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Jean-Aubert Loranger – Pulsion vitale


photo Pascal Bandelier

Minuit. La mesure est pleine.
L’horloge rend compte
Au temps de toutes les heures
Qu’on lui a confiées.
L’horloge sonne et fait sa caisse.
La nuit referme ses portes,
Et tous les clochers
Relèvent, au loin, les distances.
J écoute mon cœur
Battre au centre de ma chair.

Jean-Aubert LORANGER « Les Atmosphères »


C’est comme ça que ça se passe – ( RC )


C’est comme ça que tout passe

l’orage et puis l’éclaircie,
les ruines de l’abbaye
l’escalier de pierre
qui ne mène nulle part,

ça sent la boue et l’abandon,
les pierres en désordre
à côté de la moissonneuse,
un ange renversé au sourire cassé…

Les odeurs d’huile des tracteurs
encore tièdes de leur labeur,
sagement alignés dans les hangars.
On vient de rentrer la moisson,
juste avant la pluie battante .

Grise est la maison,
le silence est de mise :
et à travers les fenêtres
comme si c’était obligé
les images bleutées de la télé.

Les escargots traversent la cour,
quoi de plus normal après la pluie,
ils ne se sentent pas concernés.
Moi non plus d’ailleurs :
il est bientôt sept heures

Ah ! ça vient juste de sonner
dans un lointain clocher,
c’est comme ça que ça se passe,
les années aussi.

Rien n’a changé
depuis que je suis revenu
( juste le marronnier
que l’on a abattu )


Carl Norac – Chansons pour Robert Walser 2


gravure sur bois : Lynd Ward

J’écris sur des bandes de papier dit-il
je n’enfile pas les perles toute parole digitale
le passé rôde où on l’enterre il y a
des visages à compter des cibles à contenter
je viens gâcher mes yeux en signes minuscules qui me lira tombera
sur la paroi d’un grain de sable
( Walser ainsi va au clocher
au merle à l’arbre à la rivière
il a perdu cent noms cachés
sait comment peser sur la terre
les ailes sont pour les passants
et lui ne passant plus vraiment il écrit à défaut de vivre )


L’alphabet des métaphores – ( RC )


photo: D Erard

photo: D Erard

 
Ecoute le tressage des abeilles
Le bourdonnement  de la ruche,
L’alphabet des métaphores…
Je dois contempler la lumière ,
M’agenouiller  pour regarder
Les gouttes  d’étoiles prisonnières d’une toile d’araignée,

Après  avoir suivi des cours d’eau
Leur course étalée comme les doigts
Ou les nervures d’une feuille sur le sol,
La palette du ciel abrite toutes les nuances du vent

C’est un haut clocher,
On ne peut pas l’atteindre  sans  s’arracher au sol
Et les strates empilées des terres  et rochers

Une colline est une voix à l’intérieur ,
Les arbres essaient  d’en saisir les mystères,
En creusant plus profond encore,
Et dialoguent  avec l’appel des saisons.
Peut-être  y a-t-il beaucoup à lire,
Sous l’écorce de la matière,
Les nuances de l’écriture qui y est cachée,
Passent  de l’anthracite à l’ivoire,
En ne négligeant aucune  couleur de l’arc-en-ciel.

RC- mars 2015


Arthémisia – Chronique d’un autre monde


https://ecritscrisdotcom.files.wordpress.com/2014/04/4760a-milkstonewolfganglaib28germanborn1950291983-87-marbleandmilkmoma.jpg

 

 

Le soleil tomba tôt dans le puits.

Les trois lunes apparurent, roses, à l’horizon, derrière l’usine de verre.

Depuis la révolution des orbes célestes ¹, les formes et les couleurs avaient beaucoup changé.

C’était heureux.

 

Désormais, la bouche des femmes avait des saveurs de coquelicot, et, les mains des hommes, lisses comme la mer, étaient devenues aimantes.

Ils se cueillaient et alimentaient l’usine de leurs caresses.

 

Dans les jardins de lait, couraient des enfants blonds, qui, le soir venu, décrochaient les lunes et les roulaient par terre en y semant des fleurs.

Puis, à l’heure du sommeil, les mères rangeaient les lunes dans le ciel, embrassaient leurs enfants, et se fardaient la bouche pour leur amant.

