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Anthony Phelps – Quête


Je suis parti à ta recherche
parmi le feux follets des alpages
Sur la brune
j’ai guetté ton passage à l’u du chemin
Ma voix s’est amplifiée
et j’ai crié ton nom dans les couloirs du monde

Que tu chantes la planche ou magnifies la pierre
ou que ton bras fasse le geste qui emblave
le geste qui féconde les sillons de la terre
j’aurai nécessité de ta présence
pour engranger la moisson de nos rêves

Je t’ai cherché dans les cannaies
je t’ai cherché dans les rizières
sur les chantiers et dans les fleurs
pour que ton rire se mêle au mien
et que ton chant double mon chant
chant de semaille ou de moisson
chant de coumbite fraternel
chant du marteau et de la plume
rires aigus des dents de scies
et rires graves des machines
et notre rire et notre chant
mêlant leurs voix en l’aube neuve


Octavio Paz – l’amphore brisée


peinture – Francis Bacon – étude de taureau 1991

Le regard intérieur se déploie, un monde de vertige et de flamme
naît sous le front qui rêve :

soleils bleus, tourbillons verts, pics de lumière
qui ouvrent des astres comme des grenades,

solitaire tournesol, œil d’or tournoyant
au centre d’une esplanade calcinée,

forêts de cristal et de son, forêts d’échos et de réponses et d’ondes,
dialogues de transparences,

vent, galop d’eau entre les murs interminables
d’une gorge de jais,

cheval, comète, fusée pointée sur le cœur de la nuit,
plumes, jets d’eau,

plumes, soudaine éclosion de torches, voiles, ailes,
invasion de blancheur,

oiseaux des îles chantant sous le front qui songe !

J’ai ouvert les yeux, je les ai levés au ciel et j’ai vu
comment la nuit se couvrait d’étoiles.

Iles vives, bracelets d’îles flamboyantes, pierres ardentes respirantes,
grappes de pierres vives, combien de fontaines,
combien de clartés, de chevelures sur une épaule obscure,

combien de fleuves là-haut, et ce lointain crépitement de l’eau
sur le feu de la lumière sur l’ombre.
Harpes, jardins de harpes.

Mais à mon côté, personne.
La plaine, seule : cactus, avocatiers,
pierres énormes éclatant au soleil.

Le grillon ne chantait pas,

il régnait une vague odeur de chaux et de semences brûlées,
les rues des villages étaient ruisseaux à sec,

L’ air se serait pulvérisé si quelqu’un avait crié : « Qui vive ! ».

Coteaux pelés, volcan froid, pierre et halètement sous tant de splendeur,
sécheresse, saveur de poussière,

rumeur de pieds nus dans la poussière, et au milieu de la plaine,
comme un jet d’eau pétrifié, l’arbre piru.

Dis-moi, sécheresse, dis-moi, terre brûlée, terre d’ossements moulus,
dis-moi, lune d’agonie, n’y a-t-il pas d’eau,

seulement du sang, seulement de la poussière,
seulement des foulées de pieds nus sur les épines

seulement des guenilles, un repas d’insectes et la torpeur à midi
sous le soleil impie d’un cacique d’or ?

Pas de hennissements de chevaux sur les rives du fleuve,
entre les grandes pierres rondes et luisantes,

dans l’eau dormante, sous la verte lumière des feuilles
et les cris des hommes et des femmes qui se baignent à l’aube ?

Le dieu-maïs, le dieu-fleur, le dieu-eau, le dieu-sang, la Vierge,
ont-ils fui, sont-ils morts, amphores brisées au bord de la source tarie ?

Voici la rage verte et froide et sa queue de lames et de verre taillé,
voici le chien et son hurlement de galeux, l’agave taciturne,

le nopal et le candélabre dressés, voici la fleur qui saigne et fait saigner,
la fleur, inexorable et tranchante géométrie, délicat instrument de torture,

voici la nuit aux dents longues, au regard effilé,
l’invisible silex de la nuit écorchante,

écoute s’entre-choquer les dents,
écoute s’entre-broyer les os,

le fémur frapper le tambour de peau humaine,
le talon rageur frapper le tambour du cœur,
le soleil délirant frapper le tam-tam des tympans,

voici la poussière qui se lève comme un roi fauve
et tout se disloque et tangue dans la solitude et s’écroule
comme un arbre déraciné, comme une tour qui s’éboule,

voici l’homme qui tombe et se relève et mange de la poussière et se traîne,
l’insecte humain qui perfore la pierre et perfore les siècles et ronge la lumière
voici la pierre brisée, l’homme brisé, la lumière brisée.

