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Chauve-souris – (Susanne Derève) –


Bat and Moon, 1830 Yamada Hōgyoku

 

      Attrape-songes,  souris aux mains ailées ,

       j’ouvrirai grand portes et fenêtres

      à ton vol effaré, petit cerf-volant éperdu de chair  et d’os,                                                                                           

      vers les toits glacés de la nuit,  

      noir accent circonflexe   griffant  la lune rousse

      et je  m’endormirai légère

      d’avoir lesté de rêves  tes ailes fragiles 

 

 


Thomas Vinau – de ce côté-ci du ciel


photo Bruno Daversin ( Cévennes )

De ce côté-ci du ciel ne perdure qu’une miette, une impression rosâtre, un soupçon de nuage qui disparaît avant d’y accrocher un seul mot.
De ce côté-ci du ciel, le crépuscule est venu me chuchoter que le temps nous rattrape comme un ogre affamé, que dès que je m’assoie il a les dents qui poussent, que la poussière attend, patiente, que chacun lui revienne.

De ce côté-ci du ciel, le vent a battu la cadence pour que l’obscurité avance jusqu’à me piétiner la tête de ses chaussons brillants et laisser dans mes cheveux des paillettes embrumées, des sentiments d’étoiles.

De ce côté-ci du ciel, les parfums se mélangent dans le grouillement du monde. L’air se frotte à la terre. Les arbres s’enlacent entre eux et l’eau creuse des lits sombres pour l’amour des poissons.

De ce côté-ci du ciel, la lune gomme le fracas des hommes, elle efface tendrement les vestiges du vacarme et la terre se repose un peu pendant qu’une poussière explore le monde sur le dos sombre de la lumière.

De ce côté-ci du ciel, les ailes des chauve-souris qui lui chatouillent le ventre font frissonner la nuit et son rire délicat est comme une prière, une chanson lancinante qui nous dit que le vide est le seigneur du monde.


les yeux démesurément ouverts sur la nuit – ( RC )


peinture: Léon Bonnat – le lac de Gérardmer-  1893
C’est cette nuit, quelque part, 
le don du sang en héritage,
qu’au-dessus du lac 
 
aux profondeurs noires,
         je vois cliqueter 
la mécanique  des étoiles.
 
C’est un grand  appel silencieux,
aussi étrange  qu’un rire  de chauve-souris,
qui m’effraie autant qu’il m’attire.
 
Il n’a de calme    que l’apparence,
           car tout peut  avoir lieu
au sein du liquide  obscur.
 
          L’air, dans sa moiteur, 
          a cet aspect fatigué 
des choses qui se fanent,
 
repoussant en ses extrémités,
autour de la clairière proche,
une jungle aux arbres en fer  forgés…
 
Malgré son lent  clapotement,
il me vient à l’esprit que l’eau,
de même, est figée,
 
comme une plaque  de métal,
   que je pourrais m’y risquer
   sans pour  autant m’enfoncer,
 
aussi loin que je puisse
pour accéder à l’îlot sombre,
en son centre.
 
            Je sais que des barques 
            y abordent certains jours,
et on y débarque des cargaisons funèbres.
 
Cet  îlot ,       je le sais gardé
          par des statues sévères 
à la base couverte  de mousses…
 
Cette nuit, 
je combattrai 
la violence muette  des enchantements.
 
Je mourrai,      peut-être,
englué dans les vases fourbes, 
ou paradoxalement  aspiré
 
par le ciel monotone, mais le coeur net,
semant l’épouvante  dans les planètes, 
les yeux démesurément ouverts sur la nuit.

Si le dehors existe ( RC )


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Si le dehors existe,
Il se passe de son regard
Une barrière d’ombres

Derrière la grille de ses doigts
Qui contient son visage
Peut-être pour protéger l’âme

Des outrages de la vie
Ou bien, comme les  chauves souris
Rester suspendu dans une grotte

Enveloppé de ses ailes
A l’abri du noir
A l’image d’un vieux parapluie

Qui ne s’aperçoit pas
De l’aurore boréale
Nimbant la planète

RC – 11 décembre 2012


Karla Olvera – Première culbute


extrait du site  de la  « petite  librairie des champs » ( Sylvie Durbec)

 

 

installation – sculpture  animée:  Rebecca  Horn

 

 

Je tombai aux lignes d’une lettre comme un miroir

Je tombai très vite cheveux volant au ciel

Chauve-souris en fuite heurtant le vent

Je tombai poings ouverts et pieds en avant

Je tombai les falaises et espaces libres

Je tombai mille crabes en dessous du sable

Je rencontrai des télégrammes en tchèque

Je lus des messages dans des bouteilles

Je rêvai avec les frères Montgolfier

Je tombai et installai une tente en Mongolie

Arrivée dans un kit cinématographique

Chien jaune

Toiles

Chèvres

Bols

Plateaux

Charrettes

Tout ça miniature

Et démontable

Je tombai à l’horizontale

A travers des plaines vertes sans fin

Je tombai en suivant l’ horizon

Zig zag zag zig

Je tombai de toute la largueur du ciel

Et à l’envers.

 

Karla Olvera  –             trad. sylvie durbec (fragment)