Imagiers de pierre – ( RC )

frise romane Lucques (Italie)
Les imagiers de pierre
nous content les oiseaux :
colombes et corbeaux
des légendes historiées .
Nous ne connaissons plus les temps d’avant
aux côté d’êtres imaginaires,
des monstres aux dents acérées,
assoiffés de sang,
qui peupleraient l’enfer.
On rêverait plutôt aux princesses
et aux reines,
qu’au destin des ânesses.
Confie-toi plutôt aux sirènes
à queue divisée
que voisinent les héros
montés sur les chevaux
dans une autre scène.
C’est un livre ouvert
qui nous étonne,
en haut de chaque colonne,
et presque un millénaire,
traverse les âges :
immobile voyage
du bestiaire de pierre.
Pierre Seghers – entre les mailles des buissons

photographe non identifié
Entre les mailles des buissons
Pris à la nasse d’eau des sources
Il vécut dans la fosse aux ours.
O le temps des maisons du vent
Il a campé sur l’océan
Il a mangé le pain des vagues,
Il but l’hiver avec l’été
Le chien de peur à son côté
Le ciel a rongé son visage.
Tous les paluds ont la vérole
Il eût fallu tant de parole
Pour proclamer ce qu’il savait
Que dans le vent, la boue, la colle
Il traînait des semelles folles
De silence et de vérité.
Quand les marais perdaient sa trace
Il était l’hôte de l’espace
Il mâchait l’herbe et le roseau.
Et sur les routes de Décembre
Il brûlait de gel et d’attendre
Le dernier des quatre chevaux
Marina Tsvetaieva – le plus grand des mensonges

Je te conterai le plus grand des mensonges
Je conterai pour toi le soir qui tombe et l’ombre.
Les feuilles vertes et les vieilles souches
Et les lumières éteintes et rien ne bouge.
Venu de loin, un homme, sa flûte en main,
Jeune, assis, nu, il joue sans fin.
La grande tromperie je conterai,
La lame perfide dans la main
Le trou brûlant de la lame en mon sein
Et de tes femmes les boucles blondes,
Et le sourire de tes enfants.
Et des vieillards le menton blanc.
Je te conterai le plus grand des fracas
Le tumulte sonore de mon siècle, le fer
Du galop des chevaux contre les pierres.
-extrait des « écrits de Vanves » 1917
Appelle-moi encore – (Susanne Derève) –

Contre un tas de bois mort, brise indolente, abri silencieux, voix. Voix qui m’appelle a fait fuir le lézard et la mésange. N’épelle pas mon nom usé. La terre porte un mirage d’eaux neuves, de printemps. Des chevaux captifs renversent le fil acéré des enclos. Les drailles à l’horizon cheminent vers le ciel, et franchi le ciel vers l’échine argentée du vent, le pelage ras des Causses hérissé de lavandes, l’étrangeté des pierres dressées. Déjà, le soir s’enferre au creux des combes, l’ombre violette des futaies se déploie et s’allonge, tout ce que le jour portait de douceur et de fièvre bascule puis se fige dans le premier battement d’aile de la nuit. Appelle-moi encore, et je te rejoindrai.
F-J Temple – Haute plage

à Richard Aldington
Ombres des vieux soleils couchés
ainsi vont les chevaux sur les rivages
comme des âmes dans la nuit.
.
Tel est le souvenir effacé par les vagues
où le phare debout veille au désert du vent.
.
En ce temps-là familier des centaures
seule une voix parlait dans le palus :
le dieu-butor aux étoiles rêvait
sur un empire aux couronnes de sel.
.
Nous voici désormais condamnés aux mirages
à l’herbe amère des anciens jours.
.
Pâle une lune morte se souvient.
.
.
Foghorn
Editions Grasset
Justo Jorge Padron – la visite de la mer

Sur l’oxydation verte des rochers
je me réserve, je le sais, une merveille.
l’eau en images va et vient.
Son écume bâtit des temples diaphanes.
Des régions de diamants
éclatent miettes dures contre le basalte noir
laissant la brise constellée
d’amandiers neigeux et tremblants.
Leurs émaux à peine tournoient
dans le miroir prodigue du soleil
et retournent à l’eau comme pluie fourvoyée.
Reviennent les chevaux en incessants suicides.
Formant une unité parfaite. Un voisinage.
Une haleine les guide, cristalline,
qui s’avance vers moi, ailée et majestueuse.
Toutes couleurs se découvrant elle me dit :
“Moi aussi je t’attendais.
Prenons le temps de nous parler,
mais d’abord rêve et vis pour moi cette journée, la tienne,
chez les hommes… ”
Jean-Paul Toulet – chevaux de bois

A Pau, les foires Saint-Martin,
C’est à la Haute Plante.
Des poulains, crinière volante,
Virent dans le crottin.
Là-bas, c’est une autre entreprise.
Les chevaux sont en bois,
L’orgue enrhumé comme un hautbois,
Zo’ sur un bai cerise.
