Cathy Garcia – Printemps Païen
peinture – détail de Cl Monet
Papillotes bleues qui dansent,
Papillons heureux qui s’élancent
Dans le vaste le ciel
Mouillé de pastel !
Clochettes qui vont par les chemins,
Porteuses de bonnes nouvelles,
Froissant leurs ailes sur les herbes
Parfumées.
Cortège étincelant, Vibrionnant de soleil !
Clavecins huilés
Qui bruissent
Dans les champs d’azur !
Corolles lisses, touches
De blanc pur,
Si fragiles
Et maintes fois déflorées
Par un doux et vigoureux
Bourdon déluré.
Bat le tambour de la terre,
Cœur de mésange chaud et palpitant
Et dansent les filles légères,
Leur robe en fleurs !
Sonnent les fifres,
Chantent les alouettes,
Les rats des champs
Sortent en guinguette!
Les nuages pompeux
Entrent dans la danse
Et tournent,
Tournent de plus en plus vite !
Ils enflent, s’assombrissent
Jusqu’à se brouiller entre eux
Et moi qui dansais avec eux,
Le nez en l’air,
Le cul par terre,
J’entends le crépitement
De leur rage qui ruisselle
Sur ma pauvre pomme
Inondée de joie !
Jean Baptiste Tati-Loutard – Nouvelles de ma mère
NOUVELLES DE MA MÈRE
Je suis maintenant très haut dans l’arbre des saisons ;
En bas je contemple la terre ferme du passé.
Quand les champs s’ouvraient aux semailles,
Avant que le baobab n’épaule quelques oiseaux
Au premier signal du soleil,
Ce sont tes pas qui chantaient autour de moi :
Grains de clochettes rythmant mes ablutions.
Je suis maintenant très haut dans l’arbre des saisons.
Apprends par ce quinzième jour de lune,
Que ce sont les larmes ― jusqu’ici ―
Qui comblent ton absence,
Allègent goutte à goutte ton image
Trop lourde sur ma pupille ;
Le soir sur ma natte je veille toute trempée de toi
Comme si tu m’habitais une seconde fois.
Janvier 1965
–
Jean-Baptiste Tati Loutard, Poèmes de la mer, C.L.É., Yaoundé, 1968 in Poésie africaine, Anthologie, Six poètes d’Afrique francophone, Éditions Points, 2010
Paul Celan – Siberien
extrait du blog très fourni et riche en littératures passionantes…de brigetoun
SIBERIEN
ne t’y joignais pas, c’étaient,
tu le penses, les tiennes.
Le cygne-corbeau était suspendu
devant les premières étoiles :
fente des paupières dévorée,
se tenait un visage – aussi
sous cette ombre.
Petite, dans le vent de glace
oubliée, petite
clochette
avec ton
caillou blanc dans la bouche.
Moi aussi,
j’ai la pierre aux couleurs-de-mille-ans
dans la gorge, la pierre du coeur,
à moi aussi,
il me vient du vert de gris
sur la lèvre.
À travers les champs de décombres, ici,
par la mer de laîches, aujourd’hui,
elle passe, notre
route de bronze.
Je suis couché là et te parle,
un doigt
écorché vif.
Paul Celan
« La rose de personne »
Éditions Corti