décrire l’impalpable – ( RC )

Volume de poussières et de cheveux par Lionel Sabatté –
Qui pourra me décrire l’impalpable ?
Tout ce qui règne sur l’absence,
brûle les après-midis
dans l’immobilité d’un sommeil,
les poussières occupant des rayons de soleil.
Elles pratiquent le jeu
de l’extinction des feux.
Si légères soient-elles, elles dansent
avec le moindre courant d’air,
captent une partie de la lumière
mais finissent toujours par recouvrir
de leurs cendres,
les surfaces qu’elles grisent
et mes membres
qui s’exercent à la patience.
Car jamais on ne pense
au centre du silence
où la poussière ira embellir
par son entremise, les objets
à défaut de neige blanche.
Personne ne pourra dire
qu’elle conspire ;
mais elle occulte tout l’éclat des reflets
de la demeure
et la transparence oubliée, des heures….
nota: l’artiste Lionel Sabatté et l’auteur de tableaux de poussière et de cheveux ( portraits ), dont un certain nombre sont visibles au musée du Gévaudan, à Mende-

Ce qu’il reste derrière l’image – ( RC )

C’est en progressant dans une pente grise,
où les ombres se confondent,
que l’on devine une présence invisible,
image subliminale derrière l’image.
Nos pas soulèvent la cendre :
elle s’accroche aux rochers,
et aux troncs d’arbres que l’on distingue à peine.
C’est un brouillard aux formes diffuses ,
tel un buvard de poussières,
qui recouvre inexorablement toute surface.
C’est une chose étrange, ….on la suppose liée à la photographie.
Tout ce qui entoure le lieu semble appelé à disparaître.
Il sera inutile de gratter la surface.
L’Eden originel ne se situe pas dessous,
le regretter ne sert qu’à éveiller l’inquiétude :
un rapace aux ailes grises,
qui ne secoue que l’ombre.
Renaissance sans attendre à demain – ( RC )

C’est maintenant …
je n’attendrai pas demain,
je compresse l’ombre
et parcours les veines de la terre.
Je convoque les complices du soleil
pour voler derrière les flammes :
– impatience de mes membres
qui s’extraient soudain des cendres – ,
pour renaître,
phénix au matin léger
du miracle de l’aube
dont j’emprunte les voies :
C’est aujourd’hui mon envol.
Je n’attendrai pas demain.
L’obscur bruit des armes – (Susanne Derève) –

;
Arc-en-ciel
qu’estompe peu à peu le retour de l’averse,
tel un visage enseveli.
Le tien, pas un jour n’a terni sous la brisure
des tombes,
attentif et paisible ,
un paysage aimé dans sa livrée d’automne,
sa douce peau de printemps,
où chaque chose chèrement conquise
avait trouvé sa place :
le mimosa d’hiver et les lilas de Mai,
l’arche du pont enjambant la rivière,
et la rivière dans ses méandres
léchant le flanc gris des hameaux.
Mais du souffle du vent
naissait parfois un douloureux écho,
le souvenir d’anciens printemps ruinés de cendres
et de sanglots, ce crève-coeur,
ce que la liberté avait coûté de chagrin et de larmes,
brisé de vies, tu le taisais,
et voici que résonne l’obscur bruit des armes.
;
Jean-Yves Fick – Nuit / Icaria 43

La main irascible
il aurait tout calciné
des jours et des signes
n’en resteraient plus
au creux de sa paume ouverte
que cendres ténues
il sait ou devine
les tourbillons de l’angoisse
l’effroi de la chute
il lui faudra bien
tôt ou tard c’est imminent
reprendre son souffle
passages de feu
luisent dans son dos
il s’ouvre son chemin là.
texte de J Y F issu de gammalphabets
Roja Chamankar – Le neuvième jour de la mer –

C’était le neuvième jour de la mer Recroquevillée sur moi-même Accompagnée du cri de la mère J’ai glissé Dans un bassin de cendres Avec deux ailes blanches aux épaules Comme un oiseau à la gorge coincée La poche d’eau m’a mouillé les yeux La mer était salée et grande Le matelot frappait en cadence Le tambour Gitane solitaire Une danseuse sans anneaux aux chevilles Ni grain de beauté au coin des lèvres Mes poupées Ont grandi Aux seins arides et au lait noir Et un ruisseau de sang a brûlé leurs cuisses Le neuvième jour de la mer Aucun bruit d’applaudissements Ni de you-yous Quatre gouttes de sang tombent de ma gorge Je m’offre... La mer était salée et grande Pour la gitane solitaire C’est pour tes yeux que je suis devenue poète.