Le soir tombe. Elle dit : Merci,
Pour la bonne journée !
Mais j’ai la tête bien tournée…
Ah, Zo’ : la jambe aussi.
José Carreira Andrade – Biographie à l’usage des oiseaux
peinture-collage issue du site Wallhere
La rose se mourait au siècle où je naquis,
et la machine avait chassé trop tôt les anges.
Quito voyait passer la dernière diligence
parmi les arbres qui couraient en lignes droites,
les clôtures et les maisons des nouvelles paroisses,
au seuil des champs
où de lentes vaches ruminaient le silence
et le vent éperonnait ses plus légers chevaux.
Vêtue du couchant, ma mère gardait
au fond d’une guitare sa jeunesse
et parfois le soir la montrait à ses fils,
l’entourant de musique, de lumière, de paroles.
J’aimais l’hydrographie de la pluie,
les puces jaunes du pommier
et les crapauds agitant deux ou trois fois
leur lourd grelot de bois.
La grande voile de l’air sans cesse se mouvait.
La Cordillère était du ciel la vaste plage.
La tempête venait et quand battait le tambour,
ses régiments mouillés chargeaient ;
alors le soleil, de ses patrouilles d’or,
ramenait sur les champs une paix transparente.
Je voyais les hommes baiser l’orge sur la terre,
des cavaliers s’engloutir dans le ciel,
et descendre à la côte aux parfums de mangos
les lourds wagons des mugissants troupeaux.
La vallée était là avec ses grandes fermes
où le matin laissait couler le chant des coqs
et onduler à l’ouest une moisson de cannes
ainsi qu’une bannière pacifique;
le cacao gardait dans un étui sa secrète fortune,
l’ananas revêtait sa cuirasse odorante
et la banane nue, une robe de soie.
Tout est passé déjà en houles successives,
comme les chiffres vains d’une légère écume.
Les années vont sans hâte confondant leurs lichens;
le souvenir n’est plus qu’un nénuphar
qui montre entre deux eaux son visage de noyé.
La guitare est solitaire cercueil de chansons
et le coq blessé à la tête longtemps se lamente.
Tous les anges terrestres ont émigré,
jusqu’à l’ange brun du cacao.
JORGE CARRERA Traduit par Edmond Vandercammen
Côté ombre – ( échos de textes SD – RC )
( ces textes sont visibles dans la partie » ping-pong )
photo Jerry Uelsman
—
COTE OMBRE
J’ai fait les cent pas sur le parvis
côté ombre
À même le pavé
la gitane a suivi les lignes de ma main
mais elles étaient brouillées
De l’autre côté des pierres
Notre-Dame de la Mer
écrasée de soleil, déserte,
s’endormait
Dans le silence
d’un plein après-midi d’été
Non, tu ne viendras plus
mais j’attendrai le soir
J’attendrai les chanteurs,
le timbre des guitares
le son rauque et cassé de ces mélopées lentes
qui disent le départ
et le prix de l’errance
– la gitane dénoue les pans d’un fichu vert
un enfant fait la manche –
Demain j’irai revoir la mer
la mer et les étangs
la robe claire des chevaux
et l’éclat de corail des flamants
comme des perles ébouriffées
qu’aurait éparpillées le vent
sur l’eau
J’irai dire un adieu à Arles la romaine
Fouler aux pieds les Alyscamps
Comme Toulet au bord des tombes
Eprouver le poids du passé
Avant que le jour ne s’effondre
Et oublier
SD
C’est la faute des pierres .
Elles ont attendu si longtemps,
alignées au bord des allées,
que même les inscriptions,
se sont effacées
assistant, immobiles, à la fusion des jours:
peut-être n’avaient-elles
plus rien à dire et ont suivi
le chemin des montagnes altières,
un souvenir des Alpes lointaines .
Ses rochers se sont écartés
pour laisser passer le mistral .
Le vent est toujours là, où tu l’a laissé,
les flamants roses sont comme des fleurs
posées sur les étangs,
mais on ne sait pas si ce sont les mêmes,
ou d’autres générations venues
sur les étangs de Camargue .
Tu trouves toujours aux Saintes-Maries,
une gitane prête à te dire ton destin,
dans les lignes de la main .
Mais tu ne sais pas la reconnaître.
Et d’ailleurs, si tu lui confiais ta paume ,
elle trouverait ces lignes effacées.
Et ce seraient comme ces pierres,
qui ont attendu si longtemps,
qu’elles ont fini par s’éroder,
se dissoudre :
dans le liquide du temps,
et le poids du passé .
