voir l'art autrement – en relation avec les textes

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Michel LEIRIS – Léna


cosmic spring

  Frantisek Kupka – Cosmic spring

 

 

Je pense à toi

et ton image bâtit autour de moi une forteresse  à

tel point inébranlable

que ni le bélier des nuages

ni la poix molle de la pluie

ne peuvent rien

ô ma citerne de silence

contre le mur percé d’étoiles dont tu m’as circonscrit

 

Les chiens rampent et les gens

jouent des coudes ou poussent des cris

Le manège sans orgue ni flonflons du monde

tourne

avec son auréole d’yeux d’enfants

jeu de bagues des Paradis

 

Je rêve en toi

ma citadelle sans fossés ni pont-levis

sans murs sans tours sans pierres ni mâchicoulis

Je m’endors en buvant le vin très dense de ton ombre

qui couvre de son architecture sans autre poids que

celui qui se compte aux balances d’obscurité et de

lumière

tous les monts et tous les champs

toutes les vignes et tous les pays

 

Jadis

ma bouche narguait le beau temps

alors que mes regards ne redoutaient rien tant

que l’ouragan de l’univers

Ignorant si j’étais une bête

un arbre

un homme

des vents absurdes me drossaient

mes bras  en tous sens battaient l’air

et  mon destin tombait comme tombent des pommes

 

mais aujourd’hui

ô toi si pâle

parce que tu es mon ciel et le double miroir qui multi-

plie les murs et verse l’infini dans ma prison

j’écoute le sifflet des nuages

je ne crains plus rien ni personne

je parle aux neiges de l’hiver

 

 

Haut mal

Anthologie de la poésie française  du XXè siècle

poésie/ Galliamard

 

 


Citadelle de D – ( RC )


Int  sinistre  2854.JPGToutes  photos  perso  :  citadelle  désaffectée  de Daugavpils, Lettonie  oreintale

 

grille  symoles.JPG

Point de cloche ici qu’un
aujourd’hui saccagé
Pourtant la lumière s’accroche
Aux lambeaux de sinistres blocs

Qu’ailleurs on dirait bâtiments
D’ oiseaux téméraires, oublieux d’un passé
empoisonné,           pourtant s’approchent
Et les autres s’en vont.

Et viennent tisser des fils incertains
D’entre les arbres, qui lentement
Reconquièrent la place d’Armes
Etouffant soigneusement, des heures abrasives

Des symboles d’oppression
Aux réverbères géants
Jusqu’au kiosque moisi
Aux péremptoires sonneries militaires

J’écoute venir toutes les voix
Mais la musique du silence
L’extension insensible des branches
L’herbe folle          d’entre fissures

Dessine, la fragilité des choses
Et l’arrogance géométrique
Du lourd,        du laid,        des pouvoirs ,
des voix claironnantes      de l’arrogance .

Dans la Citadelle, l’ordre du cordeau
Se transforme, en « presque joyeux désordre »
Les rues défoncées, sont un chapelet
De sable et flaques réfléchissantes.

Poutrelles,       et amoncellements divers
Gravats et encadrements pourris
Occupent indécemment les lieux
Marqués par la dictature du prolétariat .

Et triste est la rue ,     où , malgré tout
La vie s’insinue , confinée
Tout près de moi
Malgré le suint des lieux

Aux rumeurs vénéneuses d’un
Passé encore proche. Et le lierre s’accroche
Aux symboles de fer ,          des canons :
On en voit plus d’un , glisser avec l’ombre

En portant la nuit, sur ses épaules
Avant, encore,         qu’on nettoie la mémoire
Comme on le ferait            du sang répandu
Sur un carrelage           – facile d’entretien.

En cours, une rénovation proprette, et des rues nettes
>            Aux sordides carcasses,         plus de traces…
Est-ce que le monde s’efface ?
Aux ensevelis,        peut-être même plus de place

Faute d’avoir les leurs, ils ont          – peut-être
Confié leur chant ,           aux oiseaux
Qui voient s’éloigner du trottoir
Les barbelés rouillés du désespoir.

ext -05 place --.jpg

la place d’armes  et ses canons dressés.