du soleil sur les  chaumes
Pour  la cathédrale  de pénombre,

Où se glissent  de temps  à autre les bourdonnements  têtus d’avions,                             bien au-delà.
Il faut s’habituer  au rideau des bois, à la chevelure  mouvante, qui ondule au moindre vent, et
…  retrouver  ses repères.

Quand  tout  se  ressemble un peu, qu’il faut contourner les corps couchés d’ancêtres  écroulés,
Ecarter  des rideaux  de fougères, s’extraire  des pièges de ronces, la progression est lente.
Personne n’a jalonné le terrain,  n’a semé de temps en temps  des cailloux blancs, qui guideraient les pas.
Celui-ci et le suivant. La distance ( dont on ne peut dire  qu’elle  s’étire ), ne connaît pas la ligne  droite.
Le pied prend  appui sur ce qui n’est pas,  le terrain s’accidente et se heurte de temps à autre à des rochers instables,
suivis de pentes glissantes.

En attendant me voila progresser dans la fange, les mousses  cédant du terrain vers  l’humide.,sous les caquetages faciles
des oiseaux  exotiques, dont on ne distingue  qu’un passage  furtif,
La voûte de la forêt est une  explosion que l’on suppose verte,

Une  cloche végétale, fourmillant d’insectes, où chacun travaille  à sa survie.
Je dois  agiter  les  bras  en tous sens, pour tenter  d’échapper  aux moustiques, intéressés par ma présence insolite.
…en d’autres lieux  j’aurais pu croiser les corps écailleux  de reptiles en attente…

Mais ,             – je vois une  éclaircie  soudaine,                     un sillon clair partage la futaie….

j’ai  retrouvé  le  chemin.

RC –   7  octobre 2012

Ceiba_pentandra le kapokier fromager

 

Que je complète  avec l’article  de Lambert Savigneux: visible dans  « les vents  de l’inspire « 

 

ploie le temps ce qu’il en reste (remnants)

 

si l’ ours et l’humus des hêtraies

grise face de pierre polie et vingt sentiers  font une taïga d’hiver

vers une douce pas trop rude quand pas de plume

cree grogne ni rend shoshone



dans la huitième nuit blême bleue de loutre et mer

pluie que trois pour une soupe

j’outre

ni crire  ni rire même des crocs moins  que d’accrocs un  clos de cache à l’eau des brins d’ilots

mais ronger une branche sèche si bois sec l’eau crisse  fendue une coulée loir pousse de sève perce  dans le sens oblique

longue robe  libidinale

orignal ou nihil à ni male ni feu mêle ne leurre

et secoue s’en pour sang au  coude à coude comme si pioche mais  nickel dans les rockeuse bluese

une tête d’ourse s’entête à lever le paw à

l’émergence du soleil

car hiboux n’est pas putois ni castor une peau de daim affamée court pâmée

le poing levé au sol hérisse de poils pour luire

je dis  tranquillement s’ébrouer à la voix tachetée

 


Bluma Finkelstein – Sous les voûtes d’une cathédrale


peinture:               Pieter Saenredam –            intérieur d’église d’ Utrecht XVIIè siècle

 

 

 

Sous les voûtes d’une cathédrale, une étoile filante se laisse prendre aux fils d’une araignée :

de très bas on imagine l’histoire du ciel comme un conte de fées. Un défaut de perspective.
Les vitraux dessinent sur le plafond un paradis de lumières : ici, même en l’absence de Dieu,

on se mettrait à croire. On voudrait tellement…
Demain, le front couvert de cendres, tu iras tremper tes doigts dans le bénitier.
Comme si tout était vrai
Bluma Finkelstein – Mare Nostrum – édition en forêt – 2008


Paul Celan : Cologne (adaptation de) – Ahmed Bengriche


A visiter ce site foisonnant de textes, d’auteurs  très intéressants  dont Ahmed Bengriche  se fait l’écho,  ainsi  que des adaptations personnelles, dont  voici l’une  d’entre  elle  prise  « au hasard », mais j’y ai tout de suite perçu une  sensibilité  de haute volée…

intérieur cathédrale de Cologne

Cologne

 

Temps du cœur, ils sont debout

les rêvés

pour les chiffres de minuit.

