Dis adieu, adieu et adieu, dis adieu à tes jeunes jours, Vient te séduire l’Amour joyeux et courtiser ton jeune atour – le corsage ornant tes façons, Le filet sur tes cheveux blonds.
Quand tu entendras son nom porté par les trompes du chérubin, Pour lui commence à libérer tout doucement ton jeune sein Et défais doucement le filet qui marque la virginité.
XVI
Bid adieu, adieu, adieu, Bid adieu to girlish days, Happy Love is come to woo Thee and woo thy girlish ways – The zone that doth become thee fair, The snood upon thy yellow hair,
When thou hast heard his name upon The bugles of the cherubim Begin thou softly to unzone Thy girlish bosom unto him And softly to undo the snood That is the sign of maidenhood.
La chambre, notre grand lit plat. En face, l’armoire avec le miroir rigide.
Reflet.
Je suis avec lui, sous l’édredon. L’édredon est épais, à plumes, il ne pèse rien.
Carreaux multicolores, on est dessous, vivants.
Il est à côté de moi. Je vois la peau élastique, les yeux qui cherchent.
Il est là, allongé.
Par la fenêtre, le ciel humide, ses trous et ses volumes.
L’édredon est léger, envahissant comme une déchirure.
Il y a cette fenêtre : Les ténèbres s’y prélassent . Peut-être est-ce le jour qui ne peut rentrer :
Ma chambre, comme ma tête, est close de rideaux noirs, fermée sur sa blessure, où se sont dissoutes les joies , que m’offrait ton visage si loin dans le temps,
que je ne rappelle plus bien —ni de son expression exacte, —ni de la chaleur qui m’envahissait .
Ma blessure a saigné , puis le sang s’est retiré, en marée descendante . Je ne peux même plus , saisir la lumière : mes veines sont sèches ;
la chambre est un lac de mémoire là où était le lit on n’ose pas marcher
c’était l’an dernier les meubles on revoit mal les meubles vendus ressuscites ailleurs dans .l’amnésie de chaleurs nouvelles mais la tenture sale inégalement indiscrète le vieux destin y accroche ses mains là près de l’interrupteur où le couloir amorce la contamination de l’ombre et il y a tant de vent dehors que l’allée déchire les basques du jardin et tant de cris d’enfants dans l’escalier qu’il va se dévisser
Paul FARELIER
« Syllepses n° 6 »
in « Poésie 1 » n» 75
(Éd. Saint-Germain-des-Prés)
Tu es quelque part ,ailleurs. Dans une chambre d’un autre continent. Murs décorés avec des cadres trouvés dans des poubelles Il y a quelque part mes lettres, cachées .
Pour moi, ici, quelque part . Dans une autre chambre. Ornée de photos de bébé. Il y a quelque part cachées tes lettres. Nous ne pourrons jamais nous répondre, tu as dit. Chacun portant sa propre solitude. Nous ne nous écrirons plus Les murs et les étagères ne pouvaient supporter,
Mon père avait une chambre mansardée où il écrivait ses livres . Quand il n’ était pas là, j’avais l’habitude d’y aller et de regarder. Il y avait des bouts de papier arrachés , de bloc-notes en spirale; des catalogues de maisons d’enchères, du texte entouré de cercles, aux pages écornées, le prix de réserve marqué dans un code; une chaise pliante dure, une table aux tréteaux éclatés et toujours son odeur .
À côté de sa chambre , il y avait une chambre pleine de livres et des bibliothèques; des livres à l’intérieur,d’autres, empilés,et sur le sol (mon dictionnaire un petit Larousse recouvert de papier brun de mon père provenant du camp de prisonniers ).
Je ne me suis jamais assise dans la bibliothèque, quand mon père était là J’ avais peur de lui et de toute façon nous n’y étions pas admis quand il se concentrait. Il détestait faire ses livres mais je crois qu’il aimait être seul.
J’y allais après qu’il soit parti comme une façon d’être auprès de lui. Puis je suis allée à la bibliothèque où tant d’histoires abandonnées sont ensemble sous la poussière jusqu’à ce que je les ouvre, poudrant le bout de mes doigts.
—-
trad RC
—
texte original ci-dessous
–
My Father’s Room
My father had an attic room where he did his books
when he wasn’t there I used to go and look.
There were scraps of paper torn off spiral pads;
auction house catalogues, text circled, pages dog eared,
reserve prices marked in code; a hard folding chair;
a splintered trestle table and always the smell of him.
Next to his room was a room full of books and bookcases;
books in them, on them and on the floor (my dictionary
a tiny Larousse covered in brown paper was my father’s
from prison camp).
I never sat in the book room when my father was there
I was afraid of him and anyway we weren’t allowed
when he was concentrating. He hated doing his books
but I think he liked being alone. I’d visit after he’d gone
as a way to be near him. Then I went to the book room
where so many abandoned stories gathered dust
until I opened them, powdering the tips of my fingers.
