le jardin de mon poème – ( RC )

Reconnaîtrais-tu ce jardin,
maintenant abandonné,
laissé à lui-même
alors que débordent les branches
du saule, que tu as connu
jeune encore, devant la maison?
Les heures de l’hiver
viendront tuer les fleurs,
arracher les feuilles
du chêne encore debout,
mais tu reconnaîtras le jardin de mon poème,
auquel subsistent quelques vers…
Muhamed Kërveshi – Kosova
Kosova
Ta beauté entière gît en nos paroles
Sous nos yeux grands ouverts
l’on déloge les nids de tes oiseaux
Ton ombre entière emplit nos regards
Tu es la longue route de notre maturation
Dans les escaliers de tes kullas le temps
cherchait le visage des jours oubliés
Notre amour entier se coule au fil de tes rues
Mon peuple
Chaque matin je te vois plus imposant que la veille
– tu grandis
De toi j’ai pris forme et apparence
Je t’ai fait don de deux chênes et une fleur
en mai en avril et en mars
Quelle place te crée en lui mon cœur
– à ton âme, à ton amour, à ta chaleur,
dès que je pense à toi
– nos oiseaux m’en ouvrent les fenêtres –
Je me cherche moi-même en ton sein immense
La danse de la flamme va courant autour du foyer
Mon peuple élément vital, principe de fierté
toi seul m’élèves à ta hauteur.
( Muhamed Kërveshi est un auteur du Kosovo, d’où le titre du texte )
Susanne Dereve – Offrande
nécropole rupestre – Abbaye de St Roman – Gard
De charogne ou de cendre le jour où Elle viendra
choisissez un bon bois de chêne, lisse au toucher, robuste et clair,
gardez-moi des vaines offrandes,
ces urnes que les us épandent en sombres paraboles abandonnées au vent,
aux rumeurs infécondes et sourdes du levant
et qu’un bras malhabile se devrait de répandre au-delà du silence
comme on boit le calice âcre de la souffrance
De charogne ou de cendre le jour où Elle viendra
choisissez un carré de terre,
de ce terreau qu’égrainera la pelle d’un ton clair
il faut du temps il faut des fleurs pour oublier
il faut ce marbre uni où poser des œillets
l’herme aux lueurs du soir est plus doux au malheur que ces brumes d’errance le vent a-t-il jamais séché les larmes de douleur
De cendre ou de poussière lorsque le temps viendra
choisissez un bon bois de chêne lisse au toucher, robuste et clair
et dans ce vieux pays de Rance enterrez-moi près de mon père.
–
suivi de ma « réponse »
Quel que soit le carré de terre,
que des pelles viendront blesser
la pierre ou le marbre,
l’ombre des cyprès,
les noeuds de leurs racines,
auprès de toi,
Quel que soit le vent,
qui répandra les cendres,
comme autant de paroles vaines,
et aussi les fleurs
qui meurent, de même,
dans leur vase,
Il y aura un temps pour oublier,
lorsque les mousses
auront reconquis la pierre gravée,
les pluies effacé les lettres :
– même la douleur
ne peut prétendre à l’éternité .
Que l’on enterre une princesse
avec ses bijoux,
et toutes ses parures,
ne la fait pas voyager plus vite
sur le bateau
de l’au-delà…
Ce qu’il en reste
après quelques siècles :
> quelques offrandes,
et des os blanchis
ne nous rendent pas sa parole
et le ton de sa voix.
A se dissoudre complètement
dans l’infini,
c’est encore modestie :
– On pourra dire « elle a été » -,
mais le temps du souvenir,
se porte seulement dans le coeur des vivants .
–
RC
:
F-R de Chateaubriand – les chasseurs ( de Atala )
Les chasseurs (fragment)
Chaque soir nous allumions un grand feu et nous bâtissions la hutte du voyage,
avec une écorce élevée sur quatre piquets. Si j’avais tué une dinde sauvage, un ramier,
un faisan des bois, nous le suspendions devant le chêne embrasé, au bout d’une gaule
plantée en terre, et nous abandonnions au vent le soin de tourner la proie du chasseur.
