Jean-Pierre Balpe – suffit de laisser venir les choses

en fait c’est assez simple n’est-ce pas suffit de laisser venir les choses n’est-ce
pas laisser laisser faire n’est-ce pas laisser être ne pas résister à leurs frémissements pas aller | contre-courant laisser advenir c’est assez simple n’est-ce pas comme ça c’est assez simple c’est la vie la vie des choses qui viennent ou ne viennent pas viennent ne viennent pas vont sont ne sont pas c’est assez simple assez simple suffit de laisser faire se laisser porter par leur rythme leur présence leur être-au-monde pas besoin d’autre chose laisser être laisser venir même si on ne sait pas si on ne les connaît pas les pulsions de vie respirer être respirer être respirer être respirer être inspirer expirer être laisser foire laisser être vivre ou pas c’est selon mais être là au milieu des choses qui vont viennent attendent passent résistent sont
Danser hors de la surface des choses – ( RC )
photo : Aldara Ortega
Changer de monde,
et danser hors de la surface des
choses.
Trouver son souffle en soi-même,
plonger en apnée illimitée…
Le silence épais plaqué aux oreilles,
tu t’opposes à l’inertie de la matière ,
présente et que tu ne peux saisir.
Tous les gestes en sont ralentis.
La robe de mariée se défera lentement,
sur un champ où les fleurs ne
poussent pas, où il n’y a pas de vent,
et où la lumière hésite à franchir le
plafond…
–
RC – mai 2017
E.E.Cummings – Juste fatigué
Vous avez joué,
(Je pense)
Et brisé les jouets que vous préfériez,
Et vous êtes un peu fatigué maintenant;
Fatigué de choses qui se brisent,
et –
Juste fatigué
Comme moi.
Devenus transparents – ( RC )
–
C’est un oubli de soi-même.
Tu traverses les jours et les nuits.
Les yeux clos.
Tu parcours les mondes.
Ceux-ci restent noirs.
Leur énergie te propulse,
A travers le miroir, ton propre miroir…
Tu te vois sans limites,
Ressens le souffle du vent,
Que tu ne peux saisir.
Tu ne peux écrire dessus, …non plus
Fondu dans l’ombre,
Rien ne te distingue,
D’un arrière plan .
– existerait-il d’ailleurs ?,
si tu rouvrais les yeux ? –
…. Point de suspension
Dans l’univers,
Et pourtant absorbant,
Dans le livre aux pages ouvertes,
Ce qui fait la chair du monde.
Elle te consume petit à petit,
Te nourrit, mais te déchire à la fois.
Tu mourras, …. nous mourrons,
Traversés par la vie,
Comme par autant d’étoiles,
Réellement fondus au coeur de l’ombre,
Ames poreuses à l’odeur des choses.
Devenus transparents .
–
RC – août 2014
–
Inspiration : Joseph Brodsky et Alda Merini
Jorge Luis Borges – les choses

photo: CoreyS5
Le bâton, les pièces de monnaie, le porte-clés,
la serrure docile, les lettres tardives
qui ne seront pas lues dans le peu de jours
qu’il me reste, les cartes de jeu et le tableau,
un livre, et, entre ses pages, la violette
flêtrie, monument d’un soir
sans doute inoubliable mais déjà oublié,
le rouge miroir occidental dans lequel
une illusoire aurore brille. Oh, combien de choses,
plaques, seuils, atlas, tasses, épingles,
nous servent d’esclaves tacites,
aveugles et si étrangement discrets !
Elles dureront au delà de notre oubli;
elles ne sauront jamais que nous sommes partis.
–
Traduit de l’espagnol par E. Dupas
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Francis Ponge – Racines
L’espoir est donc dans une poésie par laquelle le monde envahisse à ce point l’esprit de l’homme
qu’il en perde à peu près la parole, puis réinvente un jargon.
Les poètes sont les ambassadeurs du monde muet.
Comme tels, ils balbutient, ils murmurent, ils s’enfoncent dans la nuit du logos,
-jusqu’à ce qu’enfin ils se retrouvent au niveau des RACINES, où se confondent les choses et les formulations.
Francis Ponge
in « Le monde muet est notre seule patrie »
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Edith Södergran – je vis un arbre
Terre a ciel, présente des auteurs peu connus , mais de qualité, dont je fais l’écho ici avec Edith Södergran auteure finlandaise du début du XXè siècle.
(Finlande, 1892-1923)
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Jag såg ett träd… Jag såg ett träd som var större än alla andra och hängde fullt av oåtkomliga kottar ; jag såg en stor kyrka med öppna dörrar och alla som kommo ut voro bleka och starka och färdiga att dö ; jag såg en kvinna som leende och sminkad kastade tärning om sin lycka och såg att hon förlorade. En krets var dragen kring dessa ting den ingen överträder. |
Je vis un arbre… Je vis un arbre qui était plus haut que tous les autres et qui était lourd de fruits inaccessibles ; je vis une cathédrale aux portes ouvertes et tous ceux qui sortaient étaient pâles et forts et prêts à mourir ; je vis une femme qui, souriante et maquillée jouait son bonheur aux dés et je vis qu’elle perdait. Un cercle était tracé autour de ces choses que personne ne franchit. |
Jean-Jacques Dorio: – instants
Le temps n’a qu’une réalité, celle de l’Instant.
Gaston BACHELARD
——–
Comme si parfois on cherchait à rendre
Une certaine exactitude de l’existence
Ceci est du pain suédois
De la pastèque cuite au chaudron
Ceci est un chat européen
C’est-à-dire de gouttière
Le bruit d’un réveil
Les paroles des proches
Mangeant le pain et la pastèque
Flattant le chat
Disant les choses du jour
Lançant l’argile dont chacun fait les statuettes de ses rêves
Comme si parfois on auscultait
Ces contours lents
D’un instant
Intact
Jean-Jacques Dorio