Din Mehmeti – Naissance
peinture: étude de nuages – John Constable
Les nuages se donnent la charge,
tels une armée d’enragés.
D’en haut et d’en bas
descendent ou montent des monstres
de tous âges.
Les cloches se brisent quand divorcent les idéaux.
Mais cette cité que vous trouverez
toujours en état de veille
et l’ombre des arbres monte la garde
sur les ponts jetés par-dessus le sang des veines.
Je suis vivant,
debout sur mes jambes.
Quelque chose aspire l’âme
une chose est en train de naître.
Nos yeux sauront la voir.
Passent et repassent mes nostalgies.
Din Mehmeti est un auteur d’origine albanaise. Il vit au Kosovo. voir son ouvrage » il est temps «
Jacques Lovichi – Piazzale Michelangelo
Piazzale Michelangelo
les ombres courent sur la ville
océan des cloches
soudain
Dire juste le tremblement
cette fêlure dans la vitre
la pluie de cendres sans oubli
Un autre jour meurt.
Absorber l’idée même de la nuit – ( RC )
Les bois se taisent
quand les noces des vents s’apaisent,
et c’est la nuit
qui emporte tous les bruits …
( mais pas une nuit rêvée,
celle que l’on peut trouver,
quand une partie de la terre,
effacée de la sphère
plonge dans le sommeil,
en absence de soleil ).
Les criquets et les cloches des villages
cessent leurs commérages
à partir du moment où l’obscurité
étend son royaume indompté
dont la noirceur
occupe l’intérieur,
et celui des gouffres
à l’odeur de soufre,
et les grottes cathédrales,
dont le noir total
est un monde à part entière,
se tenant éloigné de la terre.
C’est comme si l’extérieur,
ses joies et ses peurs,
n’avaient jamais existé,
jamais vécu, jamais été,
> juste une existence
remplie par le silence ,
elle , pourtant si proche,
cachée derrière une paroi de roches,
jusqu’à en devenir une idée d’infini,
absorbant l’idée même de la nuit .
.
–
RC – janv 2016
Matera – Basilicate – ( RC )
vue partielle ( bas de la ville de Matera, province de Basilicate, Italie du sud )
—
Une ville subsiste,
en équilibre sur le bord de la falaise.
Elle s’est agrippée à son passé,
en continuant nonchalamment
à arborer sa présence
de ses dalles posées là,
et qui demeurent.
La nécropole creusée dans le roc,
– une plateforme toujours nue –
et dont on a rempli les creux,
( conservant la forme humaine ),
avec du ciment ,
– pour des raisons pratiques –
Les herbes sèches, secouées par le vent,
se défendent du pittoresque
et de l’admiration vulgaire
d’un décorum importé,
comme pourrait l’être
l’alignement de bacs à fleurs.
Elles, ne pouvant subsister
que grâce à un terreau,
ou un sol, qu’on ne trouve pas ici.
Certes les visiteurs sont les bienvenus,
mais la vie continue,
sans sacrifier aux dieux du tourisme .
Le cirque de pierres en équilibre,
Creusé d’alvéoles,
s’ouvre à un ciel d’éternité .
Plus haut, c’est toujours l’animation:
les klaxons, le bourdon des scooters,
particulièrement les jours de marché .
A heures régulières,
les cloches des églises, s’emballent
se faisant écho les unes aux autres.
–
RC – juin 2015
Joseph Brodsky – Elegie
–
ÉLÉGIE
Ma bonne amie, c’est bien toujours le même
bistrot, le même barbouillage aux murs,
les mêmes prix… Le vin est-il meilleur?
Je ne crois pas. Non, ni meilleur ni pire.
Pas de progrès, et c’est très bien ainsi.
Seul le pilote de l’avion postal
picole, ange déchu.
Les violons
continuent de troubler, par habitude,
mon imagination.
A la fenêtre,
blancs comme la virginité, des toits.
Les cloches sonnent. Il fait déjà sombre.
Pourquoi as-tu menti?
Pourquoi mon ouïe
ne sait plus distinguer la vérité
et le mensonge, veut des mots nouveaux,
sourds, étrangers, que tu ne connais pas
mais qui ne peuvent être prononcés
que par ta voix, comme avant…
Joseph Brodsky
1968
(Traduit par Michel Aucouturier)(éditions Gallimard)
Joseph Brodsky – Elégie
–
ÉLÉGIE
Ma bonne amie, c’est bien toujours le même
bistrot, le même barbouillage aux murs,
les mêmes prix… Le vin est-il meilleur?
Je ne crois pas. Non, ni meilleur ni pire.
Pas de progrès, et c’est très bien ainsi.
Seul le pilote de l’avion postal
picole, ange déchu.
Les violons
continuent de troubler, par habitude,
mon imagination.
A la fenêtre,
blancs comme la virginité, des toits.
Les cloches sonnent. Il fait déjà sombre.
Pourquoi as-tu menti?
Pourquoi mon ouïe
ne sait plus distinguer la vérité
et le mensonge, veut des mots nouveaux,
sourds, étrangers, que tu ne connais pas
mais qui ne peuvent être prononcés
que par ta voix, comme avant…
Joseph Brodsky
1968
(Traduit par Michel Aucouturier)(éditions Gallimard)
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