Futaie profonde, et solitaire – ( RC )

Parcourant la forêt, les troncs courbés
font comme une harpe
jouant une musique de lumière
que personne n’entend.
La futaie est profonde, et solitaire ,
personne ne m’entend chanter.
J’écris sur la terre humide
un poème,
que personne ne lira,
à part la lune
qui se penche vers moi .
inspiré par les textes de Wang Wei, voir « sous les pins »- calligraphie chinoise –
Face cachée – ( RC )

Faut-il que je me penche
sur mon passé
pour entamer le récit
à haute voix
des ombres portées
de la vie
dont j’atteins désormais
la face cachée ?
Je ne me retourne plus
que pour contempler
la couronne diffuse
des aurores boréales,
car le soleil
se tourne dans l’ombre.
Je consume lentement
le reste de mon existence
dont j’ai dépassé la moitié .
Les cigales chantent encore
mais elles sont en sursis
quand l’astre s’éteint.
Une lumière diffuse
m’accompagne
de l’autre côté de la planète.
Je t’y retrouverai peut-être
dans le dernier frémissement
de l’histoire qui s’achève.
Puis d’un bond,
je quitterai la terre,
ne laissant sur elle
qu’un petit tas de cendres,
pour entreprendre un grand voyage
parmi les étoiles….
La jeune afghane au regard effarouché – RC

Qu’est devenue la jeune afghane
au regard effarouché ?
A-t-elle bu le lait nouveau,
la saveur de l’avenir
qu’on lui avait promis…
l’a-t-elle seulement approché ?
Nous l’avons retrouvée
sous un voile au mauve fané .
Elle n’a plus que ses yeux verts,
après quelques décennies,
certes, un peu vieillie,
devant une corbeille de faux fruits .
–
cf photo de Steve McCurry
Un matin où j’avance mes mains trop près du ciel – ( RC )

Peine perdue
aux volutes des pensées désenchantées.
C’est un matin
où j’avance mes mains
trop près du ciel,
car le silence me répond, :
celui de la nuit pailletée,
que brouillent les voix de la veille :
- de grands morceaux fragmentés
ne composeront jamais un poème :
miettes de croissants de lune,
emportées par la rivière,
un jour où le vent accompagne
les gestes lents du balayeur.
Puis il y a eu ce visage
entr’aperçu derrière les rideaux pourpres
d’une fenêtre
qui recomposa ton image,
elle que je croyais perdue,
piétinée comme des fruits trop mûrs
se mêlant aux souvenirs diffus
d’une aube incertaine ;
tintement léger de la mémoire :
réminiscences en pièces détachées
dans le jour candide
qui se mettait à renaître,
comme si de rien n’était,
alors je t’écris cette lettre,
que tu liras peut-être
toi ,
si loin du ciel,
mais proche de moi, en pensée…
Le ciel se ressoude, la mémoire s’en va … – ( RC )

Allons nous asseoir sur les dunes,
de là, nous verrons en rêve
se lever les rideaux de brume
déchirer des morceaux de ciel;
il y aura peut-être les colombes,
qui survoleront les palais,
pour se réfugier dans les tilleuls,
ou bien ce sera le soir,
à l’heure où le soleil tire sa révérence.
Rappelle-toi de ces oiseaux
courant, sautillant sur la plage,
ignorant les hommes
le vent, les herbes sauvages.
( Nous aurons contourné
ce bunker renversé,
qui lentement s’enfonce
dans le passé ),
comme ce château de sable…
Y aura-t-il des lendemains
à l’histoire enchantée
où tout passé s’efface ?
Le ciel se reforme,
se ressoude, la mémoire s’en va :
la ville ne laissera pas de trace.
Seuls, quelques gravats
seront poussés par le ressac
et la marée .
Houle et boucles, gestes liquides – ( RC )

Houles et boucles,
une main emportée par les flots
tenant un pinceau :
un ressac ,
un lavis d’encre de chine …
un geste liquide
laisse son empreinte légère
sur le papier.