–
RC
Étaient-ce des perles ou des fleurs
déposées par le vent
Je restais les observer des heures
Ils quittaient l’eau parfois
abandonnant leur fragile élégance
pour prendre leur envol
Et lorsqu’ils déployaient leurs ailes
ce n’était pas tant la fulgurance
du corail que ces rémiges noires
qui signifiaient tout à coup leur puissance
Arles déchue Arles des pierres dissoutes
de langueur et d’oubli
les arènes sont vides
la roche friable sous mes doigts
– j’en garde
un peu de la poussière au creux des ongles-
sur les gradins il n’y aura pas d’ombre
Mais au-delà des murs, échappée du regard,
j’aperçois la douce respiration de la ville
le soleil fléchit contre les toits de tuiles
Le temps devient cet or liquide
sans passé ni présent
le temps a la lourdeur des pierres
immobiles
SD Février 2018
J’ai fait les cent pas sur le parvis
côté ombre,
et tu n’es pas venue.
J’ai pourtant attendu longtemps.
Peut-être je n’aurais pas dû
acheter des fleurs ce matin.
Elles courbent déjà la tête,
et désespèrent de te voir,
à mesure
que le soleil
grignote un peu plus de la place .
Mais je suis resté,
assis sur un banc, désoeuvré,
et du square me parviennent les cris des enfants.
Je me suis occupé à compter les pavés.
Il y en avait beaucoup sur la place
autour des maigres platanes
que l’on y avait plantés.
Beaucoup, mais pas tant,
que ces minutes qui n’en finissent pas.
Elles s’étirent en un long soupir.
L’après-midi s’est prolongé,
c’était l’été et la lumière s’est attardée
jusqu’à la fermeture des boutiques.
Non, tu ne viendras plus.
Je le sais maintenant,
et les fleurs sont fanées.
Mais je reviendrai demain.
Il y aura des musiciens
qui accompagneront mes pensées.
Celles qui disent les exils volontaires,
l’incertitude de l’errance ,
et les lueurs de l’espoir.
Demain, quand tu seras là
je te tiendrai par le bras,
et nous irons revoir la mer
La robe claire des chevaux ,
et ton regard aura l’éclat
de la nuit , où le jour commence à poindre…
Nous éviterons les paroles inutiles,
que le vent aurait éparpillées ;
tu te contenteras d’être là.
Et ce sera la joie,
quand tu reviendras
.. mettre un terme à l’incertitude…
RC
Tu étais là, sur le parvis
côté ombre
et je t’ai reconnu même avant de te voir
Tu attendais sur le vieux banc de pierre
avec cet air d’éternel enfant
– celui sans doute qui m’avait fait revenir
sur mes pas une dernière fois
en te cherchant-
– Notre Dame de la mer –
Qu’attendais-tu, indifférent
a ce qui t’entourait
au timbre des guitares
aux gamins qui mendiaient à même le pavé
Il m’a semblé qu’une gitane en robe noire
lisait les lignes de ta main
T’a-t-elle parlé de moi ?
Je sais que j’ai couru vers toi que j’ai crié
que tu m’as serrée dans tes bras
et je suis si légère, t’en souviens-tu,
que tu m’as fait tourner, tourner sans fin
jusqu’au vertige
Si haut qu’au-delà du fronton de l’église
j’ai vu le soleil basculer ricocher
dans tes yeux
La place en est soudain devenue trop étroite …
Il me fallait le ciel entier côté lumière,
Il me fallait la mer au-delà de ces digues
qui ferment l’horizon sous le pas des chevaux,
au-delà des étangs, au-delà des roseaux
lequel entrainait l’autre, le sais-tu ?
Il me semble que tu m’as portée jusqu’à la mer
en chuchotant à mon oreille des mots
que le vent étouffait
Ou bien était-ce le vent lui-même qui murmurait
Qu’importe je te retrouvais
SD
Jean Tardieu – Le cow-boy et les voleurs
action picture : Andy Warhol
Ces huit voleurs de chevaux
Sont surpris un peu trop tôt
Par le cow-boy Hippolyte ,
Huit fois un huit.
Ils s’enfuient, et chacun d’eux
Tire sur lui deux coups de feu .
Quel vacarme ! Quelle fournaise !
Huit fois deux, seize.
.Mais ils ne peuvent l’abattre,
Huit fois trois, vingt-quatre .
Alors, il lance sur eux,
Huit fois quatre, trente-deux,
Son lasso, de corde puissante,
Huit fois cinq, quarante.
Et les entraîne à sa suite
Huit fois six, quarante-huit.
Sur son passage, on applaudit,
Huit fois sept, cinquante-six .
On entend les tambours battre,
Huit fois huit soixante-quatre .
Tous les enfants sont à ses trousses,
Huit fois neuf, soixante-douze,
En triomphateur il revient,
Huit fois dix, quatre-vingt .
J Tardieu
… d’un rêve en couleurs, comme un tableau de Chagall – ( RC )
peinture: Marc Chagall
Il y a trois chevaux courant dans le ciel,
ils marchent sur des nuages et boivent le vent .
Il y en a un vert, un rouge , un jaune.
Ils galopent au-dessus de la ville.
La tête à l’envers sur le quai de la gare,
les sons et les parfums tournent dans l’air du soir ;
la galaxie est toute proche .
