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M.C.Richards – Ils dorment


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photo Helmut Plamper – Toscane

THEY ARE SLEEPING

I have painted the female hills
stretched and piled against the sky.
They are sleeping.
I have given them golden haloes.
They are saints.
They are sleeping.
I have painted the gold in clouds and crevices as well,
meaning to say how they too are saints,
how the world sleeps,
how womanly is the landscape,
how a whiskered angel also sleeps, as a field of grain.

ILS DORMENT

J’ai peint les monts aux formes féminines
étirés et empilés contre le ciel.
Ils dorment.
Je leur ai donné des auréoles dorées.
Ce sont des saints.
Ils dorment.
J’ai aussi peint l’or dans les nuages et les crevasses,
c’est dire comment eux aussi sont saints,
comment le monde dort,
combien le paysage a l’aspect féminin,
comment un ange à moustaches dort aussi, comme un champ de céréales.

poème extrait d’un recueil sur les poètes du Black Mountain College.

Tentative de traduction : RC


Les yeux des tournesols – ( RC )


tournesols en scène  mod.jpg

montage perso à partir de mise en scène  de théâtre ou d’opéra

 

Je ne sais plus ce qu’il faut penser des plantes .
Elles semblent être dans l’attente,
pourtant elles grandissent trop vite,
                sans qu’on les y invite.
       Vois-tu ce champ de céréales
sous le soleil vertical ?
Il semble secouer des têtes heureuses,
mais peut-être sont-elles vénéneuses…

C’est sans doute par leur couleur,
que se distille le malheur,
qui se glisse en traître,
à travers la palette.
        Van Gogh ne nous en dira rien,
au partage des chemins ,
sous un ciel de tempête ,
qui résonna dans sa tête….

Quand je traverse un champ de tournesols,
d’autres oiseaux prennent leur envol :
on en voit plein à la ronde ,
et les fleurs m’observent       de leur pupille ronde.
           Toute une foule sur plus d’un hectare,
tourne vers moi son regard :
elle se concerte et m’espionne
chaque oeil dans sa corolle jaune .

Ils ont un langage que je ne peux comprendre :
j’imagine déjà leurs murmures se répandre
entre leurs têtes lourdes
comme une musique sourde :
         Je vois bien qu’ils se sont détournés de l’horizon,
du soleil et des nuages de coton
pour se pencher de façon perfide
vers moi, ( me croyant stupide ) .

         Ils ont dressé un mur végétal,
une sorte d’espace carcéral ,
leurs feuilles rugueuses, des volutes,
s’étalant de minute en minute
          resserrant leur étreinte
en formant un labyrinthe
d’où il sera difficile de m’extraire
tant j’ai perdu mes repères…

        Je ne vois plus que la poussière et le sol,
– j’aurais dû emporter une boussole,
puisqu’à l’aube d’un désastre
il ne faut plus compter sur les astres
et que l’horizon est bouché – .
      Trop de plantes que je ne peux arracher,
trop de racines qui dépassent
et envahissent l’espace.

           La foule de ces yeux qui rient
provient de la tapisserie :
et de ce cauchemar , en noir
se détache l’ombre du placard .
         Mes rêves se sont enfuis
        au plus profond de la nuit :
les tournesols devenus sages en dessins
( répétés à intervalles réguliers sur le papier peint ) .


RC – juin 2018