Ouvrir ou fermer les yeux, peu importe ?
Châteaux intérieurs qu’incendie la pensée pour qu’un autre plus pur se dresse, flamme fulgurante,

semence de l’image qui croît telle un arbre et fait éclater le crâne,
parole en quête de lèvres,

sur l’antique source humaine tombèrent de grandes pierres,
des siècles de pierres, des années de dalles, des minutes d’épaisseurs sur la source humaine.

Dis-moi, sécheresse, pierre polie par le temps sans dents, par la faim sans dents,
poussière moulue par les dents des siècles, par des siècles de faims,

dis-moi, amphore brisée dans la poussière, dis-moi,
la lumière surgit-elle en frottant un os contre un os, un homme contre un homme, une faim contre une faim,

jusqu’à ce que jaillisse l’étincelle, le cri, la parole,
jusqu’à ce que sourde l’eau et croisse l’arbre aux larges feuilles turquoise ?

Il faut dormir les yeux ouverts, il faut rêver avec les mains,
nous rêvons de vivants rêves de fleuve cherchant sa voie, des rêves de soleil rêvant ses mondes,

il faut rêver à haute voix, chanter jusqu’à ce que le chant prenne racine, tronc, feuillage, oiseaux, astres,

chanter jusqu’à ce que le songe engendre et fasse jaillir de notre flanc l’épine rouge de la résurrection,

Veau de la femme, la source où boire, se regarder, se reconnaître et se reconquérir,
la source qui nous parle seule à seule dans la nuit, nous appelle par notre nom, nous donne conscience d’homme,

la source des paroles pour dire moi, toi, lui, nous, sous le grand arbre, vivante statue de la pluie,

pour dire les beaux pronoms et nous reconnaître et être fidèles à nos noms,
il faut rêver au-delà, vers la source,  il faut ramer des siècles en arrière,

au-delà de l’enfance, au-delà du commencement, au-delà du baptême,
abattre les parois entre l’homme et l’homme, rassembler ce qui fut séparé,

la vie et la mort ne sont pas deux mondes, nous sommes une seule tige à deux fleurs jumelles,
il faut déterrer la parole perdue, rêver vers l’intérieur et vers l’extérieur,

déchiffrer le tatouage de la nuit, regarder midi
face à face et lui arracher son masque,

se baigner dans la lumière solaire, manger des fruits nocturnes,
déchiffrer l’écriture de l’astre et celle du fleuve,

se souvenir de ce que disent le sang et la mer,
la terre et le corps, revenir au point de départ,

ni dedans, ni dehors, ni en dessus ni en dessous,
à la croisée des chemins, où commencent les chemins,

parce que la lumière chante avec une rumeur d’eau,
et l’eau avec une rumeur de feuillage,

parce que l’aube est chargée de fruits,
le jour et la nuit réconciliés coulent avec la douceur d’un fleuve,

le jour et la nuit se caressent longuement comme un homme et une femme,

comme un seul fleuve immense sous l’arche des siècles
coulent les saisons et les hommes,

là-bas, vers le centre vivant de l’origine,
au delà de la fin et du commencement.

Octavio PAZ.


Chemins de Rance – (Susanne Derève) –


Bords de Rance (2019)
La joie,
envahie par l’herbe du temps 
comme tronc mangé de lierre,
trèfle dans la prairie, 
à ajuster mon pas dans les pas d’autrefois, 

joie morcelée, 
ce chemin mille fois emprunté 
qui devient  dépossession de soi,
quête illusoire
dans les lieux que portait l’enfance,
des sons,des odeurs,des voix. 