Je ressemble à une chambre noire
Traduit du persan (Iran) par Farideh Rava
Ed. Bruno Doucey
A écouter , à lire :
Apéro-poésie avec Bruno Doucey #44 / Roja Chamankar (5 poèmes dits par Bruno Doucey)
Pierre Cressant – Incendies

la mémoire a incendié le passé ; table rase de ses terres sans lendemain ;
à découvert, sous les cendres, un présent pur et clair, horizon sans fin où brillent une à une mille et une joies anciennes ;
l’image de notre amour qui tremble encore.
Jacques Lovichi – Piazzale Michelangelo
Piazzale Michelangelo
les ombres courent sur la ville
océan des cloches
soudain
Dire juste le tremblement
cette fêlure dans la vitre
la pluie de cendres sans oubli
Un autre jour meurt.
Saint-Pol Roux – Des flammes
Des langues !
Une fois la semaine, une douzaine de fantoches
(et ce citron de perspective qu’ils seront
pions de province demain) envahissent ma table.
Après qu’avec les tisonniers
jaillis de leurs yeux ils se sont réciproquement
écarté leurs cendres de moustache,
une flamme avivée rampe, se tord,
pétille, gicle en chacune des douze bouches
aux joues réfractaires,
et ces flammes tant s’expriment
qu’on ne distingue plus qu’elles bientôt
et que leur somme parvient
à symboliser un bûcher de sectaires ridicules,
martyrisant la pureté, la vaillance,
la gloire vraie, la merveille absolue,
et les femmes et les amis absents…
0 ces opiniâtres aspics !
Ce jour-là, le Supplice du Feu m’est familier
dans son intégrale épouvante.
Aussi passer devant un rôtisseur me rappelle que,
chez moi, l’on rôtit hebdomadairement,
et que ma patience (ô ma pauvre, ta lassitude ?)
m’y transforme en oie (suis-je modeste !)
de première grandeur.
D’écœurement mon front se dore,
de dépit mon foie se racornit,
de stupeur mes os craquètent…
A se jeter par la fenêtre dans la faim des mendiants qui rôdent !
Mais le devoir d’hôte me rive à la broche.
Des langues !
Paris, 1888 SAINT-POL-ROUX « Les Reposoirs de la Procession » (II)
Marina Tsvetaiëva – combien de tristesse noire gronde sous mes cheveux clairs
Si vous saviez, passants, attirés
Par d’autres regards charmants
Que le mien, que de feu j’ai brûlé,
Que de vie j’ai vécu pour rien,
Que d’ardeur, que de fougue donnée
Pour une ombre soudaine ou un bruit…
Et mon cœur, vainement enflammé,
Dépeuplé, retombant en cendres.
ô, les trains s’envolant dans la nuit
Qui emportent nos rêves de gare…
Sauriez-vous tout cela, même alors,
Je le sais, vous ne pourriez savoir
Pourquoi ma parole est si brusque
Dans l’éternelle fumée de cigarette
Et combien de tristesse noire
Gronde sous mes cheveux clairs.
