Je suis parti à ta recherche parmi le feux follets des alpages Sur la brune j’ai guetté ton passage à l’u du chemin Ma voix s’est amplifiée et j’ai crié ton nom dans les couloirs du monde
Que tu chantes la planche ou magnifies la pierre ou que ton bras fasse le geste qui emblave le geste qui féconde les sillons de la terre j’aurai nécessité de ta présence pour engranger la moisson de nos rêves
Je t’ai cherché dans les cannaies je t’ai cherché dans les rizières sur les chantiers et dans les fleurs pour que ton rire se mêle au mien et que ton chant double mon chant chant de semaille ou de moisson chant de coumbite fraternel chant du marteau et de la plume rires aigus des dents de scies et rires graves des machines et notre rire et notre chant mêlant leurs voix en l’aube neuve
Le regard intérieur se déploie, un monde de vertige et de flamme naît sous le front qui rêve :
soleils bleus, tourbillons verts, pics de lumière qui ouvrent des astres comme des grenades,
solitaire tournesol, œil d’or tournoyant au centre d’une esplanade calcinée,
forêts de cristal et de son, forêts d’échos et de réponses et d’ondes, dialogues de transparences,
vent, galop d’eau entre les murs interminables d’une gorge de jais,
cheval, comète, fusée pointée sur le cœur de la nuit, plumes, jets d’eau,
plumes, soudaine éclosion de torches, voiles, ailes, invasion de blancheur,
oiseaux des îles chantant sous le front qui songe !
J’ai ouvert les yeux, je les ai levés au ciel et j’ai vu comment la nuit se couvrait d’étoiles.
Iles vives, bracelets d’îles flamboyantes, pierres ardentes respirantes, grappes de pierres vives, combien de fontaines, combien de clartés, de chevelures sur une épaule obscure,
combien de fleuves là-haut, et ce lointain crépitement de l’eau sur le feu de la lumière sur l’ombre. Harpes, jardins de harpes.
Mais à mon côté, personne. La plaine, seule : cactus, avocatiers, pierres énormes éclatant au soleil.
Le grillon ne chantait pas,
il régnait une vague odeur de chaux et de semences brûlées, les rues des villages étaient ruisseaux à sec,
L’ air se serait pulvérisé si quelqu’un avait crié : « Qui vive ! ».
Coteaux pelés, volcan froid, pierre et halètement sous tant de splendeur, sécheresse, saveur de poussière,
rumeur de pieds nus dans la poussière, et au milieu de la plaine, comme un jet d’eau pétrifié, l’arbre piru.
seulement du sang, seulement de la poussière, seulement des foulées de pieds nus sur les épines
seulement des guenilles, un repas d’insectes et la torpeur à midi sous le soleil impie d’un cacique d’or ?
Pas de hennissements de chevaux sur les rives du fleuve, entre les grandes pierres rondes et luisantes,
dans l’eau dormante, sous la verte lumière des feuilles et les cris des hommes et des femmes qui se baignent à l’aube ?
Le dieu-maïs, le dieu-fleur, le dieu-eau, le dieu-sang, la Vierge, ont-ils fui, sont-ils morts, amphores brisées au bord de la source tarie ?
Voici la rage verte et froide et sa queue de lames et de verre taillé, voici le chien et son hurlement de galeux, l’agave taciturne,
le nopal et le candélabre dressés, voici la fleur qui saigne et fait saigner, la fleur, inexorable et tranchante géométrie, délicat instrument de torture,
voici la nuit aux dents longues, au regard effilé, l’invisible silex de la nuit écorchante,
écoute s’entre-choquer les dents, écoute s’entre-broyer les os,
le fémur frapper le tambour de peau humaine, le talon rageur frapper le tambour du cœur, le soleil délirant frapper le tam-tam des tympans,
voici la poussière qui se lève comme un roi fauve et tout se disloque et tangue dans la solitude et s’écroule comme un arbre déraciné, comme une tour qui s’éboule,
voici l’homme qui tombe et se relève et mange de la poussière et se traîne, l’insecte humain qui perfore la pierre et perfore les siècles et ronge la lumière voici la pierre brisée, l’homme brisé, la lumière brisée.
Ouvrir ou fermer les yeux, peu importe ? Châteaux intérieurs qu’incendie la pensée pour qu’un autre plus pur se dresse, flamme fulgurante,
semence de l’image qui croît telle un arbre et fait éclater le crâne, parole en quête de lèvres,
sur l’antique source humaine tombèrent de grandes pierres, des siècles de pierres, des années de dalles, des minutes d’épaisseurs sur la source humaine.
