Claude Esteban – Récit
–
Récit
Voilà que je reprends tout
par le début comme
s’il me fallait une fois de plus
traverser le silence
et c’est d’abord beaucoup
de bruit dans la tête
sans doute les restes d’un vieux rêve
que je ne parviens pas
à séparer de moi et c’est encore
la menace d’un cri toujours
plus loin sur la route et les pierres
(…)
–
La mort à distance, chez © Gallimard 2007,
–
Claude Esteban – Ne crie pas
–
Ne crie pas, non, ne
crie pas, si tu cries, quelque chose
va mourir, peut-être un arbre ou le souvenir
du soleil
un après-midi d’été sur une pierre
et ta main, juste au bord
se réchauffant, si tu cries, c’est
un insecte en moins
dans l’herbe jaune, la peur qui s’insinue
partout, le cri
comme un poignard, forçant
la gorge.
–
Claude Esteban – Mémoire
Non, la mémoire ne se résume nullement à la somme des choses mortes entassées
dans la tête. Elle est tapie au creux d’une odeur, d’une feuille froissée par la pluie, d’un
murmure. Et que l’on fasse taire en soi le bruissement de la pensée; qu’on s’arrache à
ce théâtre de mauvais rêves, le paysage se recompose, les formes s’animent, les
couleurs recommencent à vibrer. Rien ne bouge pour celui qui se détourne, tout
s’éveille au-devant de celui qui reste à l’écoute et il ne craint plus. On cherche à
l’endroit d’une ancienne blessure, et c’est à peine si la peau tressaille. Et c’est à
présent l’immobile qui devient une fiction, et cette lassitude d’avoir tant vécu
comme une invitation à poursuivre encore.
Claude Esteban
in » La mort à distance «
Claude Esteban – Je prendrai une pierre

sculpture : Eugene Dodeigne
Je prendrai une
pierre.
Celle qui vient. Celle
qui pèse
dans son nom de pierre.
J’effacerai tout le dehors.
Je donnerai
mon sang à cette pierre.
Pour rien. Pour
retenir son nom. Pour apprendre
jour après jour
son corps de pierre.
–
Claude Esteban
–
Claude Esteban – Blanche
Art: Käthe Kollwitz auto-portrait 1903
Blanche.
Elle divise le temps
en deux
Sceptre et cilice.
L’écume ne meurt pas
lèvres ouvertes
aux lèvres.
Blanche
Emmurant l’oiseau.
Tranchant le nerf fragile des coquilles.
Sans que la voix
revienne.
Nue dans le sel.
–
Claude Esteban – Blanche
Blanche.
Elle divise le temps
en deux.
Sceptre et cilice.
L’écume ne meurt pas
lèvres ouvertes
aux lèvres.
Blanche.
Emmurant l’oiseau.
Tranchant le nerf fragile des coquilles.
sans que la voix
revienne.
Nue dans le sel.
–
Claude Esteban – l’ombre
L’ombre, avec ses couloirs.
Le corps, accoutumé à ses tâtonnements de bête.
Où renaître sans yeux ?
Tous les chemins sont morts.
Reste le vent qui trace et
qui traverse.
D’aussi loin que je peux, je te réponds.
Je monte jusqu’à toi, jour
neuf, sous mes écailles.
Claude Esteban
in « Conjoncture du corps et du jardin »
–
Claude Esteban – l’immobile qui devient une fiction

photo Willy Ronnis quai Malaquais
Ne garderai-je du jour que cette longue lassitude et la poussière des chemins au fond des yeux ?
Je m’assiérai n’importe où, je tenterai seulement de reprendre souffle, sans hâte et comme pour mieux me souvenir. L’espoir, quand on s’arrête de marcher, devient inutile, mais le vieux désir d’être encore ne disparaît pas avec lui.
Et je suis là, comme quelqu’un qui s’étonne que son corps le soutienne et le défende,
ce corps meurtri, ce corps appesanti, le mien pourtant, et que je méprisais.
Les grandes lois du soleil et de l’ombre nous échappent, nous mesurons l’espace
aux battements d’un coeur quand il est neuf, mais que la machine au-dedans hésite ou s’emballe, les repères se dissipent
et chaque pas devient une épine dans la chair.
