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Ce pressentiment, les ailes déployées – ( RC )


wind-weather-storm-23.jpgphoto recadrée :           voir  origine pxhere

Faut-il encore sortir
les jours de mauvais temps,
espérer voir un peu de ciel bleu
dans les heures écrasées ?

Une mouette blanche
s’est envolée de la digue
juste au moment où
un obus fracasse le ciment

A-t-elle eu ce pressentiment
les ailes déployées,
ou de nos âmes , eu pitié ?

On voit mieux le monde de haut,
même si les hommes s’entre-tuent ;
de l’océan, rien n’arrête le flux.

RC- avr 2020


Pablo Neruda – Ode à la mer


photo RC – îles Perenthian -Malaisie

Ici dans l’île
la mer
et quelle étendue!
sort hors de soi
à chaque instant,
en disant oui, en disant non,
non et non et non,
en disant oui, en bleu,
en écume, en galop,
en disant non, et non.


Elle ne peut rester tranquille,
je me nomme la mer, répète-t-elle
en frappant une pierre
sans arriver à la convaincre,
alors
avec sept langues vertes
de sept chiens verts,
de sept tigres verts,
de sept mers vertes,
elle la parcourt, l’embrasse,
l’humidifie
et elle se frappe la poitrine
en répétant son nom.
ô mer, ainsi te nommes-tu.
ô camarade océan,
ne perds ni temps ni eau,
ne t’agite pas autant,


aide-nous,
nous sommes
les petits pêcheurs,
les hommes du bord,
nous avons froid et faim
tu es notre ennemie,
ne frappe pas aussi fort,
ne crie pas de la sorte,
ouvre ta caisse verte
et laisse dans toutes nos mains
ton cadeau d’argent:
le poisson de chaque jour.

Ici dans chaque maison
on le veut
et même s’il est en argent,
en cristal ou en lune,
il est né pour les pauvres
cuisines de la terre.


Ne le garde pas,
avare,
roulant le froid comme
un éclair mouillé
sous tes vagues.
Viens, maintenant,
ouvre-toi
et laisse-le
près de nos mains,
aide-nous, océan,
père vert et profond,
à finir un jour
la pauvreté terrestre.
Laisse-nous
récolter l’infinie
plantation de tes vies,
tes blés et tes raisins,
tes boeufs, tes métaux,
la splendeur mouillée
et le fruit submergé.

Père océan, nous savons
comment tu t’appelles,
toutes les mouettes distribuent
ton nom dans les sables:
mais sois sage,
n’agite pas ta crinière,
ne menace personne,
ne brise pas contre le ciel
ta belle denture,


oublie pour un moment
les glorieuses histoires,
donne à chaque homme,
à chaque femme
et à chaque enfant,
un poisson grand ou petit
chaque jour.
Sors dans toutes les rues
du monde
distribuer le poisson
et alors
crie,
crie
pour que tous les pauvres
qui travaillent t’entendent
et disent
en regardant au fond
de la mine:


«Voilà la vieille mer
qui distribue du poisson».
Et ils retourneront en bas,
aux ténèbres,
en souriant, et dans les rues
et les bois
les hommes souriront
et la terre
avec un sourire marin.
Mais
si tu ne le veux pas,
si tu n’en as pas envie,
attends,
attends-nous,
nous réfléchirons,
nous allons en premier lieu
arranger les affaires
humaines,
les plus grandes d’abord,
et les autres après,
et alors,
en entrant en toi,


nous couperons les vagues
avec un couteau de feu,
sur un cheval électrique
nous sauterons sur l’écume,
en chantant
nous nous enfoncerons
jusqu’à atteindre le fond
de tes entrailles,
un fil atomique
conservera ta ceinture,


nous planterons
dans ton jardin profond
des plantes
de ciment et d’acier,
nous te ligoterons
les pieds et les mains,
les hommes sur ta peau
se promèneront en crachant
en prenant tes bouquets,
en construisant des harnais,
en te montant et en te domptant,
en te dominant l’âme.


Mais cela arrivera lorsque
nous les hommes
réglerons
notre problème,
le grand,
le grand problème.
Nous résoudrons tout
petit à petit:
nous t’obligerons, mer,
nous t’obligerons, terre,
à faire des miracles,
parce qu’en nous,
dans la lutte,
il y a le poisson, il y a le pain,
il y a le miracle.