 

un peu parla dans le silence immobile, un peu se tut

un peu alla son chemin.

Banni et perdu

étaient chez eux.

 

Vous cathédrales.

Vous cathédrales, pas vu

vous fleuves, pas entendu

vos horloges si profondes en nous.

Lit de neige

 

Yeux, aveugles au monde, dans la faille du mourir : je viens,

pousse rude au cœur.

je viens.

 

Mur de l’abrupt, miroir de la lune. En bas.

(Lueur tachée de souffle. Sang strié.

Âme nuageuse qui encore une fois est proche d’une figure.

Ombre des dix doigts-enserrés)

 

Yeux, aveugles au monde

yeux dans la faille du mourir,

Yeux, yeux ;

Le lit de neige sous nous deux, le lit de neige.

 

Cristal sur cristal,

au temps profond emprisonné, nous tombons,

nous tombons et gisons et tombons,

et tombons :

 

Nous fûmes, nous sommes.

Nous sommes une chair avec la nuit,

à la lisière, à la lisière.

photo Elaine V – passant devant les « boîtes » ( installation Chr Boltanski )


Matités et brillances ( Rodin) – (RC)


sculpture: Rodin, musée Rodin, photo perso 2010

Le regard parcourt matités et brillances
Qui se lovent dans les empreintes des mains

Elles ont saisi le bloc, trituré la glaise
Torsadé les corps,   modèles –

Rodin: Cathedrale

En tensions musculaires, en force figée de bronze
Des pesanteurs de bures de métal

S’assourdit en creux,       dérapages de lisses
La lumière joue des creux et des têtes

Mais n’arrête pas l’homme qui pense
L’homme qui marche et          – dense

Car dense , le corps dressé d’un bloc

Un homme, un bloc,                     Balzac

Bronze, sentinelle de l’esprit
Indifférent à l’oxydation verte
Au jardin du parc,                   présence
Intemporelle, comme celle des mains

Les mains-cathédrale, la sculpture du vide
La césure laissée au marbre

Pour qu’en creux, la pensée respire, et soit…
Celle de Rodin,          – et nous accompagne.

RC      25 avril 2012

The eyes runs  through shine and matte effects
Which are coiled in the handprints

They seized the block, triturated clay
Twisted bodies,      models –

In muscle tension, static strength of the  bronze
Weight                             of  the metal burdens

Is deafening hollow, smooth skids
Light plays between heads and hollows

But the thinking man does’nt  stop
The man who walks , and –     dense

Dense,because, upright body as a block
A man, a block,                    Balzac

Bronze                  sentinel  of mind
Indifferent to the green oxidation

In the garden of the park, timeless presence
like the hands

Hands-cathedral,      sculpture of the emptiness

The break left in the marble

For that , hollows,      thought breathes,        and will be…
That of Rodin –   who accompanies us.

sculpture: Rodin, musée Rodin, photo perso 2010 : le sommeil


Edith Södergran – je vis un arbre


Terre a ciel, présente  des auteurs  peu connus , mais  de qualité,  dont  je fais  l’écho ici avec Edith Södergran  auteure  finlandaise  du début  du XXè siècle.

 

(Finlande, 1892-1923)


 

Source


Jag såg ett träd…
Jag såg ett träd som var större än alla
andra
och hängde fullt av oåtkomliga kottar ;
jag såg en stor kyrka med öppna
dörrar
och alla som kommo ut voro bleka och
starka
och färdiga att dö ;
jag såg en kvinna som leende och
sminkad
kastade tärning om sin lycka
och såg att hon förlorade.
En krets var dragen kring dessa ting
den ingen överträder.


Je vis un arbre…
Je vis un arbre qui était plus haut que
tous les autres
et qui était lourd de fruits inaccessibles ;
je vis une cathédrale aux portes ouvertes
et tous ceux qui sortaient étaient pâles
et forts
et prêts à mourir ;
je vis une femme qui, souriante
et maquillée
jouait son bonheur aux dés
et je vis qu’elle perdait.
Un cercle était tracé autour de ces choses
que personne ne franchit.