N’importe, je suis là, je regarde mes mains, je n’oublie pas qu’elles ont touché la splendeur intacte du monde et qu’il y eut des moments d’allégresse à sentir la sève trembler sous les doigts.
Non, la mémoire ne se résume nullement à la somme des choses mortes entassées dans la tête.
Elle est tapie au creux d’une odeur, d’une feuille froissée par la pluie, d’un murmure.
Et que l’on fasse taire en soi le bruissement de la pensée; qu’on s’arrache à ce théâtre de mauvais rêves, le paysage se recompose, les formes s’animent, les couleurs recommencent à vibrer.
Rien ne bouge pour celui qui se détourne, tout s’éveille au-devant de celui qui reste à l’écoute et il ne craint plus.
On cherche à l’endroit d’une ancienne blessure, et c’est à peine si la peau tressaille.
Et c’est à présent l’immobile qui devient une fiction, et cette lassitude d’avoir tant vécu comme une invitation à poursuivre encore.
Claude Esteban, La mort à distance, Gallimard, 2007
–
Claude Esteban – Que cet arbre me pardonne

peinture perso - grand arbre - acrylique - 1979... voir l'article et la peinture entière en taille réelle ici
Que cet arbre me pardonne si je n’ai pas su le dire comme je le devais dans les mots d’un poème. Ce qui m’était si proche, si familier, je pensais pouvoir m’en emparer sans pudeur, le modeler à ma guise, le délaisser dès lors que j’en aurais épuisé la substance, délimité les contours. J’avais des yeux, mais je n’avais nul besoin de voir, je savais déjà. J’avais pour moi les noms, les verbes, une grammaire.
Cette langue qui m’avait donné tant de mal pour que je la possède, c’était elle, à la fin, qui me permettait de posséder tout, de surprendre un insecte dans l’inviolable de la terre, de figer le vol d’un oiseau. Je m’étonnais que d’autres tâtonnent, se trompent, balbutient devant les spectacles du monde.
J’écrivais que j’étais au centre, que j’étais, moi seul, le sujet. J’avais mes ruses toutefois. Si quelque chose me résistait, je me faisais plus modeste, j’affichais une humilité de façade, je me prosternais devant l’immense ou l’inconnu. Le mensonge est le recours des consciences obscures, celles qui prétendent ne douter jamais. Qu’ai-je à craindre maintenant que la nuit tombe ?
Mes livres sont achevés, peut-être dureront-ils un peu, mais les signes vieillissent déjà sur la page et cet arbre qui se perd dans le noir, il est plus neuf que moi, plus généreux dans la surabondance de la sève et je voudrais seulement qu’il protège, de tout le poids de ses branches, celui qui l’a dénudé dans les mots.
Claude Esteban, La Mort à distance, Gallimard, 2007,
Arbres au jas de Bouffan
Claude Esteban – la peinture
Chez J M Maulpoix, voila un dialogue où Claude Esteban, nous entretient de ses rapports de poète, avec la vision et perception de la peinture…
« La peinture, bien évidemment, qu’elle s’attache à figurer l’apparaître des choses ou qu’elle s’en sépare pour instaurer un univers autonome de lignes, de formes, de couleurs, n’a nul besoin de prendre appui sur ce système conceptuel de représentation, et la liberté dont elle fait usage dans son expression plastique m’a toujours fasciné, tel un horizon immédiat pour certains, inaccessible pour ceux qui doivent se contenter de mettre des mots, côte à côte, sur une page.
Lire les poèmes des autres ne m’avait pas suffi ; contempler un dessin, une gravure, un tableau, ne parvenait guère plus à me satisfaire, mais le dialogue avec eux se révélait singulièrement plus ardu, puisque mon approche, au mieux, ne pouvait être, en effet, que parallèle, soumise, malgré moi, à un parcours discursif.
Je m’y suis résolu pourtant, j’ai « accompagné » – le terme que vous employez est, hélas, trop juste – nombre d’expériences picturales de notre temps par le biais d’études, de commentaires critiques sur l’imprécision et les limites desquels je ne me méprenais pas.