Koktebel, 17 mai 1913
Erwann Rougé – L’heure la plus étrange
L’heure la plus étrange est cinq heures
et cette insupportable odeur de marée verte
Entre deux soulèvements de sable
une femme chancelle en riant
Elle a les yeux cendres elle ment
C’est plus fort les yeux elle ment
Elle dit regarder un ange
On dit cela au vent à la cruauté du vent
Dans cette absurde odeur de marée basse
Il y a toujours une poussière
une légèreté de mort
qui vous pénètre l’oeil
Bernat Manciet – Braises ma peau
XVI
Braises ma peau —mais une âme de gel
forte ma foi —- je n’ai plus rien à croire
bon œil — ma vue se refroidit
l’hiver me brûle et le printemps m’est fade
coffre solide — mais ne soit plus de brise
de chêne cœur — je suis las du certain
aimer me tient — l’amour me reste tiède
prière suis — mais demander me déplaît
Partir je veux — mais je sais tous sentiers
j’ai soif de pluie —et toute pluie m’est cendres
faim de mouton —toute chair me répugne
le soir s’éteint —pouvoir n’être personne!
l’aube va naître —et je cherche l’obscur
la nuit rayonne et ta lumière est morte
Cendres de baltique – ( RC )
photo Greg Clouzeau
Je n’ai pas vu de désert de pierres vers la mer baltique,
mais des étendues plates
et des marécages
d’où s’envolaient les cigognes,
De ces lointains horizons, mutiques,
on a dissimulé les stigmates
sous l’oubli : ( un habillage ) .
La nature a fait sa besogne
Des forêts ont développé
leurs racines et frondaisons
sur des cadavres enfouis
et font corps avec les charniers .
Du sol détrempé,
du passage des saisons,
les arbres se sont épanouis,
se nourrissent des prisonniers.
Allez donc voir
du côté de Vilnius :
il y a des terres acides,
et des forêts de bouleaux
en retournant une terre noire,
il ne serait pas improbable de trouver des dents dans l’ humus ,
témoignage de génocide ,
ossements et pauvres oripeaux ,
( plus rarement des bijoux ).
Dans ces pays de baltique
il y a de l’ivoire
et de l’ambre
Vous pourrez en parer votre cou,
en visitant les boutiques;
mais qui vous parlera du désespoir,
et des cendres ?
–
RC – mai 2017
Francis Ponge – Le feu
(…) LE FEU n’est que la singerie ici-bas du soleil.
Sa représentation, accrue en intensité
et en grimaces,
réduite quant à l’espace et au temps.
Le feu, comme le singe, est un virtuose.
Il s’accroche et gesticule dans les branches.
Mais le spectacle en est rapide. Et l’acteur ne survit pas longtemps
à son théâtre,
qui s’écroule brusquement en cendres
un instant seulement avant le dernier geste,
le dernier cri. (…)
F P :Le soleil toupie à fouetter, III » in « Pièces
André Schmitz – De son bec d’acier
–
De son bec d’acier, l’éclair ouvre le fruit, fracture le noyau, y découvre un arbre,
parcourt un verger, en déchire les fruits.
Et le cycle accompli, l’oiseau-feu s’éteint.
Ses ailes de cendres redeviennent fable parmi les rousseurs d’un étrange festin.
André SCHMITZ
« Bételgeuse n° 21 » in « Le Bestiaire Fantastique » (Larousse)
Un mois de des cendres – ( RC )
–
D’une grande étendue,
Un pays tout entier,
Recouvert de gris.
De minuscules détails ,
Si l’on maintient l’oeil immobile,
Refluent, sous toutes les mues,
Du bruit et du silence, et son poids d’ écailles .
Il y a des morts.
Des petites et des grandes,
Charriées par les matins .
Une sueur de sang,
Se décolore et va rejoindre
les fleuves. S’écoulent
Lentement.
C’est le corps desséché de l’astre,
Qui ne peut imposer le jour ,
Pesant sur le gris des draps .
L’indifférence des dieux,
Qui se détournent des champs de bataille …
Les lignes de la nuit
Se perdent dans les cendres.
–
RC – oct 2014
–

art minimal: Roman Opalka : ‘Detail 1965 / 1-∞’, 1965
Ta silhouette habite l’invisible – ( RC )
–
Toi, encore présente,
Tout a été effacé, pourtant,
Comme le vent dispersant les cendres,
une fois éteintes les braises du foyer .
C’est sans doute que tu habites l’invisible,
Quelque part incrustée dans le cœur,
– Où que tu sois.