Dis-moi, sécheresse, pierre polie par le temps sans dents, par la faim sans dents, poussière moulue par les dents des siècles, par des siècles de faims,
dis-moi, amphore brisée dans la poussière, dis-moi, la lumière surgit-elle en frottant un os contre un os, un homme contre un homme, une faim contre une faim,
jusqu’à ce que jaillisse l’étincelle, le cri, la parole, jusqu’à ce que sourde l’eau et croisse l’arbre aux larges feuilles turquoise ?
Il faut dormir les yeux ouverts, il faut rêver avec les mains, nous rêvons de vivants rêves de fleuve cherchant sa voie, des rêves de soleil rêvant ses mondes,
il faut rêver à haute voix, chanter jusqu’à ce que le chant prenne racine, tronc, feuillage, oiseaux, astres,
chanter jusqu’à ce que le songe engendre et fasse jaillir de notre flanc l’épine rouge de la résurrection,
Veau de la femme, la source où boire, se regarder, se reconnaître et se reconquérir, la source qui nous parle seule à seule dans la nuit, nous appelle par notre nom, nous donne conscience d’homme,
la source des paroles pour dire moi, toi, lui, nous, sous le grand arbre, vivante statue de la pluie,
pour dire les beaux pronoms et nous reconnaître et être fidèles à nos noms, il faut rêver au-delà, vers la source, il faut ramer des siècles en arrière,
au-delà de l’enfance, au-delà du commencement, au-delà du baptême, abattre les parois entre l’homme et l’homme, rassembler ce qui fut séparé,
la vie et la mort ne sont pas deux mondes, nous sommes une seule tige à deux fleurs jumelles, il faut déterrer la parole perdue, rêver vers l’intérieur et vers l’extérieur,
déchiffrer le tatouage de la nuit, regarder midi face à face et lui arracher son masque,
se baigner dans la lumière solaire, manger des fruits nocturnes, déchiffrer l’écriture de l’astre et celle du fleuve,
se souvenir de ce que disent le sang et la mer, la terre et le corps, revenir au point de départ,
ni dedans, ni dehors, ni en dessus ni en dessous, à la croisée des chemins, où commencent les chemins,
parce que la lumière chante avec une rumeur d’eau, et l’eau avec une rumeur de feuillage,
parce que l’aube est chargée de fruits, le jour et la nuit réconciliés coulent avec la douceur d’un fleuve,
le jour et la nuit se caressent longuement comme un homme et une femme,
comme un seul fleuve immense sous l’arche des siècles coulent les saisons et les hommes,
là-bas, vers le centre vivant de l’origine, au delà de la fin et du commencement.
La joie,
envahie par l’herbe du temps
comme tronc mangé de lierre,
trèfle dans la prairie,
à ajuster mon pas dans les pas d’autrefois,
joie morcelée,
ce chemin mille fois emprunté
qui devient dépossession de soi,
quête illusoire
dans les lieux que portait l’enfance,
des sons,des odeurs,des voix.
Manque le bruit des voix,
des frôlements,des rires,leur soudain éclat
comme au fil du diamant.
Manque le poids des corps et des étreintes
et l’épaisseur des chairs, dense,
leur ombre chaude dévoilant le soleil,
cernant les peurs,les devenirs.
Joies éphémères,
tous les chemins de Rance portent
mes souvenirs,
seul les noie le chatoiement de l’eau
dans la lumière,les mille et un fragments
de son miroir brisé
où la mémoire s’immerge,
un instant pacifiée.
je suis pieds et poings liés à la chanson du pinceau, et j’en oublie les heures, jusqu’à ce que je plonge dans l’oubli des choses, ainsi mon ombre me devance sur la toile ébauchée.
Et chante aussi la rivière sous le pont de pierres…
J’ai confondu ce que j’ai peint avec une journée d’été.
Je dépose la lumière par petites touches , qui se rassemblent contre l’obscurité. Je marche dans une clairière que j’ai inventée , je m’y égare un peu . La futaie change soudain d’aspect sous l’éclairage électrique .
Elle n’a plus cet attrait magique des rideaux de feuilles .
Je continuerai demain marchant dans sentes et chemins :
il y a des couleurs qui s’attardent à la façon de feuilles d’automne Elles sont aussi sur mes mains tachées ; je vais aller me nettoyer puisqu’une journée à peindre vient de s’éteindre
sans bruit , remplacée progressivement par la nuit .
