Là regarde elle elle a l’air fragile si fragile la regarde voudrait la toucher savoir si elle est de chair et de sang comme lui ou d’une autre matière voudrait la toucher ne cesse de la regarder toucher son cou son pied son ventre ses seins ses lèvres la toucher rien que la toucher pour voir pour être sûr sûr de ce quelle est être sûr que ça vaut le coup de penser à elle la regarder sans peur de la détruire ou même d’altérer simplement altérer l’équilibre subtil des teintes de sa peau depuis les si légers cernes violines qui soulignent la profondeur de son regard jusqu’à l’incarnat purpurin qui ferme les plis amplifie le relief de ses lèvres la regarde ne peut faire autrement la regarde se dit que le rose transparent peut-être transparent diaphane translucide oui translucide de ses joues comme celui plus ferme qui courbe ses épaules ne peut pas ne peut pas être réel qu’il y a quelque chose qui lui échappe sûrement quelque chose qui lui échappe que ça ne peut pas être vrai tout ça pas longtemps
Je suis loin du pays de la connaissance. Il est de l’autre côté du continent, dont j’ai perdu, quelque part, le fil : un sentier qui pourrait m’y conduire . Certains parlent ainsi d’inspiration …
Il y a le jour. Mais celui-ci est caché derrière la terre. Une moitié est soumise à l’épreuve de l’ombre. Comme un poumon qui se relâche, – ce serait plutôt expiration… Ce qui est , demeure ; – bien entendu – , mais tout est indistinct .
Je ne saurais pas reconnaître les arbres entre eux, sans voir leur feuillage, et le port des branches : Il faudrait que je tâte leurs troncs, que je colle mon oreille sur l’écorce pour écouter leur message. Et chacun me murmure une chose différente , une histoire soumise à l’épreuve des saisons, du bois qui se tend, gémit sous le vent, se rompt parfois sous le poids de la neige, résiste comme il le peut aux tempêtes et à la morsure des flammes .
Ils ont été la patience , ont abandonné des parties de corps aux tronçonneuses, pansé malgré tout leurs blessures, et développé leurs cernes, Jusqu’à digérer les barbelés, et infiltrer leurs racines entre les fissures des rochers, jusqu’à se nourrir des charniers pour les ressusciter en âmes végétales.
Je vais me réfugier parmi eux. J’enduirai mon corps de leur sève et danserai dans leur chanson.
Ils me prêtent déjà, pour écrire, le papier qui est leur ombre portée, une ombre blanche, opposée à la nuit , et mon écriture pourra peut-être, avec le récit retrouvé, refaire naître d’une certaine façon, le jour.