Au sein du silence et d’un sourire,
tu te révèles pourtant, avec le soleil,
permettant de voir la silhouette,
modèle mêlé aux ombres d’une vigne vierge,
mouvante, comme pourrait l’être
ta présence, sur ma page…
—
RC – octobre 2015
–
d’après un écrit de Philippe Jaccottet
Toi cependant,
ou tout à fait effacé
et nous laissant moins de cendres
que feu d’un soir au foyer,
ou invisible habitant l’invisible,
ou graine dans la loge de nos coeurs,
quoiqu’il en soit,
demeure en modèle de patience et de sourire,
tel le soleil dans notre dos encore
qui éclaire la table, et la page, et les raisins.
P. Jaccottet
Jorge-Luis Borgès – Insomnie
photo: montage perso
–
Légendairement petit et lointain est désormais ce moment où les horloges versèrent un minuit absolu.
Ces six murs étroits emplis d’une éternité étroite me suffoquent.
Et dans mon crâne vibre encore cette pitoyable flamme d’alcool qui ne veut pas s’éteindre.
Qui ne peut pas s’éteindre.
Réduction à l’absurde du problème de l’immortalité de l’âme.
Trop de couchants m’ont rendu exsangue.
La fenêtre synthétise le geste solitaire de la lanterne.
Film cinématique plausible et parcheminé.
La fenêtre aimante toutes les oeillades inquiètes.
Combien m’étranglent les cordes de l’horizon.
Pleut-il? Quelle morphine ces aiguilles injecteront-elles aux rues?
Non.
Ce sont de vagues lambeaux de siècles qui gouttent, isochrones, du plafond.
C’est la lente litanie du sang.
Ce sont les dents de l’obscurité qui rongent les murs.
Sous les paupières ondoient et s’éteignent à nouveau les tempêtes brisées.
Les jours sont tous de papier bleu, minutieusement découpés par les mêmes ciseaux sur le trou inexistant du Cosmos.
Le souvenir allume une lampe:
Une fois de plus nous traînons avec nous cette rue si joyeusement pavoisée de linge tendu.
Le piano luxuriant du Tupi s’est évanoui au loin.
Le soleil, ventilateur vertigineux, élague les demeures décaties.
En nous voyant tanguer en tant de spirales les portes rient aux éclats.
Pedro-Luis me confie: – Je suis un homme bon, Jorge.
Tu es un homme bon, Jorge… ça nous passera avec une petite tasse de café.
Les yeux éclatent quand les frappent les pales du soleil.
Quel hangar abritera à jamais les émotions?
Il existe à n’en pas douter une dimension ultra-spatiale où toutes sont des formes d’une force disponible et soumise.
Comme l’eau et l’électricité dans notre dimension.
Colère. Anarchisme. Faim sexuelle.
Artifice pour nous faire vibrer sous la magie.
Aucune pierre ne brise la nuit.
Aucune main n’avive les cendres du bûcher de tous les étendards.
–
.
Gregory Colbert – Cendres et neige
–
Traduction très libre des quelques lettres de Gregory Colbert dans « Ashes and snow »
Variation sur « Cendres et neige » – Philippe Vekens
–
Si tu me rejoins à « ce moment », tes minutes deviendront des heures, tes heures deviendront des jours et ces jours deviendront une vie.
A la Princesse des Éléphants
J’ai disparu il y a 1 an exactement.
Jours pendant lesquels j’ai reçu une lettre.
Elle me rappelait au lieu où ma vie auprès des éléphants a commencé.
Je te prie de m’excuser pour le silence demeuré entre nous pendant une année.
Cette lettre rompt ce silence.
Elle marque les 365 lettres que je t’ai écrites, une par jour de silence.
Jamais je n’ai été autant moi-même que dans ces lettres
Elles sont les tracés du chemin de l’oiseau
Et sont tout ce que je sais être vrai.
Tu te souviendras de tout, tout sera comme avant, au début des temps.
Le ciel sera empli d’éléphants volants.
Chaque nuit ils seront couchés à la même place dans le ciel, avec un œil ouvert.