Un pont sur les rêves – ( RC )

C’est une voie étroite
qui s’élance
au milieu des flots.
Juste quelques récifs
battus par les embruns
la maintiennent .
Pour prolonger le jour,
sous le ciel étoilé,
il me faudra quelques signes,
ceux du zodiaque peut-être,
un horizon bleuté
pour me rapprocher des îles.
Je jetterai un pont,
quelques lignes sur les rêves,
transformerai le calvaire
en phare de lumière,
très loin d’ici
prêt à immobiliser les vagues.
Est-ce un morceau d’infini
ce ciel qui m’attend
décollé de la mer ?
emportant mon ombre portée
prête à se déchirer
sur les rochers.
Un havre de pierre se détache ,
vacille dans la tempête ,
mais avant qu’il ne sombre
il faut que je dessine
une rue sur l’océan
qui tiendra juste
en équilibre dans l’image
avant que je n’aborde
dans la réalité,
comme le château de sable
qu’efface,inlassablement,
la marée .
Les doigts gourds – ( RC ) – le clavier tempéré ( SD )

variation réponse à SD, dont le texte suit
J’ai en mémoire
le buffet noir
qu’a peint Picasso,
et qui me rappelle
ce sévère piano droit,
où l’on devait faire les gammes,
faire courir les doigts
sur un clavier
qui restait froid
( et n’avait rien de tempéré ).
Faire que les mains
parcourent les touches d’ivoire,
prenant les blanches pour les noires,
en suivant la Méthode Rose
( on n’espère pas encore devenir virtuose )
on imaginerait qu’elles dansent,
chacune devant
faire preuve d’indépendance
dans le mouvement…
Mais je vois bien le tableau :
montée sur le tabouret haut
ma petite sœur,
tes pieds ne touchant pas terre
sous le regard sévère
de ton professeur :
encore et toujours
faire ces gammes,
alors que tu rêvais déjà d’amour :
( tout ce qu’il faut
pour te rendre allergique
à la musique ) :
tu préférais le chant des oiseaux.
RC
–
Petite fille aux doigts gourds
toi qu’on pressait de faire des gammes
quand tu rêvais déjà d’amour
et qui disais Bonjour Madame
docilement
Toi qui tempérais le clavier
quand te tendait les bras l’infâme
piano droit et l’œil distrait
innocemment
par un oiseau dans l’or du soir
prenais les blanches pour des noires
Susanne Derève
Chimères – ( RC )

causses de Lozère ( Sauveterre ) – photo RC 2021
–
Où cours-tu si vite ?
Après ces rêves qui t’emmènent,
légère, dans le roulement des nuages ?
Es-tu l’oiseau qui s’y cache,
l’avion qui les dédaigne ?
Tu voudrais t’en approcher,
les saisir, les modeler,
être dans les bras de l’air
et l’azur frileux,
lui qui sait que la pluie
ne t’en offrira aucun abri.
Où cours-tu si vite ?
Après ces chimères suspendues,
sans attaches,
dont tu ne pourras jamais t’emparer … ?
Le pont de la chanson – ( RC )

Il est ce pont,
ce pont fantôme
qui ne mène nulle part,
– des années folles
où l’on danse
au son du galoubet,
une étrange farandole – ,
le pont de la chanson,
qui s’élance
avec panache
sans filet
sur les eaux du Rhône.
Le pont St Bénezet
avec sa chapelle,
est une sentinelle
qui a perdu ses arches,
l’or de ses pierres,
dans le courant impétueux,
des eaux boueuses.
Appelées par la mer,
luisant comme écailles de poissons,
les eaux du pont dont tu oublies le nom.
Tes fantômes tournant en rond
quand tes souvenirs s’enfuient,
sous le soleil du midi….
Détourner la douleur vers un peu de sourire – (RC )

