Elle fonce
Agusti Pons – Quand il m’embrasse, des baisers de sa bouche

et son souffle confond le mien
et son bras dur rejoint nos corps
et son désir se propage lentement.
Ah, qui pourrait alors arrêter les heures!
Arrêter le monde et sa rotation lente:
capturer l’Éternel comme si un secret inutile
nous transformait en lumière de l’univers.
Quand il vient à moi
mon parfum le réclame
et mes cheveux parfumés, impatients,
et mon sourire trahit mon amour
comme si amoureux , l’amant était piégé!
Je suis en colère contre le vent quand je suis son refuge
et le protège de tout malheur:
je me donne à lui – et je le deviens –
et avec lui je soutiens notre seul mirage:
le royaume des dieux et le sable du désert.
Pour combattre les mauvaises odeurs – ( RC )
Ventile les mauvaises odeurs ! ,
l’orgue est enrhumé,
la brume a envahi l’église
par le vitrail brisé
un jour, par une pierre.
On ne sait d’où vient cette colère…
un saint de plâtre
a perdu un bras
et rejoint les deux charognes
sur les allées.
Dieu a refusé
d’accepter les infidèles,
( ils n’avaient pas cotisé assez
pour une place au ciel ) .
Alors , ceux qui prient
contournent les cadavres,
que la lumière accable,
ventilent les mauvaises odeurs:
-
A-t-on prévu assez de cierges parfumés ?
RC
Petits chagrins et grands mépris – (Susanne Derève)
Michel Cure – Sidonie
Je bricole, je répare
les petits tourments de la vie
et parfois les grands
Faut voir
Peut-être suis-je la mémoire
de ceux que tout a trahi
qui se détournent du miroir
où traine un vieux reste de gloire
dont ils ont dû payer le prix
Je remmaille, je rapièce
Non, je suis pas payée aux pièces
et j’accueille au creux de mes bras
la grande peur de cette abbesse
faneuse qui soumet les rois
Devrais-je dire le chagrin de ceux
qui n’ont que le mépris en gage
et qui s’en vont un beau matin
offrir leur colère en partage
en rêvant à d’autres destins
Je bricole, je répare
les petits tourments de la vie
petits déboires et grands mépris
et dans la tombe chaque soir
je les enfouis
Il y avait , sur le dessin – ( RC )
Brooklyn Street-art
–
Il y avait sur le dessin
des ombres, mais aussi des couleurs
qui sont venues habiller le mur.
A travers les grilles,
je le voyais
avec ses fleurs blanches et pourpres,
mais aussi le ciel plombé
d’un proche orage,
Il faisait ce contraste au bonheur
et aussi le mettait en valeur .
Il y avait ,
—– ( car un jour de colère,
quand le cœur se déchire,
j’ai voulu effacer les clématites
avec un chiffon et de l’essence ).
Quand le regard s’y pose,
on voit que tout a dégouliné :
Ce n’était pourtant pas suite à l’averse :
tout n’est pas complètement gommé:
je ne repars pas d’une toile vierge :
on devine bien des choses,
malgré le repentir
on y voit des restes de bonheur
que je n’ai pas pu
( ou pas voulu )
complètement effacer …
RC – août 2018
Miquel Marti I Pol – Absence
( interprété librement à partir d’une traduction bancale du texte original en catalan ).
peinture: Dillon Samuelson
Il y a toujours quelque chose,
un souffle, une parole, un mot
qui remplit le manque de toi ;
c’est cette armure qui me protège
du cauchemar de la colère et de la tristesse.
Après, tu deviens présente
dans chaque vers écrit,
et quand je les redis , solitaire,
il n’y a pas de distance entre ton corps et le mien,
unis toujours davantage dans le poème .
René Depestre – Minerai noir
Quand la sueur de l’Indien se trouva brusquement tarie par le soleil
Quand la frénésie de l’or draina au marché la dernière goutte de sang indien
De sorte qu’il ne resta plus un seul Indien aux alentours des mines d’or
On se tourna vers le fleuve musculaire de l’Afrique
Pour assurer la relève du désespoir
Alors commença la ruée vers l’inépuisable
Trésorerie de la chair noire
Alors commença la bousculade échevelée
Vers le rayonnant midi du corps noir
Et toute la terre retentit du vacarme des pioches
Dans l’épaisseur du minerai noir
Et tout juste si des chimistes ne pensèrent
Au moyen d’obtenir quelque alliage précieux
Avec le métal noir tout juste si des dames ne
Rêvèrent d’une batterie de cuisine
En nègre du Sénégal d’un service à thé
En massif négrillon des Antilles
Tout juste si quelque curé
Ne promit à sa paroisse
Une cloche coulée dans la sonorité du sang noir
Ou encore si un brave Père Noël ne songea
Pour sa visite annuelle
À des petits soldats de plomb noir
Ou si quelque vaillant capitaine
Ne tailla son épée dans l’ébène minéral
Toute la terre retentit de la secousse des foreuses
Dans les entrailles de ma race
Dans le gisement musculaire de l’homme noir
Voilà de nombreux siècles que dure l’extraction
Des merveilles de cette race
Ô couches métalliques de mon peuple
Minerai inépuisable de rosée humaine
Combien de pirates ont exploré de leurs armes
Les profondeurs obscures de ta chair
Combien de flibustiers se sont frayé leur chemin
À travers la riche végétation des clartés de ton corps
Jonchant tes années de tiges mortes