Lorsque tu regardes le ciel, tu regardes cet œil d’éléphant qui dort avec cet ouvert qui nous protège et prend soin de nous…
Depuis que ma maison a brûlé
je vois la lune plus clairement
J’ai regardé tous les édens qui étaient tombés en moi
J’ai vu un éden que j’ai tenu entre mes mains
mais que j’ai laissé partir
J’ai vu les promesses que je n’ai pas tenues
Les douleurs que je n’ai pas apaisées
Les blessures que je n’ai pas soignées
Les larmes que je n’ai pas versées
J’ai vu les morts que je n’ai pas pleurées
Les prières auxquelles je n’ai pas répondu
Les portes que je n’ai pas ouvertes
Les portes que je n’ai pas fermées
Les amoureux que j’ai laissés derrière
Et les rêves que je n’ai pas vécus
J’ai vu tout ce qui m’a été offert
et que je ne pouvais accepter
J’ai vu les lettres que j’avais espérées
Mais que je n’ai jamais reçues
J’ai vu tout ce qui aurait pu être
Mais qui jamais ne sera
…
Un éléphant avec sa trompe levée
Est une lettre aux étoiles
Une brèche faite par une baleine est une lettre
Des profondeurs de la mer
Ces images sont une lettre pour mes rêves
Ces lettres sont mes lettres pour toi
Mon coeur est comme une vieille maison
Dont les fenêtres n’ont pas été ouvertes depuis des années
Mais maintenant j’entends les fenêtres s’ouvrir
Je me rappelle les grues flottant au-dessus
Des neiges fondantes de l’Himalaya
Sommeillant sur les queues de lamantins
Les chansons des phoques barbus
Le cri du zèbre
Le cliquetis du sable
Les oreilles des caracals Le balancement des éléphants Les brèches des baleines
Et la silhouette de l’élan
Je me souviens de la boucle des orteils du suricate
Flottant sur le Gange
Navigant sur le Nil
Montant les marches de …
Je me souviens errer dans les couloirs
D’Hatchepsout et du visage des ces nombreuses femmes
Mer sans fin et milliers de kilomètres de rivière
Je me souviens de tout
Mais je ne me souviens pas avoir quitté, jamais
Souviens-toi de tes rêves
Souviens-toi de tes rêves
Souviens-toi de tes rêves
Souviens-toi
Au plus je regarde les éléphants de la Savane
Au plus j’écoute, au plus j’ouvre,
Ils me rappellent qui je suis
Puisse le gardien des éléphants entendre mon souhait
De collaborer avec tous les musiciens de l’orchestre de la nature
Je veux voir par l’oeil de l’éléphant
Je veux rejoindre la danse qui n’a pas de pas
Je veux devenir la danse
Je ne peux te dire si tu te rapprocheras ou si tu t’éloigneras
Du long de cette sérénité que j’ai trouvée
Lorsque je pose mon regard sur ton visage
Peut-être si ce visage pouvait me revenir maintenant
Ce visage qu’il me semblait avoir perdu
Et le refaire mien
De la plume au feu
du feu au sang
du sang à l’os
de l’os à la moelle
de la moelle aux cendres
des cendres à la neige
De la plume au feu
du feu au sang
du sang à l’os
de l’os à la moelle
de la moelle aux cendres
des cendres à la neige
De la plume au feu
du feu au sang
du sang à l’os
de l’os à la moelle
de la moelle aux cendres
des cendres à la neige
De la plume au feu
du feu au sang
du sang à l’os
de l’os à la moelle
de la moelle aux cendres
des cendres à la neige
De la plume au feu
du feu au sang
du sang à l’os
de l’os à la moelle
de la moelle aux cendres
des cendres à la neige
De la plume moelle, dansephoques, lamantins,
ce qui est écrit sur la page
Ce qui importe, est
ce qui est écrit dans le coeur.
Donc brûle les lettres
Et pose leurs cendres sur la neige
Au bord de la rivière
Lorsque le printemps arrive et que la neige fond
Et que la rivière monte
Retourne aux bords de la rivière
Et relis mes lettres avec les yeux fermés
Laisse les mots et les images
Laver ton corps telles des vagues
Relis les lettres
Avec tes mains sur les oreilles
Écoute les chants du paradis
Page après page après page
Envole-toi tel l’oiseau
Vole…
vole…
vole.