Quel que fût mon désir, il y manquait cette proximité, cette adhérence tactile à une tache, à un coup de brosse, ce corps à corps avec une matière palpable que convoquaient mes phrases sans l’atteindre jamais. »
peinture: Ken Noland; Hard drive 1965 – St Louis, Missouri
… il dit aussi à propos de ses textes sur Edward Hopper.
« Je ne parvenais pas à m’arracher à ces paysages urbains pétrifiés, j’aurais voulu percer leur mystère, pénétrer leur surface trop lisse, mais je demeurais en dehors comme si une sorte de lecture immédiate, par trop littérale, me paralysait à mon tour. Il me fallait rompre avec cette hypnose qui, si je m’abandonnais à elle, me condamnait au mutisme, au ressassement du regard.
Il fallait, en quelque façon, que le temps reprenne son cours au cadran des horloges, que l’espace à nouveau s’anime, que cette femme, devant sa fenêtre, finisse de se coiffer, ouvre une porte, retrouve le soleil.
Au risque de m’égarer dans l’imaginaire, je me suis livré, délibérément, à une sorte d’effraction du tableau, m’emparant à mon gré de tel ou tel élément de la composition, en modifiant l’ordonnance, suggérant un récit, tressant les fils d’une intrigue minutieuse, voire saugrenue. Une pareille désinvolture, que je ne m’étais jusqu’alors jamais permise avec une œuvre d’art, je la devais, pour beaucoup, à cette forme d’écriture dont je découvrais, non sans étonnement, les virtualités.
Je n’avais pratiqué la prose que dans un dessein tout intellectuel d’élucidation ; je découvrais, maintenant, qu’elle pouvait s’enrichir d’autres aventures, se prêter à l’imprévisible des circonstances, embrasser l’accidentel.
Etait-ce, toute neuve pour moi, la tentation du romanesque, une griserie passagère, ou la découverte, grâce à Hopper, de territoires inconnus ? Voilà qu’à la faveur d’une peinture, redoublant la fiction des images par la fantasmagorie d’une histoire, je laissais les mots fomenter à eux seuls de mouvantes scénographies… »
Claude Esteban – J’aime une abeille, est-ce trop ?

peinture: James Gasparilla, visible chez gasparilla-arts.com
—
J’aime une abeille, est-ce trop, j’écoute
le bruit d’un pétale qui tombe
faut-il que je demande à genoux
qu’on me pardonne
vous dormez, vous les maîtres
du ciel
que le malheur d’un homme soit
plus grand que lui, que
vous importe, l’immobile
a ses lois, dormez, dormez très loin
de nous, qu’une abeille me guide, ce pétale
qui tombe, qui va pourrir.
—
Claude Esteban, Sur la dernière lande . Morceaux de ciel, presque rien, Gallimard
Claude Esteban- les ronces m’ont déchiré
Les ronces m’ont déchiré, le gel
a crevassé mon âme
et j’ai dit que cette lande était maudite,
mauvaise et sans espoir
maintenant je sais
qu’il est un lieu où les contraires
se répondent
que le feu peut dormir dans une pierre ou
traverser le croc d’un serpent
mes amis, je vous avais
perdus comme tant d’autres choses
dans mon rêve
voilà que nous nous retrouvons, souriants
sur le seuil du monde, presque guéris.
Claude Esteban – Le jour ne revient pas, dites-vous
pierres en spirale
Le jour ne revient pas, dites-vous,
mais seulement sa blessure,
le sang que laisse le soleil quand il s’effondre
au loin tous les corps oubliés veulent savoir
si quelque chose existe sous le sol, qui les rassemble,
une parcelle de substance ou rien que l’ombre,
immobile comme un caillou
peut-être que l’espoir
n’est qu’une entaille dans la chair
une étincelle sans futur dans la mémoire
ne dites pas, quand vous partez,
que c’est le jour qui meurt
Claude Esteban (1935-2006)

image art: Andy Goldsworthy - méandre
Claude Esteban – l’œil est au centre et chaque chose est juste
L’œil ne connaît pas
l’œil, il est
au centre et chaque chose devant lui
est juste et se confirme, l’œil
ne regarde pas, il sait
d’abord et comme il sait, il voit
il trébuche, tout
près,
sur l’invisible. »
—–
extrait de
Étranger devant la porte (I. Varitions), Claude Esteban, Farrago / éditions Léo Scheer, 2001, p. 31.
