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Âme qui vive – (Susanne Derève) –


Photo RC ( causse de Sauveterre )
Âme qui vive ? 
Non, le bruit du vent.
En sentinelle,la lisière des enclos,les fûts dressés 
des sapinières
et de courtes brassées d’épines : chardons, carlines, genévriers,
le lit du vent. 

Celui du causse court en longues foulées sonores 
semblables à la rumeur d’une mer ancestrale
essaime un pépiement d’oiseau,                                                                                                            
nasillard, monocorde, 
émonde l’Aubrac de ses brumes.

Choisis une pierre de calcaire, blanche et dorée,
grave-la de ton nom,  
je te couronnerai roi d’une solitude où seule vit, 
souffle et trépigne la grande harpe du vent. 
Épouse-la , ou fais-toi homme du silence 
pour la combattre 

tant elle nous tient dans sa main, étrangers,
incongrus, couvrant le chétif grelot de nos voix 
nous forçant à remettre à plus tard de dire 
l’étoupe blonde des prairies harassées, 
l’argile lourde des chemins,l’arpent noir 
des forêts,

et seule âme qui vive,
le babil insensé de l’invisible oiseau,
son chant nuptial dans la longue liturgie 
du vent. 


poème lu par Nicolas Granier – 7/06/2022

Cacophonie – (Susanne Derève)


Causse de Sauveterre – Photo RC

Cacophonie de chants d’oiseaux :

ce matin comme chaque matin ils occupent tout l’espace sonore

se répondant d’arbre en arbre , de gouttière en gouttière :

rougequeue, mésange, fauvette

et le vol affairé des hirondelles  picorant miettes et rameaux

Le va et vient obstiné des fourmis sous la fenêtre que je déjoue

d’une brindille comme on dévie le cours d’un ruisseau

Vient l’heure où le lézard furtif , pointant son oeil inquiet

rejoint les pierres chaudes , se risque à laper d’une langue hâtive

une flaque déposée par la nuit.

Tandis que le concert des oiseaux s’apaise ,

c’est un long bourdonnement qui monte dans la chaleur :

le chant de basson des insectes saturant le silence.

Au sol l’ombre chemine . Heures indolentes ,

les jours ne passent pas ici , ils nous charrient

comme un long fleuve érodant monts et vallées,

à l’échelle d’un temps démesuré

qui polit doucement causses et dolines ,

croque le calcaire d’une dent gargantuesque

sous nos yeux de petits poucets .