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Linda Maria Baros – La maison en lames de rasoir (extrait) –


Safet Zec – Chemise –

 

Si le linteau de la porte te tranche la tête,
c’est mauvais signe

Je suis née dans la gamelle de la neuvième décennie,
au temps où la maison n’était qu’un mur.
Je viens vers vous du pays des aveugles.
Il y a longtemps, mon œil gauche a coulé
sur les boutons de ma chemise.
Ça fait sept ans que je marche, mon œil droit
dans ma paume droite.
Chez nous, les borgnes faisaient la loi.
Moi, j’ai quitté le pays de l’enfance,
où je pleurais cachée dans le débarras,
sous le lavabo.

Mais j’ai oublié ces histoires qui polissaient
naguère la fausse monnaie de mon délire.
Je ne vous dis qu’une chose : j’y suis arrivée, me voilà.

 

 

La clé fumait dans la porte

Défaire le nœud de la porte n’est pas chose facile.
Faire bouger, même avec un mot,
son bras raide de balance, ses frontières,
remuer le sel qui a poussé à l’entour,
entre les dalles,
comme des pigeons qui s’élèvent
des anciennes tourbières.

(Oh, ça se comprend,
ce sont les pigeons noueux des murs,
tournés à l’envers comme des gants, immobiles.)

Devant la porte, tu dois trouver la tranquillité.
(La petite clé qui pend autour du cou
et que les enfants ont l’habitude de perdre si souvent;
la petite clé à l’aide de laquelle
tu les faisais revenir à la maison.)

Reprendre haleine. Entendre claquer
à l’horizon le bec mécanique de la nuit.

Et te souvenir du loquet cassé. Des marches
qui disaient jadis du bien de toi.
De la clé qui fumait dans la porte.

 

LA MAISON EN LAMES DE RASOIR
CHEYNE ÉDITEUR
 
http://www.lindamariabaros.fr/poemes_de_Linda_Maria_Baros.html  

 


Une sculpture fragile ,une chemise de nuit, et un nuage de dentelles – ( RC )


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peinture:  Anselm Kiefer

 

Sur le socle, une sculpture fragile ,
une chemise de nuit, et un nuage de dentelles.
Elle protège ton corps, hautement inflammable .
Ceci a à voir avec la magie :
tu repousses la pénombre,
celle des fumées, qui ont fini – autodafés –
par fermer le monde d’un couvercle.

Le bitume se fendille, la terre ouvre des crevasses.
Elle a soif.
Les gens ont des robes de béton,
et des voiles noirs
qui pèsent autant que s’effacent les couleurs.
Ils essaient de sauver quelques objets,
ce qu’ils ont pu emporter
sur une charette.

Ils m’ont pris pour l’un des leurs,
car j’avais sous le bras
ton portrait inventé,
dans une chemise de nuit,
et un nuage de dentelles.

RC – mai 2017


Kenneth White – que personne n’aille dire que tu as eu peur du silence


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Nourris le feu allume ta lampe

Sans te soucier du froid ni du noir qui s’en vient
Prends tes bouquins continue tes études

Et que personne n’aille dire que tu as eu peur du silence
Ou qu’à t’apitoyer sur toi-même tu t’es pourri

Les bêtes hurlent à la lune elle les fascine

Mais toi prends-lui sa force et tourne-lui le dos
Et puis écris dans ta propre blancheur

Trace ton propre parcours

Toutes les mues cachées de l’hiver

Laisse la vieille buse jeter sa morve et faire des siennes
De la neige tisse-toi une chemise de flanelle

Avec un pan épais pour te couvrir les fesses

Fais usage de la pluie pour fabriquer ton grog

Et du vent pour tourner les pages de ton livre

La force personnelle peut faire des prodiges
Sans elle le talent n’est rien

Augmente ta vie

Trempe-toi le caractère

Et tire profit à plein de cet hiver

In « En toute candeur »


Compte à rebours, en émois ( RC )


Je  compte  jusqu’à trois,
Je ne sais plus combien de fois,
Peut être que, petite fille,
A cloche-pied, tu t’égosilles,
Sautant de case en case,
Et la jupe s’envole, un peu grivoise
Si tu es prête à l’envol
Dans  ton parasol

Je  compte à rebours,
Au visage  de  l’amour,
Un deux, trois,
Et si nous sommes à l’étroit,
Je vise le ciel,
Il y a plein de soleils,
Avec tes  cheveux  de soie,
Au-dessus de moi.

Je compte sur toi,
Au bout de mes doigts,
Et parcours monts et vallées,
Aux courbes avalées,
Quand la musique  de chambre
Ôte les dernières feuilles de novembre,
Je voyage à pas menus ,dans l’inconnue
Si l’automne laisse ton  parc à nu.

Je compte  en émois,
Aux mois succèdent les tois,
Les vents portent la bise,
Remettons la chemise,
Contre les courants  d’airs,
Je te couvre pour l’hiver,
Tandis que fuient les hirondelles…
>   Te souviens-tu de ta marelle ?

Tu y comptais tes pas,
En moulinant des bras…
Suivant les cheveux libres,
Le corps en équilibre,
Je te regarde,      je t’attends !
Regarde, c’est déjà le printemps,
Maintenant, comme je vascille,
A tes bas en résille,

Viens vite dessiner le bonheur   !
Le dessin de tes mains a la forme d’un coeur…

RC – 27 août 2013


Guy Goffette – Le palier


Photo  Bruno Stevens           Somalie

 

 

Le palier

Le soleil debout dans le vert

avec les troupeaux frais

réapprend pas à pas la rondeur du monde

et l’équilibre au convalescent

qui va sous sa propre chemise.

Main posée sur l’échine des jours

il gravit lentement chaque marche du ciel

jusqu’à ce palier derrière ta nuque

où ce qui est advenu

et ce que tu attends

partagent la même ombre

 

 

Guy Goffette

 


Jean-Claude Pirotte – la fille, le bossu


Extrait du  « Promenoir magique »

art: pierre scandinave VIIIè siècle

 

 

 

 

 

 

à la fille qui lui dit viens

l’homme promet sa chemise

les néons luisent dans le noir

et le filet d’eau du trottoir,

le bossu qui passe en boitant

ne peut jamais se retourner

à cause de sa bosse

et puis aussi du fardeau des années
mais les bossus deviennent rares
les tout derniers sont clandestins

comme dans la chanson

si tu vois un bossu

pense à ton destin