Tant d’années à se dire
à se lire , à déchirer les ténèbres
de tant d’heures,
pour que la lumière vienne,
et rebondisse sur les fleurs
dont la tête penche ;
Elles n’égarent pas leurs couleurs,
car elles restent vivantes
dans le tableau.
Je suis derrière,
je ne sais si tu me reconnaîtras,
car j’ai un peu changé,
et ma voix est chargée
de mes pas égarés
dont l’immobilité rejoint
celle la pierre
Le silence serait-il
de la même nuance qu’hier ?.
Je me suis exercé
avec le jeu des pinceaux,
pourtant , je ne façonne pas les heures,
je laisse passer les oiseaux,
je me retire dans des paroles
souvent vaines,
mais j’y loge un peu de soleil
pour détourner la douleur
vers un peu de sourire.
RC
Entre mes doigts, un peu de poussière d’argent – ( RC )

Il y a ce berceau gris
de photographies à moitié développées,
de celles qui emballent
les premiers jours de ma vie :
ce sont dans ces profondeurs du sommeil
où nous nous serions rencontrés,
partageant un rêve inachevé.
Faut-il que j’en sorte,
maintenant un peu plus sombre,
avec le regard qui s’égare ?
Le rêve se serait terminé
sans qu’on s’en aperçoive
et je tiens entre mes doigts
un peu de poussière d’argent.
Le réveil est évanescent :
on me voit adolescent,
accoudé au buffet noir ,
mais la photo ne capte qu’un instant,
pas l’éternité,
et encore moins le futur
où nous pourrions à nouveau, nous rencontrer.
La maison de l’ombre – ( RC )

J’ai touché l’ombre de mes doigts,
et elle n’a pas bougé.
La maison était dans une couronne de ronces,
ses fenêtres closes ne parlaient plus .
Ouvertes , elles n’auraient pu qu’être muettes
dans l’oubli des étés et des rires.
Qu’elle gémisse de fatigue dans ses fers
– de rouille – , écrasée par le poids du ciel,
qui n’est qu’indifférence…
J’ai touché du doigt
son triste corps de pierre.
Elle ne m’a pas répondu.
Si j’étais resté plus longtemps,
elle m’aurait mordu
me lançant ses ronces au visage .
RC – nov 2020
Le prunus de Fukushima – ( RC )

Loin du tsunami,
et des accidents nucléaires
survit de façon insolente
un prunus, qui n’a avait jamais produit
autant de fleurs.
Les tours des banlieues ont été désertées,
et les rues abritent des courants d’air.
On peut y voir parfois
les bateaux renversés,
éventrés, drôles d’épaves urbaines,
des poteaux brisés dont les cables
se sont enchevêtrés,
pris dans des blocs de béton.
Le prunus, lui, survit.
A le voir, on croirait
que les tempêtes n’ont jamais existé.
Il est passé aux actualités,
a enrichi les pages des magazines étrangers.
Personne ne vous a dit,
que ses fleurs étaient vénéneuses.
Un peu de soleil à l’intérieur – ( RC )

Le soleil a disparu
à force de tourner sur lui-même.
On ne le voit plus.
Le peintre s’est tu.
Juste une poudre de lumière
atteint encore la terre :
une brume de misère
qui la hante.
Beaucoup de plantes
ne savent plus ce qu’il faut faire.
Elles se crispent dans le sol
et se souviennent des jours
où la terre tournait encore autour.
Pourtant des tournesols ont fleuri,
comme des marguerites jaunes,
en tout petit,
qui, dans leur douleur
ne montreraient plus leur coeur.
Entre les doigts de la brise,
elles dialoguent
et refusent de flétrir :
la nouvelle s’est répandue
de la mort de Van Gogh
c’est qu’elles ont encore
assez de soleil et d’or ,
pour qu’à l’intérieur ,
son souvenir
soit leur propre lueur.
Haïku d’un crépuscule – ( RC )

au soleil qu’engloutissent les vagues ,
sombrent des couleurs du monde ,
lourds doigts de ténèbres
Dans le mystère des bois – ( RC )

