Alexandre Vialatte – Homard

Le homard est un animal paisible qui devient d un beau rouge à la cuisson. Il demande à être plongé vivant dans l’eau bouillante.
Il l’exige même, d’après les livres de cuisine. La vérité est plus nuancée.
Elle ressort parfaitement du charmant épisode qu’avait rimé l’un de nos confrères et qui montrait les démêlés d’un homard au soir de sa vie avec une Américaine hésitante :
Une Américaine était incertaine
Quant à la façon de cuire un homard.
— Si nous remettions la chose à plus tard ?…
Disait le homard à l’Américaine.
On voit par là que le homard n’aspire à la cuisson que comme le chrétien au Ciel.
Le chrétien désire le Ciel, mais le plus tard possible.
Ce récit fait ressortir aussi la présence d’esprit du homard.
Elle s’y montre à son avantage.
Précisons de plus que le homard n’aboie pas et qu’il a l’expérience des abîmes de la mer, ce qui le rend très supérieur au chien, et décidait Nerval à le promener en laisse, plutôt qu’un caniche ou un bouledogue, dans les jardins du Palais-Royal.
Enfin, le homard est gaucher.
Sa pince gauche est bien plus développée que sa pince droite.
A moins, toutefois, qu’il n’ait l’esprit de contradiction, et, dans ce cas, sa pince droite est de beaucoup la plus forte. De toute façon, il n’est pas ambidextre.
Ou plutôt il l’est en naissant.
Mais il passe sa vie misérable à se coincer les pinces dans toutes sortes de pièges.
Si bien qu’il les perd constamment.
Tantôt c’est l’une, tantôt c’est l’autre.
Comme elles repoussent, au contraire des bras de l’homme (le bras de l’homme ne repousse jamais), la dernière en date est plus petite, si bien que le homard ressemble au célèbre empereur Guillaume II, qui avait un bras bien plus petit que l’autre. Il ne put jamais se servir également des deux mains.
Paul-Armand Gette – Je suis où le bonheur m’a dit

photo Paul-Armand Gette
Je suis où le bonheur m’a dit,
dans cet effroi de trop où la
mort nous galope.
Je suis là ébahi, comme péché
par mon arête, mais je suis là conquis,
mercenaire adoubé aux fièvres convenues.
Désincarné vidé de tous mes doutes amis;
empaillé jusqu’aux yeux du foin des trouilles avides.
À l’aube d’être éteint non pas
vaincu ni même las, éteint
de la vie en-aller, ces mots
qui ne me disaient plus se turent et me tarirent.
Des ombres qu’un figuier matisse
chahutent sur le mur et agacent
le chien.
À l’extrême de l’autre, dans son dos d’avril,
se gaffe la peur que j’ai de lui.
Il y joute l’obscur où froncent
les soupirs et ramasse buté
ce que je crois cailloux.
Dans l’exact intervalle qui nous,
cet autre qui ne me, n’en revient
pas de moi.
Ainsi silence est dit et dit ainsi maudire.
Alors si las que long, un mot haut plus
que l’autre, des autres ainsi mourir.
Marc Alyn – chien d’ombre dans la nuit

J’entends marcher dehors. Tout est clos. Il est tard.
Ma lampe seule veille.
Pas de vent. Nul oiseau. Qui passe dans le noir
à pattes de soleil ?
C’est un chien d’autrefois parti pour l’au-delà
Comme on va à la chasse
Et qui revient parfois vérifier s’il a
Toujours ici sa place.
En silence il m’appelle, en l’ombre il me regarde
Avec ses yeux d’Ailleurs,
Puis je l’entends courir sur son aire de garde,
J’entends battre son cœur.
Il rôde doucement pour n’éveiller personne
Du portail au vieux puits
Et l’effraie le salue de son long cri qui sonne
En l’air pur de la nuit.
Tendre ami disparu dont l’absence me blesse,
Est-ce toi ? est-ce toi ?
Boiras-tu quelque nuit l’eau fraîche que je verse
Dans ta jarre là-bas ?
Mais rien ne me répond.
Le rond de la caresse
Réintègre mes doigts.
Est-ce mon âme aussi qui tire sur sa laisse,
Mon chien de l’au-delà ?
Alain Leprest – J’ai peur