Tu pourrais presque toucher les étoiles.
C’est comme dans un tableau de Chagall .
Un violoniste joue sans partition
de vieux airs yiddish
avec un accordéoniste .
C’est un mouvement de danse
qui t’entraîne au-dessus des toits.
Cette mélodie t’appelle ….
… – d’un rêve en couleurs tu te rajoutes des ailes.
–
RC – mars 2018
le prunier touchera bientôt terre – ( RC )
peinture : Piet Mondrian
Les nuages ruent
à la façon de chevaux se cabrant
sur le soir qui s’en va
et se brodent d’or.
Si c’est l’agonie du jour
et le vent debout
tout semble se confondre
dans des bribes d’histoire
comme des photos
virant au sépia
les oiseaux décrochés
d’un ciel en grumeaux.
L’herbe ici; venue en premier plan
importe plus que les murailles
de la ville et les néons
clignotant .
C’est une question de mise au point
le proche et le lointain
ne se mettent pas d’accord
— peut-être le photographe
a regardé au plus près
le jardin
qui se laisse aller .
Les buissons ont débordé
sur les allées
les lourds arrosoirs
ont cessé leur ballet
à la mort du grand-père
le prunier mal taillé
s’est penché pour soupirer
sous les premières pluies d’automne ;
il touchera bientôt terre.
–
RC – août 2017
Guy Goffette – Famine
Certains dimanches d’été, le ciel descend sur terre et tire au cordeau des routes pour les familles sans auto, les chevaux sans maître, les filles gommées des calepins.Sans bouger, chacun voyage à son rythme dans un pays rendu d’avance, jusqu’à ce que, le soir tombant, il faille se lever, rentrer le banc qui fraîchit, passer la barrière, le seuil, le jeu des ombres, son propre corps et retrouver enfin son visage dans la glace comme cette toile depuis des siècles dans la chambre du peintre.
Le comptable a fermé le dernier guichet tiré la grille et peut-être un instant pensé à devenir voleur, à céder au poids de la clé brûlante dans la poche tandis que le soleil aux plis de sa nuque verse la rouille des jours perdus à supputer la chance d’une fenêtre dans ces visages minés à contre-jour par la pioche infatigable du temps
Les villages de schiste sombre et froid laissent courir aussi des filles aux lèvres peintes et souvent le poing des vieux laboureurs s’écrase sur la table de l’unique bistrot élargissant d’un coup l’espace de l’attente où la lumière se rassemble, frileuse et comme prise au piège d’une lampe
mais il est midi à peine et dans la rue un chat guette une proie que personne ne voit
Derrière la haie le poste à transistors susurre le cauchemar de l’Histoire tandis que l’homme au bras huileux fend à la hache un bois récalcitrant dont le sang atteint le ciel au menton comme s’il voulait porter à notre place la croix alourdie du présent
La maison à veilleuse rouge dans l’impasse tu attendais de grandir, le cœur et les doigts tachés d’encre pour y chercher des roses
A présent qu’une route à quatre bandes la traverse tu es entré toi aussi sans savoir dans la file qui fait reculer l’horizon où cet enfant t’appelle qui n’a pas pu grandir portant jour après jour en ses mains sombres le bouquet rouge au fond du ciel que tu n’as pas cueilli
Comme le visage à vif du boxeur aveugle après la troisième chute tu n’entends plus les coups mais ton cœur entre ciel et terre qui répète sans se tromper le nombre exact
Le soir qui tombe sur tes épaules enfonce les clous un peu plus bas
Minée par quelle mer la ville puisque les taupes n’y harcèlent pas le printemps sans racines
Peut-être est-il venu le temps de croire que Jonas est vraiment sorti de la baleine et que c’est lui ce vide au carrefour que tous rejettent en accélérant
Les yeux jaunes des voitures le soir tu les voyais déjà, enfant détourer le pied des immeubles et tu faisais pareil à table avec la mer et les ciseaux dorés ajustant patiemment sous la lampe l’image à sa légende obscure.
A présent tu sais lire et tiens ferme la barre de ta fenêtre sur le monde où les immeubles s’écroulent l’un après l’autre dans l’incendie découvrant peu à peu la ligne sous laquelle il te faudra descendre descendre encore, paupières closes, pour joindre les bords extrêmes de ta vie.
peinture edw Hopper
Lui qui avance les mains nues les paupières scellées sur la scène déserte et sous les projecteurs le temps ne l’arrête pas ni le vide, il marche depuis des siècles vers un mur connu de lui seul comme l’arbre qu’un ciel obstiné tire vers l’horizon et s’il s’écarte parfois c’est pour laisser à sa place une fenêtre ouverte où quelqu’un appelle invisible et chacun croit l’entendre dans sa langue
La nuit peut bien fermer la mer dans les miroirs : les fêtes sont finies le sang seul continue de mûrir dans l’ombre qui arrondit la terre comme ce grain de raisin noir oublié dans la chambre de l’œil qu’un aigle déchirant la toile enfonce dans la gorge du temps
La nuit a volé son unique lampe à la cuisine piégé dans la vitre celui qui se tait debout dans la tourbe des mots
Il brûle à feu très doux l’obscure enveloppe du silence (comme ces collines sous la cendre réchauffent l’aube de leur mufle) et pour la première fois peut-être son visage d’ombre est toute la lumière et parle pour lui seul.