Claude Vigée – Les pas des oiseaux dans la neige
photo de cieletespacephotos.fr
–
Les pas des oiseaux dans la neige
Deux étoiles filantes
sur la montagne obscure :
déjà leur cœur de braise
agonise et s’éteint .
Que reste-t-il de nous
quand le temps se retire ?
à peine une buée, ce souffle qui s’efface
sur le miroir brisé .
L’œil ne suit que la trace
du vent dans les nuées;
Et pourtant nous y danserons,
chanteurs au bec léger,
crânes d’oiseaux en fête
aux frêles osselets
déjà remplis de rien :
un peu de cendre blanche
sur la langue muette .
–
D’autres textes de Claude Vigée sont visibles dans le site « recours au poème »
–
voir également l’article qui célèbre le fait que C Vigée remporte le prix national de poésie 2013.
Maurice Fickelson – pratique de la mélancolie – Le visiteur

LE VISITEUR
Le roi vient me voir. Oui, seul, en toute simplicité, chaque jour, à la tombée de la nuit. Il entre, il s’assoit, toujours près de la fenêtre. Puis nous causons. C’est devenu comme une habitude
-je veux dire, une chose qu’il fait, lui, sans y penser, je le suppose, je ne peux que le supposer, car comment oserais-je formuler la moindre, la plus anodine question ?
Sans y penser, distraitement – c’est l’impression qu’il me donne.
Avec une sorte de lassitude – que j’attribue aux soucis de la royauté qui ont pesé sur ses épaules jusqu’au soir, et qu’il abandonne pour un moment, ici, dans ma maison, délivre de l’exigence de paraître, seul avec moi.
Pourquoi m’a-t-il choisi ? Rien ne me désignait, moi qui vis retiré le peu de jours qu’il me reste. Mais aussi bien, ce n’est peut-être pas un choix qu’il a fait, quelque chose de délibéré, de voulu, l’accomplissement réfléchi d’une intention. J’admets que les rois peuvent avoir des raisons qui nous échappent, mais il est tellement plus vraisemblable qu’il soit entré ici par hasard.
Puis il serait revenu en se disant : là ou ailleurs, pourquoi changer ? Comme on ne peut s’empêcher de vouloir des causes compréhensibles aux faits qui ne le sont pas, je me suis dit que ce devait être la situation de ma maison, un peu à l’écart, en retrait de la rue, qui avait attiré le roi, la seule à être précédée d’un jardin auquel je consacre le plus clair de mon temps et mes dernières forces. Oui, le roi aurait pu être attiré par les fleurs, bien qu’il ne leur accorde, durant ses visites, aucune attention, pas même un regard.
Je me suis aussi demandé, du moins au début, tout à fait au début, si c’était réellement le roi. Car il vient sans les attributs de la royauté. Sinon cet air de tristesse sur le visage, de profonde, de rêveuse tristesse. Est-ce bien de la tristesse, d’ailleurs ?
Je veux dire, celle que nous connaissons. Comment la situer sur la carte de nos sentiments, quand il n’existe pas de critère et qu’aucune comparaison n’est possible ? Le premier soir, en entrant, il m’a dit : Je suis le roi. nous nous ne sommes jamais revenus là-dessus.s’ assoit près de la fenêtre, et nous causons. lui avec cette sorte d’indifférence – mais il arrive à certains moments, il arrive qu’il s’anime, qu’il montre de l’intérêt.
Je serais bien embarrassé de dire à propos de quoi. Là non plus je ne parviens pas à suivre les cheminements de son esprit royal : il attache une importance inexplicable à des choses apparemment insignifiantes, sur lesquelles il paraît anxieux de connaître mon opinion. J’ai quelquefois l’impression qu’il aimerait s’assurer qu’il n’y a pas eu une erreur commise, je ne saurais dire où.
