Ahmed Kalouaz – Hôtel du centre
Tu ne connais de la douleur
que l’abandon
les attentes,
le front posé contre une vitre.
Le téléphone
qui ne sonne
que dans ta tête,
la cigarette et ses réponses
définitives.
Lorsque tu marches dans la chambre
tes pas te disent
ce qu’est le silence.
–
extrait du recueil » A mes oiseaux piaillant debout »
Que faire de sa main droite ? – ( RC )
image extraite du « chien andalou » de Luis Bunuel & S Dali
Que faire de sa main droite
quand la gauche prend toute la place… ?
– déjà, on peut s’appuyer
sur le côté du piano,
la distraire par de petits objets,
faire des allées-venues
en frôlant les touches d’ivoire,
écraser la cigarette
qui s’est consumée,
sans que tu t’en aperçoives
pendant que tu jouais,
le concerto pour la main gauche :
( c’est le cadeau de Ravel pour Wittgenstein,
lui qui revint des combats
sans le bras droit ) .
Que faire de sa main droite,
quand elle ne parle pas
ou devient un accessoire ?
La laisser tomber
comme une feuille morte,
devenue froide et mutique,
détachée des rêves coupables ,
la coller à un autre endroit,
– qu’elle trouve le chemin des épaves.
On en distingue les stigmates,
qu’elle puisse aller chercher des croissants
et fasse partie d’un collage surréaliste,
pouvant blanchir à loisir
si l’orchestre communie avec la gauche .
–
RC – juill 2018
Marina Tsvetaiëva – combien de tristesse noire gronde sous mes cheveux clairs
Si vous saviez, passants, attirés
Par d’autres regards charmants
Que le mien, que de feu j’ai brûlé,
Que de vie j’ai vécu pour rien,
Que d’ardeur, que de fougue donnée
Pour une ombre soudaine ou un bruit…
Et mon cœur, vainement enflammé,
Dépeuplé, retombant en cendres.
ô, les trains s’envolant dans la nuit
Qui emportent nos rêves de gare…
Sauriez-vous tout cela, même alors,
Je le sais, vous ne pourriez savoir
Pourquoi ma parole est si brusque
Dans l’éternelle fumée de cigarette
Et combien de tristesse noire
Gronde sous mes cheveux clairs.
Koktebel, 17 mai 1913
Trouver sa propre entrée – ( R C )
–
peinture: Raoul Ubac
Il doit bien y avoir quelque part,
une entrée gardée secrète,
qui mène vers un ailleurs
qu’empruntent des explorateurs,
et – dont ils n’ont jamais parlé :
C’est une parole mutique
dont chacun connaît la clef,
le sésame, pour y accéder…
se guidant peut-être à tâtons,
sur les parois de la conscience .
C’est difficile à expliquer…
Malgré toute la bonne volonté,
dont je pourrais faire preuve,
je ne peux rien dire …
Il faudrait que je trouve ma propre entrée…
Je suis dans un espace clos,
où nulle lumière ne pénètre,
juste guidé par le murmure familier,
du bruissement du sang
dans mon corps .
Peut-être verrais-tu dans le noir,
si tu étais à ma place,
quelque luciole voleter,
ou une étoile qui clignote…
( si c’est un signe …)
Mais ceux-ci sont trompeurs,
et finissent par s’effacer
aussi soudainement qu’ils sont apparus,
à la façon d’une cigarette
indiquant une présence,
et qui a fini de se consumer.
–
RC – avr 2016
Anna Niarakis – Une minute
photo: image extraite du film « Henri », de Yolande Moreau
Heure 20:37.
Je ripe mes chairs, la mémoire
l’innocence oubliée.
Seul, nue , j’erre
A six dimensions
avec les six sens.
Je regarde le labyrinthe de côté
formé par ton oreille.
Puis je plonge et disparais.
Je subis l’électrocution,
par les neurones
de ton cerveau.
Electrochoc.
