Razzia – ( Susanne Derève) –

Quelle invisible mandibule a tissé sous l’ombrage ces poinçons de lumière aux feuilles des tilleuls ? Dépouillé le lys blanc qui tremble, nu, au vent ? Qui des cerises, en maraudeur, ne m’a laissé que les noyaux ? Ô sphinx, criocère, étourneau !
Bai Juyi – Première visite aux monts Taihang –

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Première visite aux monts Taihang
Le soleil ne brille pas en cette froide journée
les sommets du Taihang se perdent dans la verdure
bien qu’on les dise dangereux
je m’y aventure seul aujourd’hui
mon cheval glisse sur les sentiers gelés
qui serpentent comme des entrailles de mouton
mais si l’on compare ce chemin à notre société
il est uni comme la paume de la main.
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Les bambous devant la fenêtre de Li Ziyun
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Ne les taillez pas pour en faire une flute ornée de
phénix
ne les coupez pas pour en faire une canne à pêche
Quand toutes les fleurs et toutes les herbes seront
flétries
vous les aurez gardées pour les contempler sous la neige
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Chants des regrets éternels et autres poèmes
Traduit du chinois par Georgette Jaeger.
Collection Orphée
La Différence
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Bai Juyi (772-846), l’un des plus grands poètes de la dynastie des Tang.
Ses conseils à l’empereur lui valurent l’exil au Sud de la Chine.
Max Jacob – Madame la Dauphine

Madame la Dauphine
Fine, fine, fine, fine, fine, fine
Fine, fine, fine, fine
Ne verra pas, ne verra pas le beau film
Qu’on y a fait tirer
— Les vers du nez —
Car on l’a menée en terre avec son premier-né
En terre et à Nanterre
Où elle est enterrée.
Quand un paysan de la Chine
Shin, Shin, Shin, Shin, Shin, Shin
Veut avoir des primeurs
— Fruits mûrs —
Il va chez l’imprimeur
Ou bien chez sa voisine
Shin, Shin, Shin, Shin, Shin, Shin
Tous les paysans de la Chine
Les avaient épiés
Pour leur mettre des bottines
Tine ! tine !
Ils leur coupent les pieds.
M. le comte d’Artois
Est monté sur le toit
Faire un compte d’ardoise
Toi, toi, toi, toi,
Et voir par la lunette
Nette ! Nette ! pour voir si la lune est
Plus grosse que le doigt.
Un vapeur et sa cargaison
Son, son, son, son, son, son,
Ont échoué contre la maison.
Son, son, son, son,
Chipons de la graisse d’oie
Doye, doye, doye,
Pour en faire des canons.
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extrait du « Laboratoire central » et accompagnant un lieder de Francis Poulenc
Andreï Poliakov – Mésange

Paul KLEE – Landscape with yellow birds
Mésange parlait ainsi :
Les temps automnaux vont si bien à la pluie,
tels les poissons
à l’aide de leurs petites ailes
des formidables oiseaux monstrueux
y nagent en effet
et des poupées appartenant à deux jeunes filles,
deux filles
et deux poupées.
Il n’y a que la petite feuille,
La petite feuille, précieuse sur sa belle branche,
jaunit dans la fenêtre —
Petit Chinois du quotidien.
Et me voilà —
debout
sur la brindille,
cachant dans le feuillage
mon automnale
famille.
Débarquement chinois (9) Editions Novoje izdatelstvo Moscou 2010
Revue rumeurs Novembre 2018 traduction Katia Bouchoueva
Luis Aranha – Chine
J’étais un disciple de Confucius.
Je brûlais pour lui des bâtons de cire parfumée
J’aidai à la construction de la grande muraille
Et vis flamber le brasier dans lequel l’empereur Huang-Ti fit brûler les livres sacrés
Il persécuta les poètes et les lettrés… Poète
Je fus contraint de fuir
Et me fis pêcheur avec corbeaux marins sur le fleuve de Canton
Puis je devins droguiste dans une rue étroite et sale
Tapis lanternes et écriteaux
Tablettes peintes en rouge et noir…
Je vendais de l’opium sans craindre la police…
Sur leurs couches
Des momies avec des pipes en bambou jouaient de la flûte
La tresse de cheveux s’enroulant sur leur corps
La fumée empestait l’atmosphère…
Heureux sans craindre la police !
Stupeur !
Le canal de la monotonie éclate !
Les Boxers me tombent dessus…
Visages dilatés par la haine
Pas d’innovations !
Ils ont dans les mains des dictionnaires de rimes et des mètres de bambou de douze syllabes Vers creux et sonores
La chinoiserie de l’immuabilité
Les nœuds du bambou marquent la césure…
Je dus fuir avec mes poèmes pour ne pas subir la torture du ling-chi
Et ouvrir une droguerie avec l’autorisation de la police…