Nous mangions des mousses appelées tripes de roche, des écorces sucrées de bouleau,
et des pommes de mai, qui ont le goût de la pêche et de la framboise.
Le noyer noir, l’érable,le sumac, fournissaient le vin à notre table.
Quelquefois j’allais chercher parmi les roseaux une plante,
dont la fleur allongée en cornet contenait un verre de la plus pure rosée.
Nous bénissions la Providence ou sur la faible tige d’une fleur avait placé cette source limpide au milieu des marais corrompus, comme elle a mis l’espérance au fond des cœurs ulcérés par le chagrin comme elle a fait jaillir la vertu du sein des misères de la vie.
François-René de CHATEAUBRIAND
« Atala »
Cécile Odartchenko – Tour de jardin –
extrait de Carnets (Les Moments littéraires, n° 26, 2ème semestre 2011).
Tour de jardin : admiration des pousses de bambous, découverte d’un petit chêne (j’avais planté un gland) et admiration de mon petit palmier.
Les feuilles en éventail ou jupe plissée, les nouvelles feuilles, se tiennent raides en faisceau au centre, c’est magnifique et égyptien, donne envie d’avoir aussi des plantes aquatiques qui ont ce port très fier et très haute couture.
Peut-être proches, parce que les tiges raides et le feuillage précieux, les ancolies doubles, violettes à gauche et rose ancien à droite, elles, ont au moins neuf rangées de pétales, des étamines jaunes au centré de cette houppette penchée vers la terre comme pour les cacher.
Mais le feuillage poilu des pavots d’Orient n’est pas en reste. Des poils dessus et dessous et chaque pointe terminée par une minuscule perle jaune.
Le bouton caché au centre est poilu aussi et ressemble à un gland de sexe masculin. Il en a la grosseur. Que de feuilles pour une seule fleur ! Pourquoi tant de poils ? Est-ce pour protéger la fleur flamboyante, une des plus grosses, des plus luxueuses, mais aussi peut-être des plus fragiles ?
Entre deux pavots, des touffes de grandes marguerites.
Les feuilles ont Pair dures et drues à l’œil, mais sont douces au toucher et bien lisses.
Elles ont un peu de poil très ras et argenté que l’on ne peut voir que sous un certain angle.
II y aura de belles touffes de marguerites un peu partout cette année. Sorties de belles plantes en automne, il y a des petites fleurs blanches que je ne connais pas encore très bien.
Des digitales un peu plus loin sont en train de monter et vont fleurir dans une ou deux semaines.
Une transformation étonnante s’est produite dans mon propre corps, occupé par cette question passionnante. Je suis tout à coup (après avoir été consulter mon dictionnaire botanique sur le divan, après avoir déterré et enterré à nouveau la graine de tamarinier, et après avoir regardé à la loupe la plantule de l’avocat) comme transformée, secouée, réveillée, plus d’impression de chaleur et de combustion lente, mais, au contraire, impression d’être oxygénée comme après la marche ou l’amour.
L’intérêt très vif, pour mes plantes, une sorte de passion qui crée une excitation passagère favorisant tous les échanges vitaux de la plante que je suis.
Étonnant vraiment !
Je respire profondément. Un très léger souffle de brise agite un peu les branches que je regarde, comme si elles me faisaient un signe de sympathie.
Aliette Audra – N’envoyez pas de lettres
–
N’envoyez pas de lettres
N’envoyez plus de lettres, seulement des feuilles
D’arbres, que le soleil détache ou le vent cueille
Ou l’automne abat et dépose entre vos mains.
Je ne les recevrai jamais le lendemain,
Mais j’ai depuis toujours l’habitude d’attendre
Et mon cœur, de veiller, n’en sera pas moins tendre.
Vous ne pourrez, c’est vrai, rien écrire dessus,
Cependant je lirai comme si j’avais su
Les paroles que vous formulez dans votre âme
Tant vos rêves pour moi ont l’éclat de la flamme.
Choisissez les couleurs suivant le ton des jours ;
Que la feuille soit fraîche si le ciel est lourd,
Et d’un vert bien profond si le ciel est trop pâle.