Manque le bruit des voix, 
des frôlements,des rires,leur soudain éclat
comme au fil du diamant. 
Manque le poids des corps et des étreintes
et l’épaisseur des chairs, dense,
leur ombre chaude dévoilant le soleil,
cernant les peurs,les devenirs.

Joies éphémères, 
tous les chemins de Rance portent
mes souvenirs,  
seul les noie le chatoiement de l’eau
dans la lumière,les mille et un fragments 
de son miroir brisé 
où la mémoire s’immerge, 
un instant pacifiée.



Le jour passe sa ronde – ( RC )


montage RC

Le jour passe sa ronde,
et cherche sa géographie
sans l’écrire .

Une bulle viendrait crever
à la surface de la vie,
et voilà que ton sourire m’inonde.

Ce serait le clair-obscur des nuits,
où l’attente finit par trouver une issue.

C’est ainsi que je suis né
pour toi,
toi, qui portais le monde sur ton dos,.

Tu as délaissé ton passé,
la grisaille de l’enfance,
pour m’entraîner sur les chemins de l’avenir.

Ces chemins qui se sont ouverts,
avec nos pas,
précédant nos ombres.

Le jour passe sa ronde,
et nous l’avons suivi.

( un écho au texte de S Derève « géographie du silence  » )


La journée du peintre – ( RC )


Afficher l’image source

peinture:           P Cézanne  —  parc  du château noir       1904

Je ne sais
quand les journées s’allongent :

je suis pieds et poings liés
à la chanson du pinceau,
et j’en oublie les heures,
jusqu’à ce que je plonge
dans l’oubli des choses,
ainsi mon ombre me devance
sur la toile ébauchée.

Et chante aussi la rivière
sous le pont de pierres…

J’ai confondu ce que j’ai peint
avec une journée d’été.

Je dépose la lumière par petites touches ,
qui se rassemblent contre l’obscurité.
Je marche dans une clairière
que j’ai inventée ,
je m’y égare un peu .
La futaie change soudain d’aspect
sous l’éclairage électrique .

Elle n’a plus cet attrait magique
des rideaux de feuilles .

Je continuerai demain
marchant dans sentes et chemins :

il y a des couleurs qui s’attardent
à la façon de feuilles d’automne
Elles sont aussi sur mes mains tachées ;
je vais aller me nettoyer
puisqu’une journée à peindre
vient de s’éteindre

sans bruit ,
remplacée progressivement par la nuit .

RC – juin 2019


Alexandre Rolla – Ici


Ross18.jpg

photo: Richard Ross          from                « waiting the end of the  world »

 

 

Ici à Trêlles, les choses s’allongent indéfiniment ,

il semble

que rien ne soit fini,

le rétrécissement y est inconnu

la matière vous étire malgré vous

de chaque côté de l’être

les jours et les nuits

passent des chemins

et encore d’autres

et d’autres encore .


Patrick Berta Forgas – il était cette fois


wolleh_prayer.jpg

photo:  Wolleh

 


Cette fois,
Les rangs sont froids.
Le pas des foules
Traîne au pied des monuments.
L’empreinte d’une histoire
Sans autre imagination
Qu’un vieux rêve ravivé,
Des siècles assassins
D’âmes, dans la nuit.
Cette fois,
La demeure est cernée
Des cendres du cauchemar
Qui se relève.
Incontinence et pollution
Aux draps des sueurs.
Cette fois,
L’ombre va prendre la couleur
Où tout se perd,
Les chemins et y compris,
Le matin.


Louis Aragon – Les roses de Noël


Chanac    résine de cimetiere    -12- .JPG

photo perso – Chanac

 

 

LES ROSES DE NOËL (extrait)

Quand nous étions le verre qu’on renverse
Dans l’averse un cerisier défleuri
Le pain rompu la terre sous la herse
Ou les noyés qui traversent Paris

Quand nous étions l’herbe ]aune qu’on foule
Le blé qu’on pille et le volet qui bat
Le chant tari le sanglot dans la foule
Quand nous étions le cheval qui tomba

Quand nous étions des étrangers en France
Des mendiants sur nos propres chemins
Quand nous tendions aux spectres d’espérance
La nudité honteuse de nos mains