Il y a encore quelques hommes,
pour recueillir des dons d’un ciel
de novembre, étrangement clément .
Ceux qui arpentent les forêts,
se guident sur les chemins
presque complètement enfouis
sous l’ocre des feuilles.
La terre aimable a caché l’été ,
sous les jaunes et les oranges.
La sève se retire des arbres,
se préparant à l’hiver,
le petit peuple des champignons en profite .
Ce sont peut-être de petits gnomes
qui montrent leur visage,
en dansant en cercles serrés.
Dans le mystère des bois,
commencent à roder les brumes
entre les roches de Huelgoat .
Certains y verraient les fées
qui font leur cueillette d’herbes
de cèpes et d’amanites.
C’est de leur cuisine
que les brumes
s’enroulent dans la futaie .
Si les doigts du vent font silence,
c’est peut-être leurs pas sur les feuilles sèches
que tu entendras,
mais ne t’attends pas à les surprendre,
car leurs robes les cachent
et nos yeux ne peuvent les apercevoir.

Ces champs devenus gris – ( RC )
Image – Geneviève Asse
Les champs qui bordent le jour
sont devenus gris
il est impossible d’en saisir le contour;
la joie nous a été ravie,
une menace , lentement, plane :
– les champs n’ont plus fleuri;
tu verras dans une autre vie
que la lumière s’éloigne …
–
(variation sur un texte de Jean-Claude Pirotte: Parce que le dessein des vies...)
Dans la république des oiseaux – ( RC )
montage RC
Il n’y a pas besoin de clé,
pour passer dans un autre monde:
Juste tourner la poignée de la fenêtre
pour marcher de plein pied dans l’espace.
Des traits se côtoient,
mais jamais ne s’enchevêtrent.
Les pépiements que j’écoute,
aussi , se superposent.
Je suis rentré dans la république des oiseaux,
( en fait dans un monde sonore
où se croisent les langages
de la nature ).
Quels que soient les plumages,
de bois, de cuivre
ou de simple roseaux
que le souffle entraîne.
Je voisine en musique un merle rieur,
une bécasse, et d’autres espèces
aux couleurs changeantes,
comme dans le catalogue de Messiaen.
Ces oiseaux sont de minuscules étoiles
qui animent le ciel tendu
à mes oreilles :
drap vivant de l’azur perpétué.
Il n’y a pas besoin de clé,
pour passer dans un autre monde:
il suffit , par exemple, d’écouter
Naïma , de Coltrane …
C’est comme une partition de liberté
où les notes filent à toute allure
comme ces hirondelles
dansant leur mélodie.
Qui la leur a apprise ?
Comment se fait-il qu’à chaque fois s’échappe
l’harmonie sans qu’on la rattrape,
quand le musicien improvise ?
Sonnet pour un piano abandonné – ( RC )
photo Romain Thiery: Requiem pour pianos 30, Pologne
Quelques décennies,
et la mélodie s’est effacée
parmi les miroirs voilés
et fenêtres obturées.
Qui nous jouera encore
les valses et mazurkas
dans le salon
de grand apparat ?
Le piano n’a pu s’envoler:
trop lourd de son aile noire
en retombant, un de ses pieds s’est cassé
comme ses rêves de liberté
se conjuguant au passé :
le grand piano aux dents brisées.
RC juin 2020
Ceux qui habitent le ciel – ( RC )
–
Ceux qui habitent le ciel ,
sont libres comme l’air,
car il n’y a pas de frontière
emprisonnant les ailes…
On a de la peine à imaginer
que les nuées soient partagées,
et, que , de chaque côté
les oiseaux soient étrangers.
Aucun morceau d’azur
à revendiquer; pas de bleu
à découper selon les pointillés,
rien à posséder .
Si les frontières sont sur la terre ,