Qu’elle soit de chêne et blonde comme le hâle
Au front d’un bel enfant, quand s’achève l’été,
Et lorsque vient Novembre, afin de refléter
Ce qu’il ensevelit et ce qu’il remémore
Veuillez me cueillir une feuille au sycomore.
(Mais qu’elle soit de hêtre, d’aulne ou d’olivier,
que m’importe après tout pourvu que vous viviez !)
Et si, dans le futur, un jour Dieu vous propose
Par hasard le bonheur, pour me dire la chose
Envoyez simplement une feuille de rose.
Aliette Audra
(Paris, 1897 – Lausanne, 1962)
la juste place ( RC )
Toni Grand , Double colonne, 1982, bois et polyester stratifié, Ctre G. Pompidou, Paris
A sa place, à sa juste place.
C’est ce que nous nous disions, de ce grand corps silencieux, de ce grand corps exposé au vent..
Chacun à son tour, nous nous glissions, – pensant passer inaperçus – près de lui, sous son ombre dense, et nous l’étreignions,
– enfin, ce que nous pouvions, –
une portion de sa masse cylindrique dressée,
la tête contre l’écorce,
l’odeur du bruissement de la sève,
le murmure changeant du vent dans la ramée…
et la caresse lente des feuilles portées par l’automne,
Elle formait à nos pieds cet épais tapis d’ors et de bruns…
Ses membres puissants suspendus, bien au-dessus de nos têtes,
mais aussi à nos pieds, couverts de mousse.
A sa place, sa juste place..
Maintenant, après la tempête, témoin , pour ceux qui ont pu résister ,
le royaume du grand chêne, n’est plus le même…
A sa place, sa juste place, il y a un grand vide.
Mais le tronc seul , redressé sur place, se délitant peu à peu,
restant , en un signe, la sculpture d’un espace
règne , massif, sur la place, sa juste place…
RC – 26 septembre 2012
NéO – Gardien et solitaire
Drenagoram, dans son écho du Krapo, » rend hommage » au monde végétal,
et en particulier aux arbres, perçus sous de multiples facettes, voir son blog, et ses réponses poétiques en commentaires
Gardiens des Hôtes en Bord de Mère ,
Ce Solitaire est Plein de Vie ,
La Paix des Âmes Reposent en Terre ,
Son Charme Opère au Cours des Nuits.
~
Après l’If tous en Chêne ,
Temps sous l’Arbre va de Liens ,
Et sa Course nous Entraine ,
Aux Racines d’un Même Monde ,
~
Deux Anciens portent Hauts Règnes ,
Le Couvert à la Ronde ,
Sous les Feuilles l’Une est Sienne ,
Ses Racines Bien Profondes.
~
Son Ecorce Vénérable ,
Accueille l’Autre tout à Fleur ,
Conte Histoires et Sages Fables ,
Son Regard Perce à Coeur.
~
NéO~
—
et comme je viens de découvrir les photos de Bibi Broderick, artiste canadien,, j’insère une de ses créations, là les arbres ne sont pas solitaires ( mais isolés par le béton), mais là lumière répercutée par les immeubles, produit des effets surprenants, qu’accentuent le graphisme des ombres au sol. Bibi Broderick fait l’objet d’un post, sur ses photos
–
cet hiver à venir qui se cache (RC)
En écho à Nath ( bleupourpre)…. et ma réponse sur L’aveu de l’hiver sera assez tôt…
Et cet hiver à venir qui se cache
Soies et cachemires sont à broder
Aux feuilles et racines par l’été érodées
La lumière jaillissante enlacée
Tables paillardes agacées
Accordéons et fêtes en cours
Aux gibiers ruisselants, chasse à courre
L’après-midi digeste de la cuisine des dieux
Porte les plateaux ocres jusque vers les cieux
En attendant des temps moins cléments
Des outrages d’orage, et vents déments
D’un engourdissement allant vers l’oubli
Sous le froid latent des montagnes et des plis.
—–
Et la patience des pins restés debout
Encapuchonnés de blanc sur le vert, marabouts
Et l’obstination à ne pas faire deuil
Du chêne blanc, à ses feuilles
Se déroulent sur le causse les saisons
Dont on attend l’improbable horizon
Sous la marche forcée des nuages
Cachant de l’hiver, le vrai visage