J’ai peur des rues des quais du sang
Des croix de l’eau du feu des becs
D’un printemps fragile et cassant
Comme les pattes d’un insecte
J’ai peur de vous de moi j’ai peur
Des yeux terribles des enfants
Du ciel des fleurs du jour de l’heure
D’aimer de vieillir et du vent
J’ai peur de l’aile des oiseaux
Du noir des silences et des cris
J’ai peur des chiens j’ai peur des mots
Et de l’ongle qui les écrit
J’ai peur des notes qui se chantent
J’ai peur des sourires qui se pleurent
Du loup qui hurle dans mon ventre
Quand on parle de lui j’ai peur
J’ai peur, j’ai peur, j’ai peur
J’ai peur
J’ai peur du coeur des pleurs de tout
La trouille des fois la pétoche
Des dents qui claquent et des genoux
Qui tremblent dans le fond des poches
J’ai peur de deux et deux font quatre
De n’importe quand n’importe où
De la maladie délicate
Qui plante ses crocs sur tes joues
J’ai peur du souvenir des voix
Tremblant dans les magnétophones
J’ai peur de l’ombre qui convoie
Des poignées de feu vers l’automne
J’ai peur des généraux du froid
Qui foudroient l’épi sur les champs
Et de l’orchestre du Norrois
Sur la barque des pauvre gens
J’ai peur, j’ai peur, j’ai peur
J’ai peur
J’ai peur de tout seul et d’ensemble
Et de l’archet du violoncelle
J’ai peur de là-haut dans tes jambes
Et d’une étoile qui ruisselle
J’ai peur de l’âge qui dépèce
De la pointe de son canif
Le manteau bleu de la jeunesse
La chair et les baisers à vif
J’ai peur d’une pipe qui fume
J’ai peur de ta peur dans ma main
L’oiseau-lyre et le poisson-lune
Eclairent pierres du chemin
J’ai peur de l’acier qui hérisse
Le mur des lendemains qui chantent
Du ventre lisse où je me hisse
Et du drap glacé où je rentre
J’ai peur, j’ai peur, j’ai peur
J’ai peur
J’ai peur de pousser la barrière
De la maison des églantines
Où le souvenir de ma mère
Berce sans cesse un berceau vide
J’ai peur du silence des feuilles
Qui prophétise le terreau
La nuit ouverte comme un oeil
Retourné au fond du cerveau
J’ai peur de l’odeur des marais
Palpitante dans l’ombre douce
J’ai peur de l’aube qui paraît
Et de mille autres qui la poussent
J’ai peur de tout ce que je serre
Inutilement dans mes bras
Face à l’horloge nécessaire
Du temps qui me les reprendra
J’ai peur, j’ai peur, j’ai peur
J’ai peur
J’ai peur
Gourmandise de Vermeer – ( RC )

peinture: Joseph Lee
On ne saura jamais combien
de secondes ont suffi
pour que se commette ce délit :
Aurait-on oublié
d’attacher le chien
ou serait-il amateur d’art ??
( à défaut de visiter un musée ),
lui, qui par hasard
s’est intéressé
à la crème glacée
de la pâtisserie
à plusieurs reprises
avant qu’on ne le chasse.
Il a laissé des traces
de sa gourmandise
en mangeant les fruits confits :
repas extraordinaire,
promener sa langue sur un Vermeer,
en commettant l’outrage
d’effacer son visage !
on ne voit plus ses yeux
- ce qui est dommage –
c’est toute l’incertitude
de cette épreuve :
( dans cette œuvre
restera l’attitude
et le turban bleu ):
On reconnaîtra sans erreur
le jeune fille
dans la crème au beurre
parfumée de vanille:
elle est aussi jolie
que dans mon souvenir
sans que je la confonde
avec le sourire
de la Joconde…
… et c’est très bien ainsi.
RC
Jean Jallerat – Promener au soleil une neuve passion