 

Le clocher sonna dix fois. C’était l’instant de quiétude. Chacun pouvait garder les yeux ouverts sans souffrir.

 

 

¹ Oeuvre de Nicolas COPERNIC

 

© Arthémisia – oct 2011   visible  sur son site  corpsetame.

 


séquences d’Hitchcock ( RC )


North by NorthWest – ( La mort aux trousses )

Qu’une femme  disparaisse
Dans un orient-express

C’est un film  d’Hitchcock
Qui marque  son époque

Pour un film d’espionnage
Une fois commencé le voyage

D’une pichenette
Je continue dans ma tête

A me balader dans la foule
Alors que se déroule,

Dans d’autres lieux
Un crime odieux

Pour la caméra , si l’histoire  s’enlise
L’action  poursuit dans une  église,

Une femme  dans le clocher
Dont l’acteur va enfin s’approcher

C’est alors le vertige
Qui toujours l’afflige

L’empêche de monter
– et de ce coup monté –

Un corps qui tombe et se casse
Un tour de passe-passe…

Où est passée la femme  qu’il aime ?
Cà, c’est bien le problème…

Ou bien dans un autre film, une  scène
– croisement de routes à l’américaine,

D’où surgit un car
Venu de nulle part

Cary Grant en descend
(un rendez-vous important)

Mais personne ne s’arrête,
A part un bus,  pas une  estaffette…

Seul un petit point grandit,
C’est cet avion maudit

Qui le poursuit        en vain
Dans le champ voisin

Avant que ne se brise son élan
Culbute , et un accident

Au coeur de l’action,
Contre un camion…

Toujours la mort aux trousses,
Il pourrait jouer du pouce…

——  Alfred  décide du futur
Pour de nouvelles  aventures

Jusqu’aux portraits géants
De pierre, des présidents

….Et d’autres manigances
Qui font le suspense

…  et toujours nous interloque

Le talent de Hitchcock…

Affiche rouge – Vertigo ( Sueurs froides)

RC- 16   novembre 2012


Augusto Lunel – Chant IV


Augusto Lunel  est un poète  « rare »…  dont j’ai eu beaucoup de mal à me procurer des écrits  sur le net…

mais heureusement  j’avais  des archives   « extra net »,   dont  sont  extraits  ces  « chants »…

 

en mars 2012,  c’est  le  chant  3

—–

vitrail: Georges Braque: oiseau violet - fondation Maeght ( 06)

CHANT IV

Rivière en moi,
oiseau qui vole dans mes veines,
la voix qui ne sortait pas
restait suspendue
dans le précipice de la gorge
ou descendait tailler à couteaux le coeur.

La voix enfermée,
la voix dans la chair,
déchaînait la mer avec une larme.

Mais aujourd’hui est sortie la voix
qui coulait dans les veines,
la voix qui brûlait dans les ténèbres.

Une épée coupa le silence
et des nuages de corbeaux volèrent dans le vide.

La rauque obscurité roula par terre
et la panthère noire
qui se débattait dans mes poumons.
Foudre lente et obstinée,
soleil dans la gorge,
la voix de rocher brisé par la voix
a rompu la bête sans bouche.

peinture; John Marin - The Sea, Cape Split,- Washington, Dc

Les vagues chargées de couteaux
déversent dans l’air
des paniers de poissons.

La voix,
ce moment où le sang est transparent,
cataracte vers le haut,
fleuve qui saute le précipice,
est sortie m’emportant.

La voix poussée par des corbeaux,
poussée par des éléphants sous terre
poussée par des baleines,entre en toi jusqu’aux arbres
ou sans sortir de moi
t’entoure.

L’écho a fait crouler les murs,
le silence a brûlé dans le clocher.

Notre coeur sera bientôt notre bouche,
la voix sera vue, touchée et respirée ;

la pluie, uniquement ce que tu chantes.

Vers ta voix émigreront les hirondelles,
vers ta voix se tourneront les héliotropes.
Clair de ta voix sera l’espace,
profond de ta voix l’abîme.

Aujourd’hui c’est la vendange de l’air.

—-

en cliquant  sur le mot  clef  Augusto Lunel,  – (  lien  en bleu sous l’article )  -vous trouverez  d’autres parutions  liées  à cet auteur péruvien,  dont les  chants précédents,par exemple  le 7