Quand il est détendu, il s’intéresse aux oiseaux. Il en parle, me demande ce que je sais de telle ou telle variété, discute de leurs habitudes de vol et s’interroge sur les significations diverses de leur chant. Il lui arrive alors de lever les yeux vers le ciel où l’on aperçoit, très haut, immobile, et seulement à cette heure-là, juste après le coucher du soleil, un aigle. Est-ce son aigle, à lui ? Mais pourquoi aurait-il pour l’observer ce regard si morne ? Il ne veut pas que j’allume la lampe. Il se complaît dans la pénombre du crépuscule, et moi, dans ces minutes, je le vois comme à travers une pluie de fines cendres.
Bernard Perroy – Vue sur la mer…
( du site de Bernard Perroy, où beaucoup de ses écrits sont visibles…)
–
Je me mets à genoux
devant la brise légère
qui veut me réchauffer
de l’intérieur,
.
faire renaître de leurs cendres
ces mots que la douleur entrave,
ce cœur en moi
qui ne sait plus reconnaître la flamme
ni les promesses du jour…
.
Brise légère,
apprends-moi,
de tout ce que je parcours,
cette sorte de joie qui ne s’en va pas.
.
Bernard Perroy
.
Les plantes trichent, pendant mon absence ( RC )

photo terre d’aventure
–
Si c’est le retour,
Qui ramène au seuil du familier
En oubliant les distances, pliées,
Et tous les carrefours
de la chance
Je ramène du fond de mes poches
Des souvenirs qui ricochent
La lumière de mon jardin d’enfance
–
Mais que s’est-il passé ?
Est-ce mon passé qui me hante,
La poussée des plantes
Et les troncs enlacés ?
Tout est devenu gris,
Et je ne vois plus ici,
Qu’un domaine rétréci,
Hostile et rabougri…
–
J’ai dû sûrement m’endormir
Quelques instants
Et quitter mon regard d’enfant,
Parti pour ne plus revenir.
Il s’est formé un toit végétal,
Qui , toujours , prolifère,
Et dont la crinière,
Sûrement, s’étale .
–
Les plantes trichent,
Pendant mon absence,
Et confisquent sans décence,
Une lumière, déjà chiche.
Des pousses qu’elles croisent,
Inquisitrices.
Elles envahissent tout, et tissent
Et s’ étendent, sournoises,
Une rangée d’acacias agressifs
Se sont étalés,
Et barre l’accès de l’allée,
Alignement combattif –
Les amas de feuilles,
Cachant les épines
Intentions assassines,
Devant la pergola, au seuil.
Devant tous ces branchages,
Où se multiplient leurs élans,
Il me faut élaborer un plan,
Passant par l’arrachage,
Déclarer la guerre ouverte
Affûter les couteaux,
Enfin, tout ce qu’il faut,
Contre la marée verte,
–
Tirant le moindre parti
De l’humidité,
Nocturnes festivités,
Pour le bénéfice des orties.
Ainsi se resserre,
La chaîne ombreuse
Aux menées doucereuses,
Qui s’accélèrent.
–
Tels du python les anneaux
Etouffant la victime
D’une étreinte intime
Menant au tombeau ;
Lente agonie
De l’espace,
N’ayant plus de place,
Et plus d’harmonie.
–
S’envahissant elle-même, la nature
Se rit du malheur des autres
Lorsqu’elle se vautre
Dans la luxure :
L’arbre se développe plus,
Lorsqu’on sacrifie celui
Duquel il est voisin, et lui nuit.
Si ses racines le sucent.
–
Il a fallu couper et trancher,
Et qu’ainsi l’on amasse
Des bosquets les plus coriaces
Pour constituer le bûcher,
Eliminer les plantes vivaces,
De celles qui poussent
Comme brousse
Pour qu’enfin l’on passe…
–
Si je ratisse les clairières,
En créant de grands tas,
De feuilles, les amas,
Traces de bataille après la guerre,
… Joue de l’allumette,
Après les lames
Et donne de la flamme
Avant la retraite…
–
> Plus tard, étant revenu
Et me suis fait surprendre
Par des pousses tendres
Paraissant saugrenues ,
Encore toutes timides
Au milieu des cendres
Et semblant m’attendre :
> La nature a horreur du vide…
–
Avoir joué au pyromane,
Livré combat à la nature,
Permis les échancrures
Arraché les lianes
Le parfum vénéneux des heures,
Et la sève répandue,
A été rendue,
Remontant sans heurts
–
Il n’y a pas de victoire
Que celle éphémère,
Et, le goût amer,
La potion du ciboire,
Victorieuses de certitudes,
Les tiges m’auront dépassé,
Tout sera à recommencer,
Foisonnement et plénitude…
–
Si je me détourne du jardin d’enfance,
– Et que ma mémoire affaiblie,
La porte en oubli,
> J’aurai cette béance,
Unie à ces années,
Des décennies bercées
Que l’on a traversées
…… Et qui se sont fanées.
