Sylvia Plath – Ariel
Ariel
Stase dans l’obscurité
Ensuite le bleu sans substance
se déverse dans le tout ou rien et les distances
Dieu est une lionne,
comment de l’un nous poussons
pivot des talons et des genoux ! Le sillon
sépare et passe, sœur vers
l’arc
du cou que je ne peux saisir
Œil de nègre
baies des crochets d’un rôle obscur —
noir et tendre sang plein la bouche,
ombres.
Quelque chose d’autre
me traîne au travers de l’air –
fémurs, cheveux;
flocons de mes talons.
Blanche
Godiva, je t’épèle –
Et maintenant je
suis écume de blé, éclats d’océans.
L’enfant pleure
il se fond dans le mur.
Et moi je suis la flèche
la rosée qui vole,
suicidaire, à l’un allant tout droit
dans le rouge
Œil, le chaudron du matin.
–
Un miroir refuse de répondre ( RC )
Les sorcières de Macbeth, en effet
Se posent des questions
En ne voyant plus, de la lune, le reflet
A l’intérieur du chaudron.
Ce sont dans les vieilles casseroles
Qu’on fait les meilleures soupes
Mais ce n’est plus très drôle
Quelle que soit la taille de la croupe
De ces dames, qui s’activent,
Incantations et recettes
En préparation corrosive
Qui nous laisse stupéfaite…
Et le bouillon, qui tangue
Dans son récipient de cuivre
Mêlé de cheveux et de langues,
De son fumet va poursuivre,
Sa matière épaisse et visqueuse,
Mais confisquer la lumière
Déchirure pouilleuse
Des mondes temporaires
Une planète noire
S’est échappée des reflets
D’habituelles trajectoires
D’un coup de balai
Comme les bassins des Tuileries
Décrits par Proust, comme des yeux
Vides de regard, où aucun ciel ne rit
Et un absurde jet d’eau, jaillissant d’un creux.
La fresque des frasques du temps
Va soudain se dissoudre
En un combat de géants
Et territoire des foudres.
Le miroir refuse de répondre
Et de renvoyer les rayons
Comme dans l’épaisse brume de Londres
L’emprisonnant d’un bâillon .
C’est sans doute qu’il n’y a rien à voir
Qu’une suite gigogne, emboîte
Ne pouvant percer le brouillard
Ni les volumes, recouverts d’ouate.
–
RC – 3 février 2013
–
Jean-Jacques Dorio: – instants
Le temps n’a qu’une réalité, celle de l’Instant.
Gaston BACHELARD
——–
Comme si parfois on cherchait à rendre
Une certaine exactitude de l’existence
Ceci est du pain suédois
De la pastèque cuite au chaudron
Ceci est un chat européen
C’est-à-dire de gouttière
Le bruit d’un réveil
Les paroles des proches
Mangeant le pain et la pastèque
Flattant le chat
Disant les choses du jour
Lançant l’argile dont chacun fait les statuettes de ses rêves
Comme si parfois on auscultait
Ces contours lents
D’un instant
Intact
Jean-Jacques Dorio