Ce que n’ont pas vu les oiseaux …SD+RC

–
Entre tilleul et cerisier,
J’ouvre une parenthèse:
mains, peau, émois, éveil, ….
Quelques éclats de soleil
nous caressent à notre insu.
Ce que les oiseaux ont vu,
je ne le dirai pas…
Dirai-je ce qu’ils n’ont pas vu :
la valse tendre de nos doigts
dans l’ombre du feuillage,
les étoffes froissées,
dansant,
ton corps léger , flottant dans l’air,
sous la lumière complice,
baignant le couvert de petites parcelles d’or
que tu n’as pas saisies.
C’est qu’ils n’ont pas surpris
la douce chanson du désir…
L’été s’est installé
dans un soupir…
–
SD-RC août 2020
Louis Aragon – Les roses de Noël
photo perso – Chanac
LES ROSES DE NOËL (extrait)
Quand nous étions le verre qu’on renverse
Dans l’averse un cerisier défleuri
Le pain rompu la terre sous la herse
Ou les noyés qui traversent Paris
Quand nous étions l’herbe ]aune qu’on foule
Le blé qu’on pille et le volet qui bat
Le chant tari le sanglot dans la foule
Quand nous étions le cheval qui tomba
Quand nous étions des étrangers en France
Des mendiants sur nos propres chemins
Quand nous tendions aux spectres d’espérance
La nudité honteuse de nos mains
Alors alors ceux-là qui se levèrent
Fût-ce un instant fût-ce aussitôt frappés
En plein hiver furent nos primevères
Et leur regard eut l’éclair d’une épée
Noël Noël ces aurores furtives
Vous ont rendu hommes de peu de foi
Le grand amour qui vaut qu’on meure et vive
À l’avenir qui rénove autrefois
Oserez-vous ce que leur Décembre ose
Mes beaux printemps d’au-delà du danger
Rappelez-vous ce lourd parfum des roses
Quand luit l’étoile au-dessus des bergers
Louis ARAGON « La Diane française »(éd. Seghers)
trop haut dans le cerisier – ( RC )
photo Ludovica
J’ai couché ces orties,
pour atteindre le cerisier,
les fruits étaient trop haut,
je suis monté dans l’arbre,
la branche a cassé .
Les cerises , comme des grains
rouges répandus par terre,
autour de ma tête,
un filet de sang courant au sol,
rouge aussi,
et mon regard,
avant de s’éteindre,
t’a aperçue, flottante dans l’azur,
tenant un panier vide.
Le vent a emporté ta voix .
–
RC – oct 2015
Serge Pey – C’était une fois, c’était toujours.

—————————————— peinture en trompe-l’oeil sur une porte… Oeuvre visible au château de Chatsworth, Angleterre
–
C’était une fois, c’était toujours.
La poésie n’est pas
une solution
Aucune solution
n’est une poésie
Une pierre n’est pas
un phénomène optique
Aucun phénomène optique
n’est une pierre
Une chaise n’est pas
un homme assis
Aucun homme assis
n’est une chaise
Ce cerisier n’est pas
un arbre
Aucun arbre
n’est un cerisier
La neige n’est pas
une lumière
Aucune lumière
n’est une neige
La poésie n’est pas
une solution
Aucune solution
n’est une poésie
En chantant
on découpe sans bouger
les lèvres de ce qui nous embrasse
car nous avons faim
d’avoir faim
et nous vengeons notre bouche
d’avoir été mangée
A force de regarder le ciel
nous faisons boiter
l’infini
qui ne s’arrête pas de marcher
comme un mendiant aveugle
La nuit lui donne parfois
sans nous
la monnaie d’une étoile
La beauté qui se perd
nous aime toujours
de nous
avoir perdu
–
Serge Pey
–
Guy Goffette – Dès l’aube tout est dit
–
Dès l’aube tout est dit
–
les pas que nous ferons,
l’herbe en porte déjà
la trace, et nos paroles,
la brume en use le tranchant
sur le sein des collines,
l’échine bleue de la rivière
les tuiles cassées par le gel
et sur les trois notes inlassables
du merle dans le cerisier
qui s’émerge. Tout est dit,
mais le plus dur reste :
trouver la juste dédicace.
Mais que cherchais-tu donc qui ne fût pas
le vent debout, ni le ressac d’enfance
dans les soirs gris, ni le redoublement
du vertige d’aimer
une autre terre que celle-ci, un autre
ciel, un autre temps ? Que cherchais-tu
sur la route que tu n’aies pas trouvé déjà
dans l’herbe familière
et déjà reperdu, bague de rosée ou signe
qu’un homme allant à son pas t’a laissé
sur la vitre avant de disparaître,
ouvrant les arbres
un puits où la lumière se nourrit de tes yeux
-.