Alors alors ceux-là qui se levèrent
Fût-ce un instant fût-ce aussitôt frappés
En plein hiver furent nos primevères
Et leur regard eut l’éclair d’une épée

Noël Noël ces aurores furtives
Vous ont rendu hommes de peu de foi
Le grand amour qui vaut qu’on meure et vive
À l’avenir qui rénove autrefois

Oserez-vous ce que leur Décembre ose
Mes beaux printemps d’au-delà du danger
Rappelez-vous ce lourd parfum des roses
Quand luit l’étoile au-dessus des bergers

Louis ARAGON          « La Diane française »(éd. Seghers)


Recul de la falaise – ( RC )


 

 

 

 

 


Le dos sur le mur,
Où les  mots glissent,
Et rien ne  s’accroche
A la verticale.

Cette plongée,
Au-dessus  de laquelle,
De multiples oiseaux  s’élancent,
N’a pas de toit.
Elle ne peut pas en avoir,
Corrodée, sans  relâche
Par le va-et-vient des vagues.

La pierre est arrêtée net,
Dans  son élan ..
On imagine mal, à la dureté de la roche,
Cette rupture brutale,

D’une partie de paysage,
Disparu soudain :
Horizontale brisée ;
Le basculement dans le vide,
Le fracas de la chute,
Entraînant bétail,
Arbres et  chemins.

Brusque recul de la falaise .

RC –  avr 2015


Janos Plinszky – Estaré mirant-ho


Mathieu Grymonprez   état de Kerala Inde.jpgphoto:     Matthieu Grymonprez        état de Kerala Inde

 

Je regarderai l’eau couler

les chemins hésitants et tendres ,

l’écriture où se mêlent  douleur  et hasard ,

leurs longs dessins,

  • sur des pierres mortes

sur des visages vivants –

Je les regarderai avant

de mériter l’oubli .


François Corvol – visions of L.A.


gravure sur bois:            Edward Munch

Il est l’heure maintenant de dormir
ne disparais pas trop vite où je ne peux plus marcher
ne vas pas trop vite où mes pas ne vont plus
ma vie elle n’est rien qu’un peu de ces chansons infirmes
de la cendre soulevée sur nos chemins intérieurs
j’ai dressé mon amour dans cette déchirure
j’ai exhumé le diamant de ces rêves offensés
je suis comme les autres hommes les autres éphémères
qui vont partout se cogner chercher de la lumière
j’habite la nuit je n’ai que la nuit
pour me raconter ce que c’est que de rester en vie
aveugle incertain ignorant
je ne fais qu’errer de lueur en lueur
et lorsque je l’atteins je brûle comme chacun

08.02.13


Le terrain vague – ( RC )


 

Entre les façades tristes, et mutiques
des rangées d’immeubles,
gît une  zone indéfinie,
et personne ne revendique
les marges floues d’un territoire  ;

ce lieu de passage, où rien ne semble certain,
comme l’oeil étrange d’un étang,
habité d’une  vie secrète, à quelque  distance,
sous la vase.
Les formes, même  celles  des plus banales,
semblent  dériver à force d’abandon,
sans  se heurter  aux  certitudes du ciment
et du goudron.

Des  sentiers hésitants contournent des bosses,
évitent des flaques, où courent  des nuages  gris.
Je les empruntais comme des raccourcis,
ou bien avec les copains, les jours  de désœuvrement.

Des bois morts  sont des trophées anciens,
où s’accrochent d’anciens  pneus de cycles.
Des graminées amères se disputent des tas  de gravats .
Surgissent  parfois des pierres taillées,
des morceaux de murs bousculés,
où se lisent  encore  des slogans  rageurs,
et graffiti à moitié  effacés .

Ce espace  échappe  à la  géométrie,
se rebelle avec le présent, et régurgite  de son ventre ,
des objets, qui y étaient  enfouis,
lestés de batailles  secrètes .

Des objets métalliques dont on ne saurait plus expliquer  l’usage,
des tesselles  de mosaïque  aux couleurs vives,
et même  je me souviens, du crâne d’une  vache,  
aux  cornes envahies  de mousse .