—-
Claude Esteban – soleil dans une pièce vide – TROIS FENÊTRES, LA NUIT
TROIS FENÊTRES, LA NUIT
On croit peut-être que, chaque soir, les maisons se referment sur elles-mêmes comme des huîtres. Et que ceux
qui les habitent peuvent enfin oublier leurs soucis et se perdre dans une sorte de douceur nacrée, dans une quiétude,
somme toute assez délicieuse, loin des regards. On a tort.
Il suffit de se poster, quelques heures auparavant, à une fenêtre de l’immeuble d’en face, et de rester dans l’ombre, derrière les rideaux.
C’est ce que font les policiers quand ils tentent de découvrir une réunion secrète, ou les détectives privés lorsqu’on leur a donné une liasse de dollars pour une filature et qu’ils sont là, dans leur gabardine blanche, à fumer des cigarettes tout en surveillant.
Mais ce sont des gens de métier, et au fond ils ne s’intéressent qu’à des faits significatifs pour leur enquête, un homme qui embrasse une femme sur la bouche, une valise d’où l’on sort une statuette en forme de faucon.
Le quotidien, banalité des gestes, ne les concerne pas. ont tort, mais ils sont payés pour autre chose. On les relève toutes les quatre heures, puis ils rédigent leur rapport. Ils n’ont rien vu de ce qui est la vie.
Et lorsqu’ils s’éloignent dans leurs voitures noires, ils regagnent très vite des quartiers où les bars sont pleins de monde et où les attend, parfois, une femme aux cheveux platinés qu’ils appellent poupée. Ce sont des gens frivoles. Le vrai curieux ne les fréquente pas. C’est un passionné qui a ses habitudes et qui sait attendre. C’est un professionnel du regard.
Il habite l’immeuble d’en face, peu importe l’étage, mais il préfère regarder d’un peu plus haut. Il n’a pas besoin, comme le diable dans les contes d’autrefois, de soulever les toitures. Il observe tout de sa fenêtre, il a le temps, il n’interprète pas. Il voit, par exemple, le troisième étage d’une maison quelconque. Il ne l’a pas choisie. Il réside juste en face, par hasard. Il n’a pas besoin de jumelles, comme dans les films d’espionnage, il a de bons yeux, il sait voir. Il a observé, tout le jour, cet appartement vide en forme de rotonde.
Il y a trois fenêtres, et personne ici ne tire les rideaux, si bien que la vue plonge sans difficulté dans l’intérieur de
l’appartement. La femme qui l’habite part très tôt le matin.
Elle doit travailler dans une administration ou peut-être dans un petit commerce. Elle se lève, elle s’enferme dans la salle de bains qui se situe derrière la cloison. Puis elle ressort, elle éteint la lampe de la chambre. Peut-être prend-elle son petit déjeuner dehors. L’observateur n’en sait rien.
Il constate seulement que la grande pièce aux trois fenêtres demeure vide pendant toute la journée et ne s’éclaire que très tard. La femme, semble-t-il, vit seule.
Elle ne pénètre dans la pièce en rotonde qu’après s’être restaurée dans la cuisine que l’observateur ne peut apercevoir. Sans doute aussi après avoir pris une douche, car lorsqu’elle apparaît, comme ce soir, comme tous les soirs ou presque, elle est en combinaison. Une combinaison d’un rose assez vulgaire qui moule ses formes déjà vieillies. Elle doit avoir quarante-cinq ans. Il l’aperçoit de dos.
Elle a des fesses proéminentes qui tendent le satin rose. Ses cuisses sont à demi découvertes.
Elle se penche vers quelque chose qui échappe au regard de l’observateur à travers la fenêtre centrale. Le mur lui cache son visage et sa main droite.
