Irène Assiba d’Almeida – chairs éparpillées
Chairs éparpillées
Les dieux ont perdu la parole
Les hommes ont perdu la sagesse
Les femmes ont perdu la raison
Car les enfants ont perdu la vie
Et mes entrailles folles de douleur
Eclatent et s’éparpillent
A chaque fois que meurt
L’enfant-sida
L’enfant-soldat
L’enfant-souffrance
Comment rendre la douleur muette ?
Comment recoudre mes chairs éparpillées
Pour que les dieux retrouvent la parole
Les hommes la sagesse
Les femmes la raison
Et les enfants la vie ?
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Irène Assiba d’Almeida
Alain Borne – Mes lèvres ne peuvent plus s’ouvrir que pour dire ton nom
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Mes lèvres ne peuvent plus s’ouvrir
que pour dire ton nom
baiser ta bouche
te devenir en te cherchant.
Tu es au bout de chacun de mes mots
tu les emplis, les brûles, les vides.
Te voici en eux
tu es ma salive et ma bouche
et mon silence même est crispé de toi.
Je me couche dans la poussière, les yeux fermés
La nuit sera totale, tant que l’aube
Et le grand jour de ta chair
Ne passeront pas au-dessus de moi
Comme un vol de soleils.
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Alain Borne
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Brigitte Tosi – Un jour la mer ne viendra plus
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Un jour la mer ne viendra plus
Frapper à la porte de mes yeux
Je battrai des paupières,
Oscillant sur la vague
De mon humeur vitrée,
Croyant retenir, encore,
Un peu de vie et de lumière
Le vent coudra ma bouche,
Cette fissure du visage,
Ce rouge murmure,
Cette pâle plainte
De mots hasardeux
Un coup de lune foudroyant
Viendra lisser mon front paré
De tôle grise ondulée
Un jour la nuit viendra
M’échouer dans la mer
La marée haute engloutira
Les chairs mortes de mon corps
Un promeneur distrait
Lancera sur la vague
Les galets de mes yeux
Endormis sur la plage
Un jour le mot
ne viendra plus
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Brigitte Tosi
Brigitte Tosi – Avant le dernier jour

peinture: Jerome Bosch: le jardin des délices ( détail )
Au jour d’avant le dernier jour
Il y aura toutes ces heures
Volées aux ombres du silence
Et tous ces mots étreints
À la force des mains
La vie sera veuve
Fauve le miel rouillé
Au dernier jour d’avant la nuit
Il y aura tous ces poèmes
Gravés à l’ombre des cailloux
Comme un bouquet d’adieux
Aux limites du monde
La vie sera seule
Pauvre le ciel oublié
Et l’oubli
tatoué
Aux herbes rases de nos chairs.
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