Ces voyages  imprécis, aux  abords  de la ville,
tenaient  d’un purgatoire .
D’une  rumeur  entre deux rives :
elle  confessait la parole d’un passé, pas encore  normalisé .

Les parcours  capricieux, avaient  quelque  chose à voir ,
sans doute,   avec l’adolescence.
 
Comme elle, quelques  années suffiraient à en interdire l’accès,
à le cerner  de murs, avant de le transformer,
en parking  de supermarché.

RC  – janv  2015


Facettes – ( RC )


photo: montage perso

photo:       montage perso

Dans les rêves pleins,

Que tu as peints,

Il y a concentré,

Tout ce qu’on peut trouver

Il faudrait des années

Lumières- et étincelles,

Pour en comprendre une parcelle.

Alors pour en discerner,

Ne serait-ce qu’un peu,

A la lumière de midi,

Sitôt suspendue, la pluie,

C’est encore un autre jeu

Une fabrique d’irréel,

Les gouttelettes des jets d’eaux,

Luisant de leurs cristaux,

En formant l’arc-en ciel.

Si tu joins la neige à l’été,

La luge à dos de chameaux,

Tu parles aussi aux oiseaux ,

Et des planètes lointaines visitées,

En laissant de nouvelles adresses   ,

Parlant un langage savant,

Juste compris du vent,

Et de grandes prêtresses,

Déroulés comme des pellicules,

Des films de Méliès,

Aux images enchanteresses,

Où de nouvelles formules,

Permettent aux libellules,

Des voyages d’insouciance,

Quand tu transmets l’essence

De parcours majuscules.

Les fruits les plus goûteux,

Sont dans ton esprit,

Et , comme tu les écris,

Concentrés et juteux.

Aux commissures des chemins,

Il faudrait être dans ta tête,

Parcourir les facettes,

Ou à défaut, te prendre la main.

RC  – janvier 2014

extraits de Méliès « Le voyage dans la lune »


Quand on n’a plus le sentiment, de l’heure et des choses ( RC )


 

 

 

Ce qu’il était d’un bleu,
Sous la touffeur commune,
Et les blés secs, étalés ;
Champs juste entaillés,
De chemins de poussière pâle,

L’après-midi tarde,
Au silence têtu,
Quand on n’a plus le sentiment,
De l’heure et des choses,
Et qu’on recherche l’ombre.

Il n’y a plus,
De l’horizon indécis,
Que les toits du village,
Lointain,
Dans la brume de chaleur    .

S’étire le ruban de la route,
Même , suinte son goudron,
Dans le temps         immobile …
L’espace se prolonge,
En de molles collines,

Adossées au ciel, à peine différent
Et les vrilles sonores,
Des mouches de l’été…
>   Les déchirures tardives des avions.
En longs tracés blancs…

RC  –  25 septembre 2013

 

 


Sur le fil, d’une rencontre invisible ( RC )


cirque de rocs. Montbrun, vallée du Tarn

cirque de rocs. Montbrun,       vallée du Tarn,              photo perso

Je suis  sur le fil,                                         d’un tracé invisible.
Il est  sous mes pieds,                               mais abrité d’ombre
Et de terres,                          croisées sous la coupe de l’hiver.
La mer y a habité,                      pesé de son poids de vagues
Contourné des falaises et des îles
Déposé son lit de calcaire,                              sous des ciels de plomb,
Avant que le sol ne penche,                               et que l’eau ne reflue,
Comme ont reflué les siècles, perdus dans la mémoire du monde…

Je suis  sur le fil,                         d’une rencontre invisible,
Où les pierres se confrontent,        les torrents se ruent,
Et les chemins s’enroulent,      sur les crêtes de vertiges,
Si nous allons de ce pas,                  sur la croupe ouverte,
Où la droite, n’a jamais  de prise, aux chutes des pentes,
De l’Aubrac aux Cévennes,      que parcourent, attentifs,
Beaucoup plus souvent,               vautours que goélands,
Au dessus des lèvres ouvertes,   des méandres du Tarn…