Traduit par Ricard Ripoll i Villanueva


Vêtement de glaise – ( RC )


Soffio 6 (Souffle 6) - Centre Pompidou
oeuvre de G Penone ( empreinte de corps dans la glaise – grandeur nature )

S’il faut s’extraire de bourbiers,
en soulevant des plaques de ciment,
tu préfères leur densité
cernant les plaques de fonte,
en tenant ta joie
du bout des doigts.
Le ciel est si pesant,
et les pierres obtuses,
qu’un orage probable te colle au regard,
pendant que tu glisses
sur ton reflet.

Changeant, il se disperse aux premières gouttes,
plus loin la terre soupire,
de joie aussi, et c’est cette saveur amère
qui promet de nouvelles floraisons.
C’est là ton berceau,
cet habit spongieux
qui te ramène à tes origines,
lorsque tes yeux n’étaient pas ouverts.
Ton corps sans froidure
portait ce vêtement de glaise,
et tu engloutissais les nuits,

Maintenant que tu marches,
tu connais le poids exagéré du temps.
Tu récoltes sur le chemin
de petits cailloux,
avant que le vent recouvre de sable ton ombre,
et que du bourbier,
scintillent des éclats de strass et de mica,


Le périmètre, qui maintient l’étranger à distance – ( RC )


October 1941. "White Tower hamburger stand, the popular place in Amsterdam, New York.":

                              photo: junipergallery.com

 

Je m’installe  à une  table.
Elle  est très longue
il y a des traînées de bière  qui brillent ;
les bancs  sont des barres  revêches,
sous des néons  verdâtres;
c’est dans un quartier populaire de Prague ;
un groupe  d’ouvriers, aux  vestes  matelassées, 

s’assoit.
il fait froid dehors ;
des trams fatigués scindent un espace de brume,
on voit jusqu’au terre-plein au centre de l’avenue,
avec des herbes  roussies  qui s’obstinent .

Ici, le carrelage  s’essaie à la géométrie
sombrant  dans des zones  où le ciment  le nivelle.
L’ordonnance  des panneaux où les spécialités
locales, sont alignées  en colonnes,
est contredite, par un nuage échappé
d’une huile de friture, quelque part dans la cuisine .

Je pense  à d’autres  endroits ;
L’ailleurs  des quartiers  des ports,
l’odeur  persistante  du mazout,
et  toujours  le périmètre,
qui maintient  l’étranger  à distance .
Il faut du temps ,pour  secouer
le manteau de solitude,
au milieu de quelques plantes  maigres,
qui, elles  aussi,
ne semblent pas à leur place.


RC –  janv 2015


Matera – Basilicate – ( RC )


vue partielle     ( bas de la ville de Matera, province de Basilicate, Italie du sud )

 

Une ville subsiste,
en équilibre  sur le bord  de la falaise.
Elle  s’est agrippée à son passé,
en continuant nonchalamment

à arborer sa présence
de ses dalles posées là,
et qui demeurent.

La nécropole creusée dans le roc,
– une plateforme  toujours nue –
et dont on a rempli les creux,

( conservant la forme humaine ),
avec du ciment ,
– pour des raisons pratiques  –

Les herbes  sèches, secouées par le vent,
se défendent  du pittoresque
et de l’admiration vulgaire

d’un décorum importé,
comme pourrait l’être
l’alignement  de bacs à fleurs.

Elles, ne pouvant subsister
que grâce à un terreau,
ou un sol, qu’on ne trouve pas ici.

Certes les visiteurs  sont les bienvenus,
mais la vie continue,
sans sacrifier  aux  dieux  du tourisme .

Le cirque  de pierres en équilibre,
Creusé  d’alvéoles,
s’ouvre à un ciel  d’éternité .

Plus haut, c’est  toujours l’animation:
les klaxons,  le bourdon des scooters,
particulièrement les jours de marché .

A heures  régulières,
les cloches des églises, s’emballent
se faisant  écho les unes aux  autres.


RC –  juin 2015

 


Un jupon d’un buisson de ronces – ( RC )


Pripiat – Ukraine – provenance photo: http://machbio.blogspot.fr


J’ai fait un jupon  d’un buisson de ronces,
Pour aller  avec la robe  de plomb,
Habillant si bien les  bois morts,
Et la langue  affligée          ( celle  qu’on ne peut  plus traduire ).

Une cérémonie où les statues sont de sortie,
Alignées, immobiles,
Conformément  au protocole ,
Attendant un signe qui ne viendra pas.