Un peu du plâtras des murs rien qu’un peu et rendre à la jeune putain son sourire de vierge
(Aimer ô l’infinitif amer dans la nuit des statues et dans le jour qu’écorchent les bouchers)
Visage impossible à saisir avec ce ciel collé au bout des doigts quand la femme unique sur toutes les fenêtres aveugles de la terre roule des hanches et passe .
Ce peu de mots ajustés aux choses de toujours ce questionnement sans fin des gosses dans la journée ces silences plus longs maintenant, à l’approche du soir comme le soleil traversant la chambre vide sur des patins,
tout cela qui se perd entre les lames du parquet, les pas, les rides a fini par tisser la toile inaccessible qui drape chacun des gestes du vieux couple lui donne cet air absent des statues prenant le frais dans la cour du musée
et nul ne voit leurs ombres se confondre enjamber le haut mur du temps mais seulement l’échelle aux pieds de la nuit l’échelle sans barreaux ni montants d’une vie petite arrivée à son terme.
Justo Jorge Padrôn – Origine de l’étonnement
sculpture grecque : tête d’Aphrodite
ORIGINE DE L’ÉTONNEMENT
Je la désirais belle comme une hache.
Aussi ferme que le silex
pour être orgueil et force que rien n‘ébranle, l’imaginais toujours apparaissant
quand je la pressentais dans la sérénité,
Combien d’années me fallut-il pour m’exercer
à l’habitude étrange d’une étrange attente?
Elle était là soudain étendue dans les feuilles.
Vivante, Inhabitée,
seule comme à l’origine des temps.
J’ai entendu son cœur qui blessait l’air
et tintait dans mes veines au point ou presque de faire éclater
la peau entière de mes rêves.
Et j’ai glissé mes lèvres sur son corps devenu lèvres,
Sans réussir pourtant à la réveiller,
J’ai supplié devant la nuit,
Seul le délire du silence grandissait.
Je suis tombé auprès d’elle, épuisé, vaincu,
dans une somnolence d’ombres j’entendais
un fracas de sabots croiser la plaine froide.
Du coeur des nuages, de la rose des vents,
des mers limpides et corallines,
du fond des bois d’étoiles parfumés,
de l’obscurité indomptée,
resplendissants, libres, splendides,
galopaient vers moi les chevaux,
J’ai, pour les apaiser, éteint leurs crins,
J’ai noué leurs longues queues à ce corps endormi
et dans son sexe d’ombre allumé un brasier,
Le feu de l’inquiétude à nouveau a brûlé,
le désir de vertige des chevaux,
Et chacun, invoquant ses origines,
a pris le chemin de son destin d’eaux,
leur fougue était si grande qu’ils ont,
lentement, en déployant leurs queues,
réveillé ce corps svelte.
Et tel un arbre de lumière,
telle une fontaine en sa nudité
ou comme une femme unique dressée face au soleil
pour la première fois s’est mise debout
ma parole.
Rafales d’ailes, mains négatives – ( RC )
–
Rafales d’ailes, froissant les airs.
Aquarelle délavée où serpente une fumée…
Un instant fugitif, promis à l’oubli.
Une peinture dans l’obscur,
L’intimité close, de la grotte,
Des chevaux superposés, galopent .
Les millénaires s’entassent .
La mouvance des airs,
passe en surfaces.
Une peinture dans l’obscur,
Et le geste de l’homme, déposé ,
Celui marquant la présence.
Message des mains négatives,
Empreintes,
Charbons de bois.
–
RC – mai 2015
Jules Supervielle – les chevaux du temps
Quand les chevaux du Temps s’arrêtent à ma porte
J’hésite un peu toujours à les regarder boire
Puisque c’est de mon sang qu’ils étanchent leur soif.
Ils tournent vers ma face un oeil reconnaissant
Pendant que leurs longs traits m’emplissent de faiblesse
Et me laissent si las, si seul et décevant
Qu’une nuit passagère envahit mes paupières
Et qu’il me faut soudain refaire en moi des forces
Pour qu’un jour où viendrait l’attelage assoiffé
Je puisse encore vivre et les désaltérer.
Salvatore Quasimodo – Chevaux de la lune et des volcans

peinture: Giorgio de Chirico 1928
–
CHEVAUX DE LA LUNE ET DES VOLCANS
à ma fille
Îles que j’ai habitées
vertes sur des mers immobiles.
D’algues sèches et de fossiles marins
les plages où galopent fous d’amour
les chevaux de la lune et des volcans.