–
RC – juin 2019
– Cette fois, Les rangs sont froids. Le pas des foules Traîne au pied des monuments. L’empreinte d’une histoire Sans autre imagination Qu’un vieux rêve ravivé, Des siècles assassins D’âmes, dans la nuit. Cette fois, La demeure est cernée Des cendres du cauchemar Qui se relève. Incontinence et pollution Aux draps des sueurs. Cette fois, L’ombre va prendre la couleur Où tout se perd, Les chemins et y compris, Le matin.
Quand nous étions le verre qu’on renverse Dans l’averse un cerisier défleuri Le pain rompu la terre sous la herse Ou les noyés qui traversent Paris
Quand nous étions l’herbe ]aune qu’on foule Le blé qu’on pille et le volet qui bat Le chant tari le sanglot dans la foule Quand nous étions le cheval qui tomba
Quand nous étions des étrangers en France Des mendiants sur nos propres chemins Quand nous tendions aux spectres d’espérance La nudité honteuse de nos mains
Alors alors ceux-là qui se levèrent Fût-ce un instant fût-ce aussitôt frappés En plein hiver furent nos primevères Et leur regard eut l’éclair d’une épée
Noël Noël ces aurores furtives Vous ont rendu hommes de peu de foi Le grand amour qui vaut qu’on meure et vive À l’avenir qui rénove autrefois
Oserez-vous ce que leur Décembre ose Mes beaux printemps d’au-delà du danger Rappelez-vous ce lourd parfum des roses Quand luit l’étoile au-dessus des bergers
– Le dos sur le mur, Où les mots glissent, Et rien ne s’accroche A la verticale.
Cette plongée, Au-dessus de laquelle, De multiples oiseaux s’élancent, N’a pas de toit. Elle ne peut pas en avoir, Corrodée, sans relâche Par le va-et-vient des vagues.
La pierre est arrêtée net, Dans son élan .. On imagine mal, à la dureté de la roche, Cette rupture brutale,
D’une partie de paysage, Disparu soudain : Horizontale brisée ; Le basculement dans le vide, Le fracas de la chute, Entraînant bétail, Arbres et chemins.
Il est l’heure maintenant de dormir
ne disparais pas trop vite où je ne peux plus marcher
ne vas pas trop vite où mes pas ne vont plus
ma vie elle n’est rien qu’un peu de ces chansons infirmes
de la cendre soulevée sur nos chemins intérieurs
j’ai dressé mon amour dans cette déchirure
j’ai exhumé le diamant de ces rêves offensés
je suis comme les autres hommes les autres éphémères
qui vont partout se cogner chercher de la lumière
j’habite la nuit je n’ai que la nuit
pour me raconter ce que c’est que de rester en vie
aveugle incertain ignorant
je ne fais qu’errer de lueur en lueur
et lorsque je l’atteins je brûle comme chacun
Entre les façades tristes, et mutiques des rangées d’immeubles, gît une zone indéfinie, et personne ne revendique les marges floues d’un territoire ;
ce lieu de passage, où rien ne semble certain, comme l’oeil étrange d’un étang, habité d’une vie secrète, à quelque distance, sous la vase. Les formes, même celles des plus banales, semblent dériver à force d’abandon, sans se heurter aux certitudes du ciment et du goudron.
Des sentiers hésitants contournent des bosses, évitent des flaques, où courent des nuages gris. Je les empruntais comme des raccourcis, ou bien avec les copains, les jours de désœuvrement.
Des bois morts sont des trophées anciens, où s’accrochent d’anciens pneus de cycles. Des graminées amères se disputent des tas de gravats . Surgissent parfois des pierres taillées, des morceaux de murs bousculés, où se lisent encore des slogans rageurs, et graffiti à moitié effacés .
Ce espace échappe à la géométrie, se rebelle avec le présent, et régurgite de son ventre , des objets, qui y étaient enfouis, lestés de batailles secrètes .
Des objets métalliques dont on ne saurait plus expliquer l’usage, des tesselles de mosaïque aux couleurs vives, et même je me souviens, du crâne d’une vache, aux cornes envahies de mousse .
Ces voyages imprécis, aux abords de la ville, tenaient d’un purgatoire . D’une rumeur entre deux rives : elle confessait la parole d’un passé, pas encore normalisé .
