Marc Alyn – chien d’ombre dans la nuit

J’entends marcher dehors. Tout est clos. Il est tard.
Ma lampe seule veille.
Pas de vent. Nul oiseau. Qui passe dans le noir
à pattes de soleil ?
C’est un chien d’autrefois parti pour l’au-delà
Comme on va à la chasse
Et qui revient parfois vérifier s’il a
Toujours ici sa place.
En silence il m’appelle, en l’ombre il me regarde
Avec ses yeux d’Ailleurs,
Puis je l’entends courir sur son aire de garde,
J’entends battre son cœur.
Il rôde doucement pour n’éveiller personne
Du portail au vieux puits
Et l’effraie le salue de son long cri qui sonne
En l’air pur de la nuit.
Tendre ami disparu dont l’absence me blesse,
Est-ce toi ? est-ce toi ?
Boiras-tu quelque nuit l’eau fraîche que je verse
Dans ta jarre là-bas ?
Mais rien ne me répond.
Le rond de la caresse
Réintègre mes doigts.
Est-ce mon âme aussi qui tire sur sa laisse,
Mon chien de l’au-delà ?
Raymond Queneau – L’ouverture –

Sang fumée ce sont les chasseurs qui jouent du cor, de l’arbalète autour d’eux sont les corps morts de bêtes d’animaux qui jouaient et mangeaient dans les taillis dans la luzerne et qui point ne se doutaient de la giberne adieu la vie adieu l’amour le gibier gît devant les gîtes des reîtres et des pandours cyniques oiseaux oiseaux que je déplore tout ce mal qui vous assiège ces gens qui veulent la mort de vos arpèges lièvres dansant dans la rosée biches bramant au fond des bois la guerre vous est déclarée au mois de septembre
Courir les rues
Battre la campagne
Fendre les flots
nrf Poésie Gallimard
Erri de Luca – la brebis brune
photo denvedarvro ( écomusée du musée de Rennes )
La brebis brune
Est la première agressée par l’éclair et le loup,
le tour de mauvaise chance qui gâte la couleur uniforme
du blanc troupeau.
Le jour la chasse, la nuit l’accueille
dans le noir térébenthine qui dissout couleurs et contours
et fait qu’elle ressemble aux autres.
La nuit est plus juste que le jour.
Face au danger le cri le plus limpide est le sien,
sur la glace de l’aube c’est elle qui marque la trace.
Où passent les confins, elle seule longe la haie de mures
Qui fait frontière à la vie frénétique, féroce, qui ne donne répit.
—
La pecora bruna
È la prima aggredita dal lampo e dal lupo,
lo scherzo di mala fortuna che guasta il colore uniforme
del bianco di gregge.
Il giorno la scaccia, la notte l’accoglie
nel buio d’acqua ragia che scioglie colore e contorno
e fa che assomigli alle altre.
La notte è più giusta del giorno.
In faccia al pericolo il grido più limpido è il suo,
sul ghiaccio dell’ alba la traccia è battuta da lei.
Dove corre il confine, lei sola rasenta la siepe di more,
e chi si è smarrito si tiene al di qua della pecora bruna,
che fa da frontiera alla vita veloce, feroce, che tregua non dà.
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traduction par Antonio Silvestrone : voir son site
L’inspire se dévide ( RC )
l’inspire se dévide, et il pense danse
– des graffitis sur le mur ,
essuie, il faudrait une gomme
– en attendant,
– ou un peu de toile émeri,
pour revenir au vert d’eau,
qui surmonte les carreaux.
Et chacun, passe , et y ajoute ses mots,
ce sont des obscènes
qu’on ne trouve pas en poèmes.
Ou bien la calligraphie grasse
des feutres, ceux qui arrivent à dégouliner,
– et s’obstinent, entre la chasse,
et la cuvette , dont l’abattant pend.
Le bonheur des mouches, qui se mirent
dans les lignes d’eau,
jointoyure incertaine au creux des carreaux,
que le sol a recueilli,
– restes de rouleaux roses.
Voila de nouveaux parchemins , pour donner
libre-cours – aux talents d’écriture,
quel dommage de négliger ainsi , – qui cristallise
l’avancée de l’esprit !!. –
Mais c’est faute au confort, ce papier rose
qui s’enfonce,
sous la pointe revêche du stylo,
ou même la mine de plomb – crayon.
Il semaillerait des mots,
l’inspiration du moment,
un moment bien choisi,
au regard du bruit de la rue,
– drôle d’endroit pour régler sa montre –
derrière la porte épaisse , – bois, qui arrive à mi-tête,
targette branlante,
la place , déserte à cette heure
pourtant, oui, il reste encore
les trognons des choux-fleurs
et des morceaux d’orange moisis , – après le marché
et des cagettes enchevêtrées,
– la balayeuse ne va pas tarder à passer
dans les guenilles de la ville- ,
et les mots en cascade qui dérapent,
comme pas permis, – se dilapident les pensées,
les pleins et délirés ——- que tout rentre
dans l’ordre lorsque qu’il sort ! -se trouver
quelque chose à dire,
pour coller l’avalanche cataplasme d’écriture,
il te faut ce beau papier,
— mais où sont-ils, justement
ces mots qui te venaient en flammes ?
–
RC avril 2013
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Une fontaine close, une source scellée (RC)
une fontaine close, une source scellée
En rapprochement avec une musique de Tristan Murail, musicien auteur de pièces électro-acoustiques, et auteur d’une composition qui porte ce titre, exactement:
C’est un jardin secret, ma soeur, ma fiancée, une source scellée, une fontaine close…
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( et pour ceux qu’il intéresserait d’aller chercher plus loin, cela provient des « cantique des cantiques dont la citation exacte est: le cantique des cantiques 4 : 12-15 :
Tu es un jardin fermé, ma sœur, ma fiancée une source fermée une fontaine scellée. Tes jets forment un jardin où sont des grenadiers avec les fruits les plus excellents, les troënes avec le nard, le nard et le safran, le roseau aromatiques et le cinnamone, avec tous les arbres qui donnent l’encens, la myrrhe, et l’aloès avec les principaux aromates. Une fontaine des jardins, une source d’eaux vives, des ruisseaux du Liban.
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a fountain closed, a sealed source
In combination with the music of Tristan Murail, musician author of electro-acoustic pieces, and author of a composition that title, exactly says:
« It’s a secret garden, my sister, my bride, a sealed fountain, a fountain closed … »
The beauty sleeping in the woods
The animal was not hard-pressed
The horn that sounded not hunting
It marked quietly, passing time
The fountain was motionless
Members and face gracile
No longer turned a round earth
Indeed, the origin of the world
Freezing is softens
His thickness ,thinner
the song of the water has returned to
Life and color have made a comeback
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La belle dormant aux bois
La bête n’était pas aux abois
Le cor qui sonnait n’était pas de chasse
Il marquait doucement, le temps qui passe
La fontaine était immobile
Les membres et le visage gracile
Ne tournait plus une terre ronde
Enfin, l’origine du monde
La gelée est adoucie
Son épaisseur amincie
Le chant de l’eau a repris son cours
Vie et couleur sont de retour
RC – sept 2011 , modifié juillet 2013
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