Au moment des secousses,
les feuilles, les grues assaillent l’air :
dans la lumière des alluvions
brillent des ciels chargés ouverts aux astres ;
les colombes s’envolent
des épaules nues des enfants.
Ici finit la terre :
avec de la sueur et du sang
je me construis une prison.
Pour toi je devrais me jeter
aux pieds des puissants,
adoucir mon cœur de brigand.
Mais traqué par les hommes
je suis encore en plein dans l’éclair,
enfant aux mains ouvertes,
aux rives des arbres et des fleuves :
ici l’anatomie féconde de l’oranger grec
pour les noces des dieux.
—
CAVALLI DI LUNA E DI VULCANI
al la figlia
Isole che ho abitato
verdi su mari immobili.
D’alghe arse, di fossili marini
le spiagge ove corrono in amore
cavalli di luna e di vulcani.
Nel tempo delle frane,
le foglie, le gru assalgono l’aria :
in lume d’alluvione splendono
cieli densi aperti agli stellati ;
le colombe volano
dalle spalle nude dei fanciulli.
Qui finita è la terra :
con fatica e con sangue
mi faccio una prigione.
Per te dovrò gettarmi
ai piedi dei potenti,
addolcire il mio cuore di predone.
Ma cacciato dagli uomini,
nel fulmine di luce ancora giaccio
infante a mani aperte,
a rive d’alberi e fiumi:
ivi la latomia d’arancio greco
feconda per gli imenei dei numi.
–
Dylan Thomas – La colline des fougères
Fernhill
(la colline des fougères)
Insouciant sous les pommiers en fleurs
Jadis, Je fus un enfant
Heureux car l’herbe était verte
Auprès de la maison joyeuse
Et la nuit recouvrait le vallon étoilé…
Ô temps, laisse-moi regrimper pour saluer toutes choses
Et recouvrer, glorieux, l’âge d’or de mon regard
Quand les chariots étaient carrosses
Et les pommeraies villes dont j’étais prince
Et que jadis, avant le commencement du temps,
Je gouvernais les arbres et les feuilles
Et suivais, dans les rivières de la clarté,
Le sillage des épis et des marguerites.
Jeune pousse verdoyante, célèbre dans les granges,
M’approchant de ma ferme et de ma cour joyeuse,
je chantais.
j’allais dans le soleil qui n’est jeune qu’une fois.
Ô temps, que je rayonne sur le chemin de grâce,
Chasseur et puis berger, vêtu d’or et de vert.
Les veaux me répondaient quand je sonnais du cor,
Les clairs aboiements frais des renards des collines
Et tintaient lentement comme les cloches du dimanche
Tous les galets des saints ruisseaux.
Merveilleuse mélodie des jours,
les foins hauts comme la maison,
Le chant des cheminées,
le vent adorable dansant avec le pluie
Le feu, vert comme l’herbe
Et la nuit sous les simples étoiles,
Comme je glissais dans le sommeil
Les chouettes transportaient la ferme au loin
Et j’entendais voler sous la lune
Bénies par les bêtes des étables
Les engoulevents avec les meules de foin
Et devinais l’éclair des chevaux dans la nuit.
Et puis me réveiller et retrouver la ferme
Comme un errant dans la blancheur de l’aube
Qui regagne enfin son pays,
Un coq perché sur son épaule.
Le monde était alors comme le jardin d’Eden,
le ciel venait d’éclore,
Le soleil de jaillir, tout comme au premier jour,
La pure lumière d’être tissée.
Les chevaux ensorcelés
Quittaient la chaleur hénnissante des étables
Pour la gloire des prairies.
Et honoré parmi les renards et les faisans,
Près de la maison joyeuse,
Sous les nuages nouveaux nés,
Et heureux tant que le coeur était fort,
Dans le soleil renouvelé,
je courais parmi les chemins insouciants,
Mes voeux lancés dans le foin
Aussi hauts que la maison,
Et je me moquais bien dans mon commerce avec le bleu du ciel
Que le temps n’accorde, dans son cycle mélodieux,
Que si peu de ces chants matinaux
Avant que les enfants verdoyants et dorés
Ne le suivent hors de la grâce.
J’ignorais en ces jours candides comme des agneaux
Que le temps m’emporterait bientôt dans ce grenier
Rempli d’hirondelles à l’ombre de ma main,
Dans la lune toujours montante
Et que, galopant vers le sommeil
Je l’entendrais voler par les moissons
Et m’éveillerais dans la ferme
Chassé à jamais du paradis de l’enfance
Oh ! Je fus un enfant rayonnant sur le chemin de grâce
Et le temps me retenait verdoyant loin de la mort
Tandis que je chantais dans mes chaînes
Comme la mer.
N’entre pas sans violence dans cette bonne nuit
N’entre pas sans violence dans cette bonne nuit,
Le vieil âge devrait brûler et s’emporter à la chute du jour ;
Rager, s’enrager contre la mort de la lumière.