Les parcours capricieux, avaient quelque chose à voir , sans doute, avec l’adolescence. Comme elle, quelques années suffiraient à en interdire l’accès, à le cerner de murs, avant de le transformer, en parking de supermarché.
cirque de rocs. Montbrun, vallée du Tarn, photo perso
–
Je suis sur le fil, d’un tracé invisible.
Il est sous mes pieds, mais abrité d’ombre
Et de terres, croisées sous la coupe de l’hiver.
La mer y a habité, pesé de son poids de vagues
Contourné des falaises et des îles
Déposé son lit de calcaire, sous des ciels de plomb,
Avant que le sol ne penche, et que l’eau ne reflue,
Comme ont reflué les siècles, perdus dans la mémoire du monde…
Je suis sur le fil, d’une rencontre invisible,
Où les pierres se confrontent, les torrents se ruent,
Et les chemins s’enroulent, sur les crêtes de vertiges,
Si nous allons de ce pas, sur la croupe ouverte,
Où la droite, n’a jamais de prise, aux chutes des pentes,
De l’Aubrac aux Cévennes, que parcourent, attentifs,
Beaucoup plus souvent, vautours que goélands,
Au dessus des lèvres ouvertes, des méandres du Tarn…
Ce ne sont pas les amours splendides
Des légendes bretonnes, marquées de la rage des pluies,
– Et des voiles qui claquent,
Au plancher liquide, d’une mer grise,aux promesses de pêche
Mais le territoire, tourmenté de vallées profondes,
> Disputant ses ombres à la rudesse du causse,
Où de fermes de pierre, en vaisseaux désertés
Sont gardés de ruines rocheuses, les lèvres hautaines.
–
en « réponse », à un texte de Xavier Grall
–
ESCALE EN LEON
A Aline
Dans ma mémoire blanche, seules chantent les pierres
de faux poètes ont dit mon pays joliment
je le dirai avec l`effarement de l`hiver
Ah les navrances en décembre des rivières et des moles !
Que ragent les pluies dans les carrières stridentes
que battent les vents dans les rades
que hurlent les toits et les pôles !
Nous irons plus haut que les fades
aurons des fureurs de goélands
dans la mouvance des
chantonneurs de la matière bretonne
rengainez vos guitares
les gabarres sur la mer créent des zones de sang
Dans les masures désertées nous prendrons des femmes cruelles
nous dirons les lèvres amères et les amours splendides
Finistère
Ici commence le monde et la musique du monde
les morts du Chili rêvent dans les villages
et crient
Il y a des Orients rêveurs dans les chaumes pourris
Il y a les loch des océans Pacifiques
Il y a des peuples et des nations dans la prairie
En lissant, du dos de la main,
Un sable blond, – l’interrogation du soleil
Qui s’étale, en grains
Par millions, ni semblables, ni pareils
Et si ceux ci, recouvrent
L’haleine de mon corps
Qui fait racine, puis s’ouvre
En profondeur, de toutes ses pores
C’est un flux de la mémoire
En fouillant dans son ombre
A chercher dans le noir
Qu’aucune lumière n’encombre
Quand tu te penches, elle ressurgit soudain
Aux rayons de tes cheveux dénoués
Et qu’ au dessus de moi, planent tes mains
Porteuses du soleil, d’un désir avoué.
C’est ton regard, que le ciel achemine
Qui réchauffe le mien
Je n’en sais pas l’origine
Mais j’en connais les liens.
Vivre est une aventure,
On s’écarte des chemins tracés
Vers des sentiers peu sûrs
Mais où tu me fais me lancer
Et c’est encore un peu ivre
Encore en titubant
Que je vais te suivre
Emporté vers l’avant
Mes lèvres ont le goût des tiennes
J »ai laissé derrière, l’hiver des pensées
Un nouveau jour m’entraîne
………….. Et je n’ai plus de passé.
Vous me croyez vivant
Je laisse mes yeux ouverts
Je regarde la nuit
Et je sais pour vous plaire
Y poster deux hiboux
Je les poudre d’étoiles
Et les chemins sont fleuves
Entre berges de boue
Je suis là je murmure
Et ces mots vous comprennent
Comme comprend le vent
Ce mélèze où nous sommes
Inondés de fraîcheur
Mais moi je suis ailleurs
Je ne suis pas vivant
Je suis mort et transi
Je ne suis pas ici
Simplement je vous parle
Et vous écoutez sans savoir
Combien ces choses sont lointaines
Combien me font ces feuillages d’ennui
Qui nous dépassent dans la nuit
Et demain seront les traces
De mes pas dans l’autre nuit.
08.02.13