rien n’enferme les courants d’air…
les langues, elles, sont dans les dictionnaires,
les oiseaux n’en ont que faire .
Bien que je ne sois ornithologue,
il semble que par leur dialogue
ils arrivent à s’entendre ,
peut -être aussi parce qu’ils n’ont rien à vendre…-
–
RC – janv 2019
Traces de l’or du temps – ( RC )
J’ai cherché trop souvent
les traces de l’or du temps.
Un temps en éternelle fuite,
qui se pose sur les fleurs,
– juste une légère trace :
de la lumière, de la couleur.
Ce sont ces pépites
qui s’effacent
quand l’hiver les rattrape:
l’or du temps est insaisissable :
comme s’envole le sable
avec le vent
– qui , lui aussi , m’échappe…
–
RC – avr 2019
–
voir la phrase d’André Breton » « Je cherche l’or du temps »
dont MChr Grimard a fait cette variation
Côté ombre – ( échos de textes SD – RC )
( ces textes sont visibles dans la partie » ping-pong )
photo Jerry Uelsman
—
COTE OMBRE
J’ai fait les cent pas sur le parvis
côté ombre
À même le pavé
la gitane a suivi les lignes de ma main
mais elles étaient brouillées
De l’autre côté des pierres
Notre-Dame de la Mer
écrasée de soleil, déserte,
s’endormait
Dans le silence
d’un plein après-midi d’été
Non, tu ne viendras plus
mais j’attendrai le soir
J’attendrai les chanteurs,
le timbre des guitares
le son rauque et cassé de ces mélopées lentes
qui disent le départ
et le prix de l’errance
– la gitane dénoue les pans d’un fichu vert
un enfant fait la manche –
Demain j’irai revoir la mer
la mer et les étangs
la robe claire des chevaux
et l’éclat de corail des flamants
comme des perles ébouriffées
qu’aurait éparpillées le vent
sur l’eau
J’irai dire un adieu à Arles la romaine
Fouler aux pieds les Alyscamps
Comme Toulet au bord des tombes
Eprouver le poids du passé
Avant que le jour ne s’effondre
Et oublier
SD
C’est la faute des pierres .
Elles ont attendu si longtemps,
alignées au bord des allées,
que même les inscriptions,
se sont effacées
assistant, immobiles, à la fusion des jours:
peut-être n’avaient-elles
plus rien à dire et ont suivi
le chemin des montagnes altières,
un souvenir des Alpes lointaines .
Ses rochers se sont écartés
pour laisser passer le mistral .
Le vent est toujours là, où tu l’a laissé,
les flamants roses sont comme des fleurs
posées sur les étangs,
mais on ne sait pas si ce sont les mêmes,
ou d’autres générations venues
sur les étangs de Camargue .
Tu trouves toujours aux Saintes-Maries,
une gitane prête à te dire ton destin,
dans les lignes de la main .
Mais tu ne sais pas la reconnaître.
Et d’ailleurs, si tu lui confiais ta paume ,
elle trouverait ces lignes effacées.
Et ce seraient comme ces pierres,
qui ont attendu si longtemps,
qu’elles ont fini par s’éroder,
se dissoudre :
dans le liquide du temps,
et le poids du passé .
–
RC
Étaient-ce des perles ou des fleurs
déposées par le vent
Je restais les observer des heures
Ils quittaient l’eau parfois
abandonnant leur fragile élégance
pour prendre leur envol
Et lorsqu’ils déployaient leurs ailes
ce n’était pas tant la fulgurance
du corail que ces rémiges noires
qui signifiaient tout à coup leur puissance
Arles déchue Arles des pierres dissoutes
de langueur et d’oubli
les arènes sont vides
la roche friable sous mes doigts
– j’en garde
un peu de la poussière au creux des ongles-
sur les gradins il n’y aura pas d’ombre