Ce ne sont pas les amours  splendides
Des légendes bretonnes,   marquées de la rage des pluies,
–                         Et des voiles qui claquent,
Au plancher  liquide, d’une mer grise,aux promesses de pêche
Mais le territoire,                      tourmenté de vallées profondes,
>           Disputant ses ombres  à la rudesse du causse,
Où de fermes de pierre,                              en vaisseaux désertés
Sont gardés de ruines  rocheuses,             les lèvres hautaines.

en  « réponse », à un texte  de Xavier Grall

ESCALE EN LEON
A Aline

Dans ma mémoire  blanche, seules chantent les pierres
de faux poètes ont dit mon pays joliment
je le dirai avec l`effarement de l`hiver
Ah les navrances en décembre des rivières et des moles !

Que ragent les pluies dans les carrières stridentes
que battent les vents dans les rades
que hurlent les toits et les pôles !

Nous irons plus haut que les fades
aurons des fureurs de goélands
dans la mouvance des

chantonneurs de la matière bretonne
rengainez vos guitares
les gabarres sur la mer créent des zones de sang

Dans les masures désertées nous prendrons des femmes cruelles
nous dirons les lèvres amères et les amours splendides

Finistère

Ici commence le monde et la musique du monde
les morts du Chili rêvent dans les villages
et crient
Il y a des Orients rêveurs dans les chaumes pourris
Il y a les loch des océans Pacifiques
Il y a des peuples et des nations dans la prairie

gorges du Tan,    photo perso

gorges du Tarn, photo perso


L’interrogation du soleil ( RC )


photo      rgbstock

En lissant, du dos  de la main,
Un sable blond, – l’interrogation du soleil
Qui s’étale, en grains
Par millions, ni semblables, ni pareils

Et si ceux  ci, recouvrent
L’haleine  de mon corps
Qui fait racine,  puis  s’ouvre
En profondeur, de toutes ses pores

C’est un flux de la mémoire
En fouillant dans son ombre
A chercher  dans le noir
Qu’aucune lumière  n’encombre

Quand tu te penches, elle ressurgit  soudain
Aux rayons de tes cheveux  dénoués
Et qu’ au dessus de moi, planent tes mains
Porteuses du soleil, d’un désir  avoué.

C’est  ton regard, que le ciel achemine
Qui réchauffe le mien
Je  n’en sais pas  l’origine
Mais j’en connais  les liens.

Vivre est une  aventure,
On s’écarte des chemins tracés
Vers des sentiers peu sûrs
Mais où tu me fais me lancer

Et c’est  encore un peu ivre
Encore en titubant
Que je vais te suivre
Emporté vers l’avant

Mes lèvres ont le goût des tiennes
J »ai laissé derrière, l’hiver des pensées
Un nouveau jour  m’entraîne
…………..     Et je n’ai plus de passé.

RC     -21 octobre 2012

photo Jose Chiyah


J. P. Salabreuil – Je suis là


Volume: Leo Copers - flamme éternelle

Volume: Leo Copers – flamme éternelle

 

 

Je suis là

Vous me croyez vivant
Je laisse mes yeux ouverts
Je regarde la nuit
Et je sais pour vous plaire
Y poster deux hiboux
Je les poudre d’étoiles
Et les chemins sont fleuves
Entre berges de boue
Je suis là je murmure
Et ces mots vous comprennent
Comme comprend le vent
Ce mélèze où nous sommes
Inondés de fraîcheur
Mais moi je suis ailleurs
Je ne suis pas vivant
Je suis mort et transi
Je ne suis pas ici
Simplement je vous parle
Et vous écoutez sans savoir
Combien ces choses sont lointaines
Combien me font ces feuillages d’ennui
Qui nous dépassent dans la nuit
Et demain seront les traces
De mes pas dans l’autre nuit.

J. P. Salabreuil


Claude Esteban – l’ombre


 

 

L’ombre, avec ses couloirs.

Le corps, accoutumé à ses tâtonnements de bête.

Où renaître sans yeux ?

Tous les chemins sont morts.

Reste le vent qui trace et

qui traverse.

D’aussi loin que je peux, je te réponds.

Je monte jusqu’à toi, jour

neuf, sous mes écailles.


Claude Esteban

in « Conjoncture du corps et du jardin »