Le siècle des passions vient mourir au chevet
d’un langage cassé qui perd jusqu’à mon nom
entre les draps trop blancs d’une chambre scellée
dans une ville éteinte aux rues déshabillées
comme une femme nue sous le regard d’un chat
qui serait mort d’ennui le jour de ma naissance
en lissant son pelage au fond d’un autobus
qui tournerait le coin de la rue pour de bon
Le père se déchire en tenant dans sa main
le chapelet noirci de ses jours de vivant
nous regardons les murs pour ne pas voir le mal
nous glisser sous les yeux de sa voix trébuchante
Mais dites aux coins des rues que je ne viendrai plus
voir mourir les années dans cette chambre blanche
la force m’est venue de porter mon regard
sur le désert de miel entre le monde et moi
la tempête est cassée, le monde est hors de lui
et tous les vieux secrets se déchirent au vent
Les bruits des rues séchaient déjà
fragiles dans leur nuit de pluie
lorsque l’amant de ton roman
sortit transi de ta valise
en répandant sur le trottoir
la rumeur douce de ces heures
où tu lisais en m’attendant
Alors j’ai roulé les rues
comme une langue amère
et j’ai relu ma chambre
avec mes draps sans toi
presque sans moi
L’espace détruit n’est qu’apparence dans le temps durable,
Les lieux aimés nous ne pouvons les abandonner,
Les lieux aimés ensemble, ensemble, ensemble.
Et cette chambre est-elle chambre ou caresse,
Et qu’y a-t-il sous la fenêtre : la rue ou les années ?
Et la fenêtre n’est-elle que l’empreinte de la première pluie
Que nous avons comprise, et qui sans cesse se répète ?
Et ce mur n’est-il pas la limite de la chambre, mais peut-être
de la nuit
Où le fils vint dans ton sang endormi,
Le fils comme un papillon de feu dans la chambre de tes miroirs,
La nuit où tu eus peur de ta lumière.
Et cette porte donne sur n’importe quel après-midi
Qui lui servit, à jamais peuplé
de tes simples mouvements, lorsque tu entrais
Dans ma seule mémoire, comme le feu dans le cuivre;
Quand tu es absente, derrière toi l’espace se referme comme l’eau ;
Ne te retourne pas : il n’est rien en dehors de toi,
L’espace n’est que temps visible d’autre manière;
Les lieux aimés nous ne pouvons les abandonner.
–
Ivan V. LALIC
« Temps, feu, jardins » (Éd. Saint-Germain-des-Prés, 1973)
Le siècle des passions vient mourir au chevet
d’un langage cassé qui perd jusqu’à mon nom
entre les draps trop blancs d’une chambre scellée
dans une ville éteinte aux rues déshabillées
comme une femme nue sous le regard d’un chat
qui serait mort d’ennui le jour de ma naissance
en lissant son pelage au fond d’un autobus
qui tournerait le coin de la rue pour de bon
Le père se déchire en tenant dans sa main
le chapelet noirci de ses jours de vivant
nous regardons les murs pour ne pas voir le mal
nous glisser sous les yeux de sa voix trébuchante
Mais dites aux coins des rues que je ne viendrai plus
voir mourir les années dans cette chambre blanche
la force m’est venue de porter mon regard
sur le désert de miel entre le monde et moi
la tempête est cassée, le monde est hors de lui
et tous les vieux secrets se déchirent au vent.
Les étoiles s’attardent, la chambre
respire dans la chaleur
d’un été nocturne,
tu te réveilles, le lit défait
nos rêves et nos vies.
Tu soulèves le poids de ton corps comblé d’images
et parle à mon visage
puis mon regard, puis ma bouche
et enfin dis ces mot de pudeur :
que la beauté à jamais perdure dans nos mains…
Des ressemblances nous ont égarés dans l’enfance
Etions-nous donc du même sang
Des merveilles se sont passées qui nous ont fait peur
Près des édredons de pleur et de sang rouge
Etions-nous du même sang quand je rencontrai ta blondeur
Avions-nous pleuré les mêmes larmes dans les cages
Et quels attentats en de secrètes chambres
Nous avaient faits aussi à nu que nos pensées ?
O mort il me revient des sons étranges
O vive et un peu rousse et la cuisse penchée
Tes yeux animaux me disent (velours rouge)
Ce qu’un génie n’ose pas même imaginer.
PJJ
–
et pour faire transition avec mes « yeux fertiles du temps », ce texte de José Gorostiza
LE RIVAGE
Ni eau ni sable
n’est le rivage.
Cette eau sonore
d’écume simple,
cette eau ne peut
être rivage.
Pour reposer
en lieu moelleux,
ni eau ni sable
n’est le rivage.
Les choses aimables,
discrètes,simples,
se joignent
comme font les rivages.
Aussi les lèvres
pour le baiser.
Ni eau ni sable
n’est le rivage.
Chose de mort
je me regarde;
seul,désolé
comme au désert.
Viennent mes larmes:
je dois souffrir.
Ni eau ni sable
n’est le rivage.
Parfois il entre dans la maison, je l’entends
dans les combles gratter le bois déplacer les grains
est-ce un mulot un loir une pensée je vois
les araignées tisser les toiles pour le retenir
le chat lever un œil, la chambre se tiédir je l’entends
parfois cet air habité ce vent venu de loin
des calottes polaires des bouches inconnues
il veut faire partie de la demeure, il veut le couvert
la chaise le versant, il investit les lieux
puis repus retourne d’où il est venu, nous laissant
démunis les bras nus
De dans la chambre où j’ai grandi le gel a gelé l’eau d’ondine.
Je dors là, craque le plastique – dehors toute une éternité
hulotte chante clair.
ph: - hulotte
Avant le coucher mon père et moi chacun à un lavabo lui se
trouvant jaune moi mentant que pas tellement.
Mais il était jonquille, forsythia, du tout la bonne heure de
printemps.
Les beaux jours vivement (qu’il disait) vivement.