Gabriela Mistral – l’amour muet
trad Nicole Laurent-Catrice
( variante dans Biblioteca Premio Nobel, éd. Aruilar : Amor, Amor.)

Si je te haïssais, je te jetterais ma haine dans des mots, ronde et sûre; mais je t’aime et mon amour ne se fie pas à ce parler des hommes, trop obscur.
Tu voudrais qu’il s’exprime en cri déchirant, mais il vient de si profond qu’il a, défaillant, répandu son flot brûlant bien avant la gorge, bien avant la poitrine.
Je suis comme un étang gorgé et tu me crois un jet d’eau inerte.
Tout cela à cause de mon silence tourmenté qui est plus atroce que d’entrer dans la mort !
Ainsi ne me touche pas. Je mentirais si je te disais que je te livre mon amour dans ces bras tendus, dans ma bouche, dans mon cou, et toi, croyant que tu l’as bu tout entier, tu t’abuserais comme un enfant aveugle.
Car mon amour n’est pas seulement cette gerbe rebelle et fatiguée de mon corps, qui tremble toute au frôlement du cilice et qui s’attarde dans son vol.
Il est ce qui est dans le baiser et ce n’est pas la lèvre; ce qui brise la voix, et ce n’est pas la poitrine; c’est un vent de Dieu qui passe en déchirant la branche de ma chair, immatériel!
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El amor que calla
Cristina Campo – que la poésie comme prière
–
Moi je n’ai, vraiment, que la poésie comme prière – […]
Et quand la sentirai-je assez vraie (je ne dis pas pure, mais est-ce différent ?)
pour pouvoir la déposer sur cet autel
– dont je ne vois et ne verrai peut-être jamais les marches –
comme un panier de pignes vertes, un coquillage, une grappe ?
Chaque jour je suis de plus en plus persuadée que je n’ai pas d’autre rosaire,
d’autre épée, d’autre livre, d’autre cilice que cela.
Et je ne pars pas de l’amour de Dieu
– je suis dans le noir; pourtant je voudrais faire une chose
qui pour les autres semblera née dans la lumière.
Mais je dois me purifier,
vous n’avez aucune idée de mes péchés, je veux dire de mes crimes
–
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Claude Esteban – Blanche
Blanche.
Elle divise le temps
en deux.
Sceptre et cilice.
L’écume ne meurt pas
lèvres ouvertes
aux lèvres.
Blanche.
Emmurant l’oiseau.
Tranchant le nerf fragile des coquilles.
sans que la voix
revienne.
Nue dans le sel.
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