Ogden Nash – Mariez vous toujours à une fille d’Avril

peinture Dorothea Tanning
Louez les sortilèges, bénissez les charmes,
j’ai trouvé Avril dans mes bras.
Avril doré, Avril nuageux,
Gracieux, cruel, tendre et frondeur;
Le doux avril en langueur fleurie,
Le froid avril à la soudaine colère,
toujours changeant, toujours sincère –
J’aime Avril, je t’aime.
–
extrait du blog poésie et racbouni
Renée Vivien – Lucidité
L’art délicat du vice occupe tes loisirs,
Et tu sais réveiller la chaleur des désirs
Auxquels ton corps perfide et souple se dérobe.
L’odeur du lit se mêle aux parfums de ta robe.
Ton charme blond ressemble à la fadeur du miel.
Tu n’aimes que le faux et l’artificiel,
La musique des mots et des murmures mièvres.
Ton baiser se détourne et glisse sur les lèvres.
Tes yeux sont des hivers pâlement étoilés.
Les deuils suivent tes pas en mornes défilés.
Ton geste est un reflet, ta parole est une ombre.
Ton corps s’est amolli sous des baisers sans nombre,
Et ton âme est flétrie et ton corps est usé.
Languissant et lascif, ton frôlement rusé
Ignore la beauté loyale de l’étreinte.
Tu mens comme l’on aime, et, sous ta douceur feinte,
On sent le rampement du reptile attentif.
Au fond de l’ombre, elle une mer sans récif,
Les tombeaux sont encor moins impurs que ta couche…
O Femme ! Je le sais, mais j’ai soif de ta bouche !
____________(Études et préludes, 1901)
Océanie – (Susanne Derève)
Pirogue, exposition Océanie Musée du Quai Branly
Là où les eaux bleues des lagons
dessinent des caresses de sable sous le vent
j’ai trouvé l’oiseau cardinal
l’oiseau rouge feu
et je lui ai peint des yeux de braise
et de nacre
j’ai chargé ma pirogue de tortues et d’oiseaux
pour passer de l’autre côté de l’enfance
Là où les eaux bleues des lagons
épousent la mangrove et le ciel
j’ai revêtu ma robe de papier
et coiffé deux chevaux aux crinières de lianes
aux naseaux de bois flotté
ri sous le masque oint mes lèvres d’onguent
mes joues de kaolin mes paupières de charbon
et de khôl
Là où les eaux bleues du lagon se rejoignent
et encerclent la terre
j’ai façonné d’une main circulaire le bol
des offrandes premières
gravé la pierre cérémoniale des mages
et des devins
orné le trône divin d’écailles de serpents
de poissons trismégistes
dessiné sur le sable des lunes pleines
et des filaments d’étoiles
Là où les eaux bleues des lagons tremblent
sous la risée
où les proues des wakas harponnent la haute mer
et les plies argentées
j’ai déposé un charme tressé de mes dix doigts agiles
et noué un aiguillon de raie pour crever les nuages
et conjurer la pluie
L’eau court l’eau trace entre mes mains
les repères de vie
j’ai vu venir l’oiseau rouge feu
avec son aigrette brune et son regard de braise
je lui ai remis les offrandes premières
invoqué le Tiki incrusté de corail
et de l’os fin du lézard
agrafé à son cou un long collier de jade
ouvert les portes de la nuit
quelques photos et liens expo Océanie dans
Renée Vivien – Lucidité
L’art délicat du vice occupe tes loisirs,
Et tu sais réveiller la chaleur des désirs
Auxquels ton corps perfide et souple se dérobe.
L’odeur du lit se mêle aux parfums de ta robe.
Ton charme blond ressemble à la fadeur du miel.
Tu n’aimes que le faux et l’artificiel,
La musique des mots et des murmures mièvres.
Ton baiser se détourne et glisse sur les lèvres.
Tes yeux sont des hivers pâlement étoilés.
Les deuils suivent tes pas en mornes défilés.
Ton geste est un reflet, ta parole est une ombre.
Ton corps s’est amolli sous des baisers sans nombre,
Et ton âme est flétrie et ton corps est usé.
Languissant et lascif, ton frôlement rusé
Ignore la beauté loyale de l’étreinte.
Tu mens comme l’on aime, et, sous ta douceur feinte,
On sent le rampement du reptile attentif.
Au fond de l’ombre, elle une mer sans récif,
Les tombeaux sont encor moins impurs que ta couche…
O Femme ! Je le sais, mais j’ai soif de ta bouche !
_ (Études et préludes, 1901)