Bien que les hommes sages à leur fin sachent que l’obscur
est mérité,
Parce que leurs paroles n’ont fourché nul éclair ils
N’entrent pas sans violence dans cette bonne nuit.
Les hommes bons, passés la dernière vague, criant combien
clairs
Leurs actes frêles auraient pu danser en une verte baie
ragent, s’enragent contre la mort de la lumière.
Les hommes violents qui prirent et chantèrent le soleil
en plein vol,
Et apprennent, trop tard, qu’ils l’ont affligé dans sa
course,
N’entrent pas sans violence dans cette bonne nuit.
Les hommes graves, près de mourir, qui voient de vue
aveuglante
Que leurs yeux aveugles pouraient briller comme
météores et s’égayer,
Ragent, s’enragent contre la mort de la lumière.
Et toi, mon père, ici sur la triste élévation
Maudis, bénis-moi à présent avec tes larmes violentes,
Je t’en prie.
N’entre pas sans violence dans cette bonne nuit.
Rage, enrage contre la mort de la lumière.
(Dylan Thomas, « Vision et Prière » et autres poèmes, traduction et présentation d’Alain Suied, NRF, Poésie/Gallimard)
Fern Hill
Now as I was young and easy under the apple boughs
About the lilting house as the grass was green,
The night above the dingle starry,
Time let me hail and climb
Golden in the heydays of his eyes,
And honoured amoung wagons I was prince of the apple towns
And once below a time I lordly had the trees and leaves
Trail with the daisies and barley
Down the rivers of the windfall light.
And as I was green and carefree, famous amoung the barns
About the happy yard ans singing as the farm was home,
Il the sun that is young once only,
Time let me play and be
Golden in the mercy of his means,
And green and golden I was huntsman and herdsman, the calves
Sang to my horn, the foxes on the hills barked clear and cold,
And the sabbath rang slowly
In the pebbles of the holy streams.
All the sun long it was running, it was lovely, the hay
Fields high as the house, the tunes from the chimneys, it was air
And playing, lovely and watery
And fire green as grass.
And nightly under the simple stars
As I rode to sleep the owls were bearing the farm away,
All the moon long I heard, blessed amoung stables, the nightjars
Flying with the ricks, and the horses
Flashing into the dark.
And then to awake, and the farm, like a wanderer white
With the dew, come back, the cock on his shoulder : it was all
Shining, it was Adam and maiden,
The sky gathered again
And the sun grew round that very day.
So it must have been after the birth of the simple light
In the first, spinning place, the spellbound horses walking warm
Out of the whinnying green stable
On to the fields of praise.
And honoured among foxes and pheasants by the gay house
Under the new made clouds and happy as the heart was long,
In the sun born over et over,
I ran my heedless ways,
My wishes raced through the house high hay
And nothing I cared, at my sky blue trades, that time allows
In all his tuneful turning so few and such morning songs
Before the children green and golden
Follow him out of grace.
Nothing I cared, in the lamb white days, that time would take me
Up to the swallow thronged loft by the shadow of my hand,
In the moon that is always rising,
Nor that riding to sleep
I should hear him fly with the high fields
And wake to the farm forever fled from the childless land.
Oh as I was young and easy in the mercy of his means,
Time held me green and dying
Though I sang in my chains like the sea.
–
Paul Vincensini – D’herbe noire

photo: Lucien Clergue Camargue secrète
D’herbe noire
J’avais cueilli des fleurs pour traverser la mer
Mais j’ai dormi près de l’étang
Au milieu des chevaux
Et l’amour emprisonne mon bouquet d’herbe noire
Je suis maintenant étendu sur le sable
Je ne pars plus
Je suis un petit aveugle
Et j’ai tout un coucher de soleil sur les jambes.
–
Soir et l’échelle du soleil (RC )
objet-sculpture – Echelle « perspectivée » Martin Puryear Pa- Neh
–
Ici, les temps s’ouvrent
Le chemin vrille et passe
Le côté verglacé,
Pour emprunter l’échelle du soleil
Les cascades de glace
Ont abandonné la place
Et la vallée, sitôt le col franchi
S’ouvre comme une main
Où la vie est encore possible,
Quittant l’étroit des ombres,
Pour de blanches robes
Où se découpent à peine
Sur la pente,
Quatre silhouettes blanches aussi,
De chevaux immobiles…..
> Seule leur ombre les désigne.
L’espace suit le cours du soir
Qui rebondit sur les crêtes;
La vie se poursuit plus bas,… et de l’aval
Les vapeurs remontent, – et se prélassent.