Mais au-delà des murs, échappée du regard,
j’aperçois la douce respiration de la ville
le soleil fléchit contre les toits de tuiles
Le temps devient cet or liquide
sans passé ni présent
le temps a la lourdeur des pierres
immobiles
SD Février 2018
J’ai fait les cent pas sur le parvis
côté ombre,
et tu n’es pas venue.
J’ai pourtant attendu longtemps.
Peut-être je n’aurais pas dû
acheter des fleurs ce matin.
Elles courbent déjà la tête,
et désespèrent de te voir,
à mesure
que le soleil
grignote un peu plus de la place .
Mais je suis resté,
assis sur un banc, désoeuvré,
et du square me parviennent les cris des enfants.
Je me suis occupé à compter les pavés.
Il y en avait beaucoup sur la place
autour des maigres platanes
que l’on y avait plantés.
Beaucoup, mais pas tant,
que ces minutes qui n’en finissent pas.
Elles s’étirent en un long soupir.
L’après-midi s’est prolongé,
c’était l’été et la lumière s’est attardée
jusqu’à la fermeture des boutiques.
Non, tu ne viendras plus.
Je le sais maintenant,
et les fleurs sont fanées.
Mais je reviendrai demain.
Il y aura des musiciens
qui accompagneront mes pensées.
Celles qui disent les exils volontaires,
l’incertitude de l’errance ,
et les lueurs de l’espoir.
Demain, quand tu seras là
je te tiendrai par le bras,
et nous irons revoir la mer
La robe claire des chevaux ,
et ton regard aura l’éclat
de la nuit , où le jour commence à poindre…
Nous éviterons les paroles inutiles,
que le vent aurait éparpillées ;
tu te contenteras d’être là.
Et ce sera la joie,
quand tu reviendras
.. mettre un terme à l’incertitude…
RC
Tu étais là, sur le parvis
côté ombre
et je t’ai reconnu même avant de te voir
Tu attendais sur le vieux banc de pierre
avec cet air d’éternel enfant
– celui sans doute qui m’avait fait revenir
sur mes pas une dernière fois
en te cherchant-
– Notre Dame de la mer –
Qu’attendais-tu, indifférent
a ce qui t’entourait
au timbre des guitares
aux gamins qui mendiaient à même le pavé
Il m’a semblé qu’une gitane en robe noire
lisait les lignes de ta main
T’a-t-elle parlé de moi ?
Je sais que j’ai couru vers toi que j’ai crié
que tu m’as serrée dans tes bras
et je suis si légère, t’en souviens-tu,
que tu m’as fait tourner, tourner sans fin
jusqu’au vertige
Si haut qu’au-delà du fronton de l’église
j’ai vu le soleil basculer ricocher
dans tes yeux
La place en est soudain devenue trop étroite …
Il me fallait le ciel entier côté lumière,
Il me fallait la mer au-delà de ces digues
qui ferment l’horizon sous le pas des chevaux,
au-delà des étangs, au-delà des roseaux
lequel entrainait l’autre, le sais-tu ?
Il me semble que tu m’as portée jusqu’à la mer
en chuchotant à mon oreille des mots
que le vent étouffait
Ou bien était-ce le vent lui-même qui murmurait
Qu’importe je te retrouvais
SD
un pont entre tes paroles – ( RC )
détail d’une peinture de Botticielli (Vénus et Mars )
J’ai entendu la mer
dans la conque marine.
Et dans le ressac,
m’est parvenue ta voix,
dans le silence qui se retire,
suivant la marée basse.
Il y a du silence en toute chose,
et c’est un pont entre tes paroles.
Elles se poursuivent dans le temps,
et l’émotion tinte de leur écho.
C’est une voix sereine
qui rend sa grâce
au sourire d’un enfant,
auquel tu redonnes le souffle.
Je t’ai écoutée,
comme le ressac,
dans la conque marine.