Un premier plan de givre,            un alphabet en désordre,
Et les arbres,  libérés des contraintes ordinaires
ont commencé       à crever le ciment   de la place du Champ de Mars .

Tous les habitants  ont fui une menace      qui ne dit pas son nom .

RC- juin 2015

En rapport  avec la ville  Pripiat  ( à 3km de la centrale  de Tchernobyl ).

A  voir  au  sujet des conséquences  de l’explosion
de la centrale nucléaire, sur la ville  de Pripiat,

le film  » la terre outragée »

photo perso: citadelle de Daugavpils   2004

photo perso:                citadelle de Daugavpils             2004

Petit  commentaire  perso: Daugavpils, est une  ville de Lettonie, proche  de la frontière de la Russie . Elle  comporte une  citadelle militaire qui a été  laissée complètement  à l’abandon, et dont l’enceinte abritait en 2004 également une  série  de hlm vétustes.

L’abandon n’a pas ici  de cause consécutive  à un accident  nucléaire,  mais on observe le même phénomène,  à savoir  que  les places  d’armes ( où trônent encore des canons) sont envahies progressivement par la végétation: par exemple  des arbres  qui masquent  presque  totalement  de hauts lampadaires destinés à éclairer la place.

A noter  qu’au  côté  sinistre  de l’abandon, se joint le  côté historique, puisque  cette ville a servi de ghetto concentrationnaire pour les juifs… lire cet article corrrespondant…..


Musée de la mine ( RC )


( Cet article  fait référence  au musée  de la mine de St-Etienne)

photo: Gwenaelle Boisseleau


Au long des galeries,
Profondes, en sous -sol,
D’où l’air libre est d’un oubli,
S’alignent les wagonnets,
Sous l’atmosphère confinée,
Et les voûtes blêmes,
Parcourues de câbles,
Ponctuées d’éclairages falots,
Quelques  centaines  de mètres,
En dessous,

Et une ruche  d’ouvriers,
Casqués,
Et le bruit,
Les machines  trépidantes,
Celles qui arrachent,
Au coeur des roches,
Le minerai noir,
Des entrailles du sol.

Juste au-dessus,
Cette  tour de poutrelles,
Signal désormais  dérisoire,
De l’activité suspendue,
Où les hommes casqués,
Ne s’enfoncent plus,
Enfermés dans de crasseux ascenseurs
A l’aplomb de verticales obscures,
Pour extraire leur pain,        du charbon.

Et la salle des machines,
Désormais  déserte,
Les turbines endormies,
Comme de gros escargots,
Boulonnés à leur socle de ciment,
Alors que pendent  du plafond,
Les tenues ,  marquées du labeur,       vides,
>     Flasques  fantômes d’humains,
Désormais inutiles,
Matricules numérotés,

Au musée de la mine.


RC- 4 juin 2013

Photo: musée de la mine – salle des pendus


Tristan Cabral – le pays d’où je viens


 

photo  Ruth Montoya

photo    Ruth Montoya

 

le pays d’où je viens n’est d’aucune mémoire
et la mer en novembre y monte jusqu’aux toits
les maîtres de naufrages attendent sur les dunes
qu’un bateau étranger se perde dans les Passes

le pays d’où je viens à la couleur des lampes
que les enfants conduisent aux limites du sable
on y marche toujours au pays des légendes
la trace des hommes s’y perd dans une Ville d’Hiver

le pays d’où je viens a la douleur des landes
on y porte parfois des épaves insensées
il y a parfois des bêtes blanches à la lisière des eaux
et des forêts de feu près des océans morts

le pays d’où je viens a la blessure des rames
on y voit quelquefois des traces de passages
qui mènent à des marées mortes depuis longtemps
souvent les chalutiers battent pavillon noir

le pays d’où je viens est plein d’hommes de guerre
des maisons de ciment que l’on dit allemandes
tombent depuis toujours dans les océans gris
une femme m’y attend et depuis m’y conduit

en face de Saint-Yves lors de la messe en mer
des prêtres sur les vagues jettent des pains de sang
tandis que des enfants en uniformes noirs
crèvent le long des plages des bancs de méduses blanches

le pays d’où je viens n’a jamais existé
un vieil enfant de sable y pousse vers le large
un bateau en ciment qui ne partira pas
le pays d’où je viens s’endort en chien de fusil

le pays d’où je viens n’est d’aucune mémoire
un Casino Mauresque y brûle sous les eaux
une femme s’y promène au bras d’un étranger
le pays d’où je viens n’a jamais existé…