–
RC – 21 août 2013
–
Ecrits des cendres – ( RC )

image – Anselm Kiefer – livre… extrait de « the books of Anselm Kiefer »
–
Point d’atouts de cartes,
D’une page, les taches,
Devenue brouillon, ça fâche,
Que d’une main j’écarte
L’écriture s’ensommeille,
Point de phrases ne rattrapent,
Sur la page , le stylo dérape,
C’est direction corbeille…
Mon roman ne veut pas se terminer,
Comme on dit » à l’eau de rose « ,
Les chapitres se décomposent,
Dans un autodafé de cheminée…
Aux flammes, et la fumée,
Tourbillonnent les mots,
Et les paroles en trop,
Autour du foyer, allumé.
Il n’y a plus rien à prendre,
S’éparpillent, points et virgules,
Les belles lettres et les majuscules
Se sont réduites en cendres.
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RC – 21juin et 3 juillet 2013
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( incitation: « La page et moi » de JoBougon…)
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Le goût des cendres a toujours la même saveur ( RC )

Affiche secondaire du film « La route » ( d’après le roman de Cormac McCarthy)
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S’il y a des tempêtes,
Des cataclysmes, secouent la planète,
Des failles soudaines s’ouvrent sous les villes,
La journée de la colère – ( il y a bien la fête des pères ) –
Où tout bascule
Un monde qui s’anéantit
Des îles rayées de la carte,
Les rues de Pompeï sous la cendre,
L’Atlantide s’enfonce, même dans le souvenir des hommes
Les civilisations éteintes, les régions désertées…
- par quel événement soudain – ?
Caprices météorologiques, gel brutal..
( la main du divin , sur le soleil),
celui qui appuie par erreur sur le bouton rouge,
pensant appeler son domestique…,
Brusque montée des eaux, et voilà Noé à l’aventure,
gardien d’une diversité biologique en péril…
Au vaste coup de torchon, le calme plat qui suit l’orage,
Restent les graines têtues qui germent quand même ,
Un jour, même lointain, et qui percent le sol mutilé,
Dévasté sous la lave , ou les poisons des chimistes,
Emportant dans leur floraison future, toutes les erreurs
D’un monde à reconstruire, penché sur les larmes d’un passé.
— Prodiges d’énergie et de reconstruction,
Sur les fondations anciennes, la ville neuve s’érige,
Au pays qui s’affirme, le langage s’élabore, les lois se multiplient…
Des propriétés qui s’étendent, et avec , les spéculations immobilières,
Les cupidités, qui vont avec, et les guerres les plus cruelles.
A travers l’histoire recommencée,
Le goût des cendres a toujours la même saveur.
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RC- 27 avril 2013
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Mots de phoenix ( RC )
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Cette lutte dans la froidure
Que l’on partage en fins mots
De quoi tenir au chaud
Encore des chants d’azur…
Feux de phénix
Renaissant de ses cendres
On peut toujours attendre
Des phrases prolixes
Ou je ne sais quoi
Des feux follets
Ne laissent inquiets
Que ceux restant cois…
J’observe alors, ma foi
Dans le ciel , les fumées,
– de tes proses allumées
Que nous accorde la joie.
RC – 5 mars 2013
note : cette création s’appuie sur un poème de Jean-Jacques Dorio, qui nous évoque le phénix – visible avec beaucoup d’autres dans « poesie mode d’emploi… »
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