Je me réveille pleine de sang
sur le ventricule gauche de ton cœur.
Je respire et vibre à un rythme étranger.
Ta pulsation.
Quelque chose te dérange.
Je deviens une glaire qui se plante dans tes poumons.
Tu tousses et tu me craches sur le tapis
Je me lève, je fais mes cheveux et je m’assieds.
Tu m’offres du café et me demandes ce que c’ était
J’allume une cigarette, la fumée m’enroule
Et je disparais.
Thomas Vinau – Fais un voeu
– photo novaplanet
–
Elles n’apparaissent
jamais
au bon moment
ces étoiles là.
Tu étais triste
sans trop savoir
pourquoi.
Je t’ai serrré
dans mes bras
j’ai levé la tête,
et je l’ai vu
balafrer le ciel
et venir s’éteindre
au milieu de tes larmes
en faisant le bruit
d’une cigarette
dans un évier
Elles n’apparaissent
jamais
au bon moment
ces étoiles là .
Antonio Santori – Ensuite il y avait les soirées, presque
Antonio Santori – [Poi c’erano le sere, quasi]
[Ensuite il y avait les soirées, presque]
Ensuite il y avait les soirées, presque silencieuses,
du lit tu entendais les bruits des autres,
d’ouvrières en sueur, d’employés enfants perdus
dans leurs collections.
Tu comptais les brebis égarées,
tu les organisais, elles prenaient toujours
d’assaut le berger idiot auquel tu t’identifiais.
Dans les rues les roues des bicyclettes,
il était étrange de les entendre sur les plaques d’égout,
les sons sortis de leur trou, là dehors
les sons paraissaient éternels.
Comme des garçons nus sur des prés
remplis de cigarettes.
Tu te croyais dans les lits des autres,
dans leurs draps, tu convoquais les jambes croisées,
les dos, tu enlevais ton fard.
Il était étrange d’entendre les enfants
dans leur sommeil, ils paraissaient morts,
tu exerçais ton ouïe sur les arbres improvisés,
perdus dans le vide. On entendait les corps bruire,
endormis. On entendait les rêves. —
Poi c’erano le sere, quasi silenziose, dal letto sentivi i rumori degli altri, di operaie accaldate, di impiegati bambini persi nelle loro collezioni.
Contavi le pecore smarrite, le organizzavi, assaltavano sempre il pastore idiota con cui ti identificavi. Nelle strade le ruote di biciclette, era strano sentirle sui tombini,
i suoni stanati, i suoni là fuori sembravano eterni.
Come i ragazzi nudi sui prati pieni di sigarette.
Ti sentivi nei letti degli altri, nelle loro lenzuola, convocavi le gambe intrecciate, le schiene, ti toglievi gli ombretti.
Era strano sentire i bambini nel sonno, sembravano morti, allenavi il tuo udito sugli alberi improvvisati, persi nei loro vuoti.
Si sentivano i corpi stormire, addormentati.
Si sentivano i sogni. –
Marina Tsvétaïéva – Tentative de jalousie

penture : Nicole Cerutti: Baptiste à la flûte
Marina Tsvétaieva– Si vous saviez (1913)
Si vous saviez, passants attirés
Par d’autres regards charmants
Que le mien, que de feu j’ai brûlé,
Que de vie j’ai vécu pour rien.
Que d’ardeur, que de fougue donnée
Pour une ombre soudaine ou un bruit…
Et mon coeur, vainement enflammé,
Dépeuplé, retombant en cendres.
Ô, les trains s’envolant dans la nuit
Qui emportent nos rêves de gare…
Sauriez-vous tout cela, même alors,
Je le sais, vous ne pourriez tout savoir.
Pourquoi ma parole est si brusque
Dans l’éternelle fumée de cigarette
Et combien de tristesse noire
Gronde sous mes cheveux clairs.
voir aussi chez esprit nomades, beaucoup de choses qui lui sont consacrées…