Elle ne bouge presque pas, elle ramasse, dirait-on, quelque objet, mais cette hypothèse n’est pas très vraisemblable, car la scène se répète chaque soir, et la femme reste longtemps penchée, avec sa croupe tendue, comme si elle s’occupait d’une chose qui exigerait la plus vive attention. Peut-être nourrit-elle des poissons rouges dans un aquarium, mais il serait étrange que l’aquarium ou le bocal soit posé par terre. Ce qui intrigue davantage encore l’observateur, c’est la différence de luminosité entre les trois fenêtres. Au centre, derrière la forme accroupie, le mur est presque blanc, avec une bande jaune sur la droite.
Au bas de la cloison, on distingue un radiateur peint en orange et l’extrémité droite d’un lit, recouvert d’un tissu grenat. La moquette est verte, d’un vert acide, criard.
On peut penser que la masse du lit se poursuit sur la gauche. A travers la fenêtre de gauche, d’ailleurs, un peu de biais, on découvre le bout du traversin, une forme vaguement verdâtre.
La fenêtre est ouverte, et le rideau bleu pâle s’envole dans l’embrasure, comme un signal. Mais ce n’est, bien sûr, qu’un courant d’air que la femme a su ménager avec la fenêtre de la cuisine. On la comprend. Par un jour d’été, la chaleur est devenue presque intenable dans la pièce close. Il est tard, mais cette femme ne se soucie pas de l’heure.
Elle se sent bien dans sa lingerie rose. Elle laisse respirer son corps, une chair de femme un peu lymphatique, un peu molle. Cette chambre doit lui plaire, quoique l’ameublement soit très sobre, et qu’il n’y ait pas même un tableau sur le mur.
C’est, probablement, une femme qui vit peu chez elle, qui ne reçoit pas, qui se repose le soir.
Ce qui trouble surtout l’observateur, c’est la fenêtre de droite. Par la position qu’il occupe, il n’est pas en mesure de l’examiner autrement qu’à l’oblique, dans un angle de vision assez peu favorable. Cette fenêtre, chaque soir, excite sa curiosité, car, contrairement à l’éclairage brutal qui se projette à travers les deux autres fenêtres, il règne dans cet espace une lueur feutrée, étrangement sensuelle, qui évoque une ambiance de salon capitonné, presque de boudoir.
Le rideau jaune, toujours descendu jusqu’au tiers de la fenêtre, dissimule et révèle à la fois quelque chose qui tranche avec l’aridité quasi monastique de la chambre. Des teintes pourpres, veloutées, qui viennent peut-être de tentures et qui se reflètent en orange sur le rebord de la fenêtre, et plus bas, sur l’entablement de l’étage inférieur. Il y a là quelque chose que l’observateur cherche à comprendre depuis longtemps, mais en vain.
La femme ne se déplace jamais jusque-là. Elle laisse flamber cette lumière pourpre, cette lumière qui contredit l’existence qu’elle mène dans la pièce très éclairée. Que se passe-t-il dans cette chambre, quelle sorte de rituel secret s’y ordonne-t-il chaque soir.
Pourtant la femme ne craint pas que le regard de quelqu’un d’autre s’y insinue et découvre là les indices d’une existence voluptueuse. Elle reste immobile, toujours penchée au fond de l’embrasure centrale. Le rideau bleu pâle s’évade dans l’air de la nuit. Le mystère demeure entier.
voir aussi » comme dans un tableau d’Edward Hopper » – dec 2012
Claude Esteban – Suis-je
« Article » -poème extrait du blog « terre de femmes »
Suis-je
quelqu’un qui se regarde partir
et ne retrouve à ses côtés
que la poussière, ai-je perdu
la trace du soleil, une phrase
revient qui me servait jadis de guide
dès l’aube, je descends, je m’allonge
contre un caillou
le prodige
m’attendait là, ce jardin
que j’imaginais immense, les rires
d’une femme dans l’été
suis-je celui qui souhaite seulement
que son corps le quitte
et que les mots désertent le matin.
–
Claude Esteban, Le jour à peine écrit
Je t’aime depuis toujours.
Je t’emprisonne dans une image.
Je te rends aux chemins, toi qui mourais sur chaque fleur.
Délaisse nos saisons. Altère le savoir des signes.
L’air est sublime. Le ciel monte.
Nous marcherons comme si dieu dormait.