–
RC – 7 décembre 2012
–
Gil Pressnitzer – À pas d‘oiseaux sur la neige
Á pas d‘oiseaux sur la neige
—
À pas d‘oiseaux sur la neige
je m’éloigne de mes visages disparus
quelques graines de paroles
posées à même le ciel
elles pousseront un jour grâce au vent
comme parfois mes mains sur ton corps
perce-neige de la lumière
Ne pas se retourner
même si on entend le papier froissé des rêves
ne pas surprendre les adieux
Un souffle d’aile et la terre se parfume
et puis se jeter en boule au pied de la solitude
et en dépit de tout laisser dormir
les chevaux dans mon ombre
Le silence avance doucement contre ta hanche
une marque douce sur la pirogue de la nuit
pas d‘oiseaux sur la neige
la vie s’évapore dans ta lumière
je l’ai appris trop tard
marée montante de l’ignorance
je n’ai su trouver
la tâche de naissance sur mon front
c’était peut-être la neige
Gil Pressnitzer
01/02//2011
–
Plante carnivore (RC)

plante carivore, parc de Bako, Nouvelle Calédonie
–
Sur l’étagère, du pot la végétation sournoise ;
Se développent dans l’ombre maintes tentacules
Qui espèrent, aux aguets,insectes et animalcules
Entre le buffet revêche et l’horloge comtoise…
Il émane de quelque part, des tentatives de lucre.
Lentement se propage, le poison de la plante
Dans la petite pièce, l’atmosphère étouffante
Flottant quelque part, acide, entre le miel et le sucre…
C’est de trompeuse douceur, le parfum de la mort
Venant boire de la vie, l’errance abjecte,
Quand se posent sur elle, d’innocents insectes
Englués dans les sucs, de la plante carnivore..
Aujourd’hui, bien à sa place, mais plutôt replète
Je la sens qui m’observe, toujours sur le qui-vive
En attendant, sans bouger, que la nuit arrive
Et ses reflets troubles, agacent et entêtent.
Je l’imagine, alors, dans le noir, tout envahir
Développer des lianes et filaments
Me ficeler menu, me faire son aliment,
Qu’elle triple ainsi de taille , à hauteur de son désir
Je serai « bu » par elle en un tournemain
Epaississant , la forêt de ses feuilles
De moi, on pourra faire le deuil,
La plante aura , ce petit air hautain,
Entre l’horloge comtoise et le buffet revêche,
Caché dans la plante, ( c’est peut-être pour demain )
Tiges et tentacules auront quelque chose d’humain…
Avant que mon coeur, entièrement, ne se dessèche…
C’est un fantasme, qui bien sûr, angoisse
——Que je n’aurais peut-être pas dû partager
Car , si j’en viens, à vous manger
Même avertis, mes amis, serez dans la poisse !
Mais nous serons si bien ensemble, dans les tiges,
De votre vie passée , des souvenirs anciens,
Comme pour moi, il n’en restera plus rien
Un touffe de cheveux qui dépassent… des vestiges…
RC 2 juin 2012
–
Henri Bauchau – L’Enfant rieur
L’Enfant rieur
Je suis toujours l’enfant rieur, cet enfant que la guerre
A empêché de vivre en riant son enfance.
Jeunesse, encore en moi, je vais, je cours, je nage
J’adore les chevaux et skier dans la neige
Mon corps est amoureux, il aime, il est aimé
Mon corps est très patient, il est à mon service.
L’instant, couleur du temps, vient à moi promptement
Sur vos balcons, glaciers, travaillés de lumière
De toute ma chaleur je t’écoute, Soleil !
Un jour, je suis tombé, je tombe dans mon corps
Il m’a serré de près, je tombe à la renverse.
Je ne suis plus mon corps, je suis dans ses limites
Je suis un apprenti de mon corps de grand âge
Ignorante espérance, tu vois, je m’abandonne
À la pensée d’amour de ma fragilité.
Henry Bauchau
–
MARINA TSVETAIEVA – le plus grand des mensonges (1917)
En 1917, Marina Tsvetaieva écrivait ce texte que l’on trouve dans les « inédits de Vanves »
Je te conterai le plus grand des mensonges
Je conterai pour toi le soir qui tombe et l’ombre.
Les feuilles vertes et les vieilles souches
Et les lumières éteintes et rien ne bouge.
Venu de loin, un homme, sa flûte en main,
Jeune, assis, nu, il joue sans fin.
La grande tromperie je conterai,
La lame perfide dans la main
Le trou brûlant de la lame en mon sein
Et de tes femmes les boucles blondes,
Et le sourire de tes enfants.
Et des vieillards le menton blanc.
Je te conterai le plus grand des fracas
Le tumulte sonore de mon siècle, le fer
Du galop des chevaux contre les pierres.
Jean-Jacques Dorio – Norge
en janvier 2006, JJ Dorio partageait ce texte sur son blog, que je retranscris ici…
NORGE
Poète solaire il écrivit sur le lombric
le petit vermisseau qui se goinfre
de vérités obèses
Poète scolaire il établit des calendriers
de l’âne au coq
de l’eau au feu
Il mangeait tout
mouches chevaux
âmes étourneaux
Tout il buvait
de la mer verte
au bleu de bleu
Un gros gibier stom’ de Bruxelles
Râpant les mots et la bêtise
Son vin profond était vin de copeaux
Qui crache et recrache l’éclat de l’homme en marche
En vers
Et avec tous