Montage photo RC
Et tu vas parcourant les regards
Tu appelles des chants et des départs
Rêvés Rêvés
Pour l’hiver
Rêvés pour les nuits
Pour l’herbe qui repart
Devant le chien couchant qui guette des caresses
Appelant les yeux fous gémissant sa tendresse
Laissant l’effroi joyeux sous la main de la messe
Et tu pars te figurant les foules
Saisir au feu du jour une extase nouvelle
Trouver l’élan de bielle
Le rythme sûr à ta cadence trop belle
trop fier, gonflé de signes
Tête levée au ciel, sifflant la rengaine
Promener au soleil une neuve passion
J J est publié aux éditions des Vanneaux
Boris Vian – Triste Azor

Un chien vivait fort chichement
Dans une niche en bois de chêne.
Retenu sans cesse à la chaîne,
Il connaissait plus d’un tourment.
Mais le pire désagrément,
C’était la faim. Nourri de faines
Dont les malfaisantes akènes
Lui laissaient le nez tout saignant,
Il eût aimé jouir d’une table
Satisfaisante et confortable,
Lécher des assiettes, le soir…
Mais, pauvre, il mourut de la peste,
Et l’on grava sur le sol noir :
— Il est mort sans laper des restes.
extrait du recueil de B Vian ‘ sans sonnets »
écrits confiés au vent – ( RC )

Au long du chemin,
je vais pieds nus, sur la terre et le sable.
Je me nourris de peu,
ne compte pas mes pas,
et il arrive que je me pose
à l’ombre d’un pin .
Je trace avec un bâton
des lettres sur le sol
qui deviennent des mots ,
puis un chant
que personne n’entendra,
ou ne pourra lire.
Ou bien ce sera le vent,
les oiseaux
qui l’emportera,
avant que la pluie ne l’efface :
les mots seuls
ne pourront parler à ma place,
mais il vaut mieux
que je continue mon chemin,
suivi un temps par un chien .
Il voudrait me parler
et m’accompagner,
mais je ne peux le traduire .
A-t-il réussi de son côté,
à me lire ?
Voulait-il me guider
sur ma route à venir ?
Ce que me disaient ses yeux tendres,
je n’ai pu le comprendre…
A chaque terre traversée,
je pourrais apprendre une langue neuve
pour renaître, avec le peu que je sais
dans les mots d’autrui,
partager leur mémoire,
dans un petit écrit…
confié au vent.
Poèmes du Gévaudan – I (Susanne Derève)

Photo-montage RC
Entre chien et loup
j’ai rêvé de toi, ouvert les yeux
et fermé la fenêtre
Un chien aboyait doucement
et le grand loup du Gévaudan
projetait son ombre noire sur les cimes
au delà des murs de la maison
au delà du portail
où tinte la cloche au matin
entre chien et loup
à l’instant où le coq a lancé
son refrain
Aujourd’hui, c’est le dernier jour … – ( RC )
Aujourd’hui c’est le dernier jour :
Tu le sais, je t’ai averti :
il n’y aura pas d’après,
pas la peine d’avoir des regrets,
sur ce que tu n’as pas accompli,
il fallait y penser avant :
après, c’est trop tard,
tu aurais dû le savoir :
– qu’as-tu fait de si important.
alors que nous étions
si près de la fin ?
As-tu simplement fait un festin,
mieux disposé tes pions
sur l’échiquier des années,
sauvegardé tes arrières
( qui – à coups de prières ) ?
alors que tu te savais condamné
à redevenir sauvage,
car je suis la sorcière
qui sait défaire
tous les visages !
Je n’ai pas encore décidé
sous quel signe astral
je vais te placer,
et quel animal
tu vas incarner :
Allez, – on va rester gentil –
je vais te transformer
en petite souris :
tu verras, c’est très bien,
tu pourras te glisser partout ,
manger dans la gamelle du chien ,
( et tu y prendras goût ) :
autrement… il y a le fromage
mais il est hors d’atteinte :
pas la peine de pousser des plaintes !
il était temps de tourner la page :
tu as passé trop de temps en humain ,
sous une belle peau rose :
mais tu en as fait bien peu de chose,
J’ai décidé de changer ton destin :
c’est une nouvelle aventure qui commence,
peut-être que le chat te reconnaîtra,
ou bien il ne te saluera même pas :
Ne t’étonnes pas s’il te donne la chasse
( il ne partage pas sa place ),
mais quand il n’est pas là, les souris dansent
– et lui-même, quelque temps avant
ne se sentait-il pas trop seul
habillé en ouvrier agricole,
ou même, en président ? –
–
RC
Dyane Léger – faire danser le cœur du monde
peinture Winslow Homer
Dis-moi, toi qui sais tenir le monde dans ta main
sans lui faire mal, sans le faire pleurer,
pourrais-tu m’expliquer, à moi qui suis
à peine capable de transplanter un rosier
sans déchirer ses racines, à moi qui peux
à peine raconter une histoire sans la déformer,
à moi qui ne peux sourire à un vieillard
et à son chien sans les faire fuir,
pourrais-tu me dire comment,
si l’on me le demandait,
comment pourrais-je arriver
à faire danser le cœur du monde
sans lui marcher sur les pieds?
Véronique Janzyk – un chien dans les sables
Un chien pris dans les sables
Embourbé
Dans les sables d’une mer
Je rêve de moi aussi
Qui m’embourbe
Enlacée au chien
Mais de nous embourber à deux
Nous nous dégageons
Nous nous tortillons
Nous roulons vers le sec
Au sortir de la nuit
Au sortir de chez moi
Je vois venir
Une femme
Un chien en laisse
Couleur abricot
Comme le chien des sables
Elle me propose de lire
L’avenir dans ma main
La diseuse d’aventures
Véronique Janzyk
Hugues Labrusse – L’indésirable
( – à Gaston Puel )
sculptures – Aulnay de Saintonge
Jour indivisé
Des pierres arrondissaient les angles.
Le soleil s’en allait.
Deux poutres reliées par une traverse.
Un chien hagard plonge dans les broussailles.
On n’arrache pas un sourire à l’écorce.
Lendemain
Dans la continuité de la masse, en guise de visage.
Le feu âpre transit le cône de marbre.
Tard, dans l’été, la figure roule dans ta paume.
Son oubli fut le dernier souvenir qu’elle te laissa.
Surlendemain
Notre sœur à tête d’animal, notre peur encore muette et ses fleurs de terre
ses onguents de serpents, la saveur de sa lumière et de sa fatigue.
Ses mains ne remuaient pas encore.
Toujours plus tard
L’atrocité rêve à son écuelle en bois.
Du sommet de la montagne dévalent des étoiles épineuses.
Ton œil est de glace. Tu crains l’aiguille de métal qui te sert à coudre le ciel.
Laisse battre les volets.
Cathy Garcia – Sol y tierra
le vent
entre chien et loup
la lune cachée
dans le haut tilleul
la douceur
léger frisson
imperceptible
sortilège
les démons de gouttières
miment le combat
quatre ombres
apparaissent
disparaissent
froissent les herbes
le val de mes seins
invite à la balade
et ma pensée va à l’homme.
mais dieu siffle mon âme
comme on siffle un chien
et mon âme danse
une joie
soûle d’espace
solitaire
sol y tierra
et le vent aussi
et le vent.
Thomas Pontillo – Dans la nuit ( extrait de Incantations )
–
Dans la nuit qu’aucun passant n’arraisonne,
vivre est déjà un chien errant,
parmi les roses de la colère
quelques visages s’ouvrent à l’éblouissant chaos.
Dans la nuit qu’aucun mot n’interroge,
j’entends mes jardins d’enfance écarter l’hiver de leurs branches,
mais où vont nos amis perdus,
vers quelles contrées, pour quel tourment ?
Dans la nuit qu’aucun arbre ne console
il y a un homme agenouillé dans ses paroles,
il mêle le passé au présent et c’est toujours
le même orage à ses tempes.
Wislawa Szymborska – Certains aiment la poésie
Certains –
donc pas tout le monde.
Même pas la majorité de tout le monde, au contraire.
Et sans compter les écoles, où on est bien obligé,
ainsi que les poètes eux-mêmes,
on n’arrivera pas à plus de deux sur mille.
Aiment –
mais on aime aussi le petit salé aux lentilles,
on aime les compliments, et la couleur bleue,
on aime cette vieille écharpe,
on aime imposer ses vues,
on aime caresser le chien.
La poésie –
seulement qu’est ce que ça peut bien être.
Plus d’une réponse vacillante
fut donnée à cette question.
Et moi-même je ne sais pas, et je ne sais pas, et je m’y accroche
comme à une rampe salutaire.
Mary Jo Hoose – Oh enterrez-moi !
–
–
Oh enterrez-moi en haut d’ une montagne de la région
Au flux des eaux cristallines s’écoulant comme une fontaine éternelle.
Avec sa colline de verte émeraude , piquetée de belles fleurs sauvages.
Et de grands pins parfumant l’air sous la chaude douche de l’été.
Trouvez un vieux chêne avec des branches pleines d’ombre.
Les petits oiseaux chantant pour moi depuis leurs nids .
Oh enterrez-moi auprès du lumineux et chaud soleil ,
Lorsque la pleine lune brille , sur une nuit étoilée.
Reliée à la cabane de mon pays bien-aimé ,
Regardée et protégée par mon chien fidèle .
Oh enterrez-moi auprès des dieux de la grande cathédrale bleue .
Où le vrai sommeil éternel est paisible .
–
Mary Jo Hoose
( tentative de traduction RC )
–
Catherine Pozzi – Le don du figuier
photo Annabella
–
Si tu veux
Nous irons ensemble
Tous les deux
Vers le vieux figuier.
Il aura
Des fruits noirs qui tremblent
Sous le vent
Qui vient d’Orvillers.
Tu iras
L’âme renversée
Sur ta vie
Et je te suivrai.
Le ciel bas
Tiendra nos pensées
Par la lie
D’un malheur secret.
Tu prendras
L’un des fruits de l’arbre
Et soudain
Le feras saigner
Et ta main
Morte comme marbre
Jettera
Le don du figuier.
Le vent vert
Plein du bruit des hêtres
Ouvrira
La geôle du ciel
Je crierai
Comme un chien sans maître
Tu fuiras
Dans le grand soleil.
–
Sylvie Durbec – On part de loin
- montage perso – juin 2013
–
on part de loin
pour arriver à peu de mots
dressés sur la table en guise d’inventaire :
neige fleur viaduc arrosoir
pierre qui sourit chien chat
pays lointain des jardiniers
épaule jeune fille un rat la route
et de ces archipels bâtis sur le sable
on a fait des murs
où inscrire ce qui disparaît
(…)
où habiter avec neige et vent–
du recueil » Ici rêve ailleurs »
- texte auquel j’ai répondu à ma façon avec:
.
Ce n’était pas la peine,
de longer les années,
de lire tous ces livres,
d’exercer cette mémoire,
à en perdre le goût du jour,
et la caresse du vent du large,
pour ( dira-t-on )
écrire deux ou trois strophes
avec si peu de mots .
On en oublie les récits,
les grands succès de librairie,
placés en tête de gondole,
pour se contenter
de quelques lignes,
> qui se jouent
de l’épaisseur des pages,
et dialoguent dans les marges,
et même entre les mots.
Juste ce qu’il faut,
pour que résonnent
les archipels du silence,
la lente croissance des plantes,
la lumière posée sur un mur,
l’ombre de l’absente,
le coeur qui s’aventure
si l’on que l’on fait sienne
l’écriture du poème …
–
RC – fev 2016
Suivre ses propres traces ( RC )

photo: maison-boutique abandonnée Arizona
–
Le vent habite le village désert,
Les portes se sont refermées sur le silence,
La vie est partie ailleurs.
Je passe au travers de palissades,
Et de jardins encombrés de broussailles,
Les bassins d’où l’eau s’est évaporée.
Des pompes d’un autre âge, gardent la station service
Végètent d’antiques véhicules
Aux pneus affaissés
Aucun chien errant ne vient plus
Aboyer sur mon passage,
Où les végétaux se referment lentement.
Juste des empreintes de pas,
Conservées dans la boue sèche,
> Leur taille correspond à la mienne.
–
RC- 24 juillet 2013
tentative de traduction
The wind inhabits the deserted village
Doors closed on the silence,
Life has gone elsewhere.
I pass through fences,
And cluttered brush gardens
The Pools wherefrom water has evaporated.
Pumps of another age, keeping the gas station
Languish antique vehicles
Tires sagged ,
No wandering dog no longer comes
Barking on my way,
Where the plants are closing slowly.
Just footprints,
Kept in dry mud,
> Their fits are like mine.
–
Tristan Cabral – le pays d’où je viens
le pays d’où je viens n’est d’aucune mémoire
et la mer en novembre y monte jusqu’aux toits
les maîtres de naufrages attendent sur les dunes
qu’un bateau étranger se perde dans les Passes
le pays d’où je viens à la couleur des lampes
que les enfants conduisent aux limites du sable
on y marche toujours au pays des légendes
la trace des hommes s’y perd dans une Ville d’Hiver
le pays d’où je viens a la douleur des landes
on y porte parfois des épaves insensées
il y a parfois des bêtes blanches à la lisière des eaux
et des forêts de feu près des océans morts
le pays d’où je viens a la blessure des rames
on y voit quelquefois des traces de passages
qui mènent à des marées mortes depuis longtemps
souvent les chalutiers battent pavillon noir
le pays d’où je viens est plein d’hommes de guerre
des maisons de ciment que l’on dit allemandes
tombent depuis toujours dans les océans gris
une femme m’y attend et depuis m’y conduit
en face de Saint-Yves lors de la messe en mer
des prêtres sur les vagues jettent des pains de sang
tandis que des enfants en uniformes noirs
crèvent le long des plages des bancs de méduses blanches
le pays d’où je viens n’a jamais existé
un vieil enfant de sable y pousse vers le large
un bateau en ciment qui ne partira pas
le pays d’où je viens s’endort en chien de fusil
le pays d’où je viens n’est d’aucune mémoire
un Casino Mauresque y brûle sous les eaux
une femme s’y promène au bras d’un étranger
le pays d’où je viens n’a jamais existé…
–
–
Chr Jeanney – tentatives – Habitacle /54
l’écriture de c Jeanney, dans sa section « habitacles »…. nous dit

volume: corps "fossile" Pompéï
habitacle en L jambes repliées position chien de fusil
le soir le plus souvent une chape noire tombe monte et
retombe remonte revient de loin est depuis l’ancestral
dos incurvé et tête penchée de la légèreté avant toute
chose faire avec vieux réflexes du cerveau reptilien à
l’arrière de soi une ribambelle d’ancêtres se place là
genoux collés au ventre et s’enroulant dans la chaleur
qu’on se fabrique seul à seuls un feu de grotte éteint
depuis longtemps ainsi le chien tourne sur lui-même un
peu avant de s’allonger la mémoire des cellules radote
quand le danger est loin ou un autre danger s’allume à
l’affût des ondes électriques vaines vains les efforts
jambes repliées sous couverture le doux du soir repose
–