Nicolas Jaen – le coing propose une joue d’ombre à l’apprenti

peinture Andy Demzler
Il pourrait le dire, en haut-allemand, ou en noroît :
Le vent souffle, la cendre dans les hangars, le bel orage oui
Les morts déplacent des pierres des chantiers le H pour fenêtre d’hôpital
Où la lumière fait une flaque au pied de personne avant de se retirer,
Où les rideaux évoquent théâtre chauffé, lit, drame, jouent des scènes
Furtives au toucher qu’est la main retrouvée.
(La pourriture du coing propose une joue d’ombre à l’apprenti au pinceau
Le trait de la lame écrit en sang sur la pulpe du doigt la dominante)
etc. Les peaux de raisins de poires le jus des pommes épandus.
Dans la galette, le pois cassé, le salsifis, l’iris troublé :
le temps s’étire comme un chat, je jeûne au festin ô
L’œil nid de palombes
L’ombre, enfoncée, dans le mur signe une proximité – et une absence.
Les thèmes de l’air et de l’eau sont les voisinages du vide
- les fonds, le bleu du ciel, et dessous une maison qui penche, qui a faim.
Un siècle qu’elle n’a pas bougé d’un ciel.
On chiffrera plus tard mes études, on me verra copiste.
L’ange attendra comme pierre, comme saule, et il y a pleurs dans peupliers
Le temps efface les mains Une craie s’est brisée en écrivant le mot
« père » sur le tableau noir de l’école L’écolier persiste sous le cœur.
Au teint de vieux noir et blanc.
( Oui j’ai de la chapelle de l’hôpital des poussières d’hosties encore dans la gorge.)
On lavera au sang. On ouvrira nos écorchures.
On se baignera en nous.
Et l’ange frappera. Par sa nervosité.
Son œil boira les couleurs.
À peine recommencées. Esquives.
Et coups bas. Oui, la folie reprisée. D’avoir a consumer d’êtres l’urne, lente, fourragée, d’éternité.
(Oui j’étais la pierre la dune le sable le soleil)
Nicolas Jaen ( texte paru dans la revue « Décharge » )
Personnages de la balustrade – ( RC )
fresque : San Antonio de la Florida : F Goya
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Tout autour de la balustrade ,
sont rassemblés des personnages
comme dans un tribunal:
Ils semblent être dans l’attente
d’un évènement peu banal
qui ne saurait tarder.
Au-dessus, passent des nuages,
et quelques anges , très sages..
dans un paradis de stuc et de rocs .
On ne sait d’où ils s’échappent,
ni ce qui les dérangent
ou les provoquent .
Tout ce monde se déhanche,
en étoffes et effets de manches…-
mais leur attitude se fige :
Eveillés par le moindre bruit,
leurs têtes, d’un même mouvement,
se penchent brusquement …
Leur regard me suit, mécanique ,
de manière insistante et maléfique ,
dès que je me déplace…
Descendus du monde céleste ,
ce sont comme des rapaces ,
épiant chacun de mes gestes…
Un regard de glace ,
qui vous figerait le sang :
immobilisés sur place …
ce qui me ramène pourtant
des siècles en arrière,
quand les trompettes altières
résonnent dans l’arène :
– Voila donc l’aubaine
semblent-ils se dire :
une occasion rarissime
pour convoquer les vampires
et désigner la victime ….
L’imagination accompagne presque
le mouvement des ailes
se détachant de la fresque .
Ils vont trouver un motif
pour aiguiser leurs griffes,
et basculer dans le réel…
Déjà, brillent des yeux noirs,
que j’avais entr-aperçus …
acérés et cruels…
Oui, je n’aurais jamais dû
entrer dans cette chapelle:
une sorte de purgatoire
En ce lieu,
où l’on chercherait vainement Dieu
la porte s’est définitivement close .
– …. c’est ainsi que fanent les roses …
–
RC mai 2017
Une chapelle comme une nef échouée – ( RC )
Chapelle contemporaine du Mont Lozère. Architecte: Jean Peytavin
( toutes photos perso – réalisées en 2006 )
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On ne s’attend pas, quelque part,
Dans un repli de la montagne,
A trouver là,
Une nef, immobilisée,
Qui s’est échouée un jour,
La quille prise dans les sables.
C’était comme aujourd’hui,
( on peut le supposer ),
Un jour où le brouillard épais,
Ne permettait pas de voir les côtes.
Bien sûr on peut se demander,
Puisqu’il n’y a pas de rivage,
Par quel hasard le bord de mer,
Se serait élevé,
Si haut, qu’on en aurait perdu le sel,
Et même jusqu’à l’idée.
Quant à moi je m’en tiens à l’énigme,
Du basculement des origines .
Oui, on ne s’attend pas,
A trouver une flèche incrustée,
Dans la large épaule
De la montagne,
Une construction dont le toit
S’élance du sol, pour se tendre,
Dans sa simplicité géométrique,
Vers les hauteurs ventées.
Jusqu’ où va la foi,
Et jusqu’au coeur du froid,
Si des hommes ont dressé
Tout contre le ciel, une nef
– peut-être en se rappelant
Celle de Noé ….-
En recherchant sous le ciel bas
Des fragments de divin.
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RC – mai 2015
Livre des heures de Carlos V.
Biblioteca Nacional de España
L’abri de l’obscur ( RC )

photo Clémence Ayrolles Chapelle St Michel Sous Terre, Vidauban, Var
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A l’usure des siècles,
L’écriture liquide
Qui patiemment fore
Des passages dans la pierre,
Les ponts de roche jetés sur la rivière
Un chaos basculé, envahi par les arbres
Centenaires, et racines avides,
Un grand âge des oublis
Masquant par son rideau
L’ouverture secrète
Le chemin détrempé
Et la voûte obscure
Habillée de suie
– Chapelle dissimulée –
Aux abris d’ombre
Simplement indiquée
Aux temps d’inquisition
Par un chemin de chandelles
Chancelantes à la cécité de l’air
Et la fumée dissipée des mémoires
Gardienne des consciences
– Des libertés
Celles de penser autrement
Sous les rocs enchevêtrés,
Qu’un faux paysage
Sous l’exil du soleil
S’étalent dans la plaine
Au pied des croix
Et des échafauds.
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RC- 20 mars 2013
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