Ne pas froisser l’air avec des certitudes – (Susanne Derève)

Imogen Cunningham – first magnolia
Ne pas froisser l’air avec des certitudes
Se garder immobile
Pour tenter de saisir la plus infime vibration de la lumière
le plus léger flottement dans l’air
le froissement imperceptible d’une aile de papillon
dont l’onde se répercute et fait vaciller un pétale
une corolle tremblante
poudrée d’un jaune cendre d’étamines
et pas de certitude qu’il s’agisse d’une rose
Dans l’armoire secrète de nos corps – ( RC )
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L’harmonie de nos matières, nous fait intégrer dans l’armoire secrète de nos corps, toutes nos fragilités, et certitudes.
Parfois sous forme d’une pierre rugueuse, parfois, la corolle fragile d’une fleur rebelle, parfois le coffret étanche d’une boîte où rien ne semble pénétrer .
C’est un paysage intérieur, qui se heurte à des parois,
Mais qu’on ne peut pas voir, percevoir clairement.
Peut-être parce que j’en ai perdu les origines, l’explication propre à ma présence en ce monde .
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De l’extérieur me parviennent les cris d’amour des vivants,
les mines profondes, les pays ravagés par la guerre,
les chemins hésitants ou les rails brillants à travers la nuit .
Il est difficile de saisir où tout cela mène , car cela s’est construit sans moi ;
et beaucoup de langages se croisent
sans que j’en connaisse le langage et les intentions .
D’autres ont leurs certitudes, leur passé, et poursuivent leur aventure, se confrontent à la souffrance, à la joie :
Ils se côtoient, dans un temps commun,
sans forcément disposer librement de leurs destinées .
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Celles-ci se croisent, se confrontent, se combattent, sous des auspices contradictoires.
Eux non plus n’ont pas d’explication de leur présence en ce monde .
Ils essaient de l’exploiter à leur bénéfice, de façon détournée, comme des contrebandiers .
Mais, malgré les apparences, sont toujours dans l’armoire secrète de leur corps, de leurs croyances, et de limites invisibles ;
Celles-ci se déplacent avec eux, car ils les portent en eux, , comme une ligne d’horizon,
avec le mystère prolongé de leur origine, qu’ils ne peuvent pas atteindre .
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RC – nov 2014
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Lorsque le paysage bascule – ( RC )
photo d’actualités _ conséquences du passage du typhon Haiyan (Philippines)
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Aux horizons de langueur,
Supposons, des certitudes,
Cartes postales du bonheur,
Où rien n’apparaît de rude,
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S’ouvre soudain sous nos pieds,
De ces gouffres qui fument,
D’une angoisse tout le temps niée,
De tout temps recouverte par la brume…
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Alors, la ligne émeraude à travers les palmiers,
Se déchire avec les saisons,
Comme un tas de vieux papiers,
sous le passage du typhon.
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Le bateau prend eau de toutes parts
On se trouve désemparé, minuscule,
Dans l’oeil du cachemar,
Lorsque le paysage bascule,
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Et que les éléments, déchaînés,
Se montrent autrement qu’aimables,
S’il faut pour s’en échapper, se démener,
Et oublier l’idée même d’un monde stable.
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RC – 13 novembre 2013
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Ce qu’emporte le vent d’automne ( RC )
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Au sein de l’espace mouvant, tangue le tourbillon
Des points de lumière, agités par la rose des temps,
Vent d’automne chassant les certitudes,
Sur mes pieds , à ton corps allongé , ces rayons
Comme renvoyés par un kaléidoscope,
Et les troncs, de la forêt dense
Scintillant de milliers de petits miroirs,
Lueurs dispersées selon des accords de harpe,
Nous avons été des enfants,
Portés aux bras de l’amour,
Savourant sans les connaître,
La forme et le parfum des choses,
L’espace qui nous entourait , si vaste,
Les champs ployant sous le soleil,
Et tu étais donnée, par ta simple présence,
Comme une évidence.
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L’espace a basculé,
Sans qu’on le remarque,
Les nuages insouciants,
Délimités de contours blancs et nets,
Se sont ligués en une masse indistincte et terne,
Les tourments du monde ont fini
Par installer doutes et rancoeurs,
Et l’insouciance s’est dissoute.
Un éclairage faux a fini par nous happer,
En dispersant feuilles , oiseaux,
Et même le goût du bonheur,
> Nous souvenons-nous de l’avoir goûté ?
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RC- 10 septembre 2013
Ahmed Mehaoudi – ombrage chanté
gravure: Georges Braque
comment arrive t-il de ses ailes
à venir décrire de ses yeux de songeur
le feu nourri de nos théoriques certitudes
la course évidente du monde qui passe
comment arrive t-il
à murmurer sur nos lits fermer au soleil
la verité du livre des vérités
puis à l’aurore siroter
la ligne blanche de la nuit
où se croisent étoiles partantes
et lumière du matin
comment de ses ailes
atterrir
clamer que l’homme est le dernier à rire
quand c’est aux oiseaux d’en être les derniers
chanter au plus profond de la gorge
que c’est sa jeunesse qui fait défaut
et alors s’envoler à nouveau
là haut à l’écoute d’autres chants mystérieux…
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-21 novembre 2010
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Ombres- contre vent – Neige sur les pierres
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Neige sur les pierres
Il suffit de mots noirs lourds glacés
de pierres écroulées sur une espérance
dans un son étouffé
la neige parfois vient éclairer le vert
effacer l’erreur
pourtant on grelotte
trébuche sur ses certitudes
on s’approche d’une fenêtre
imitant le rouge-gorge
ce solitaire affamé
surtout qu’aucun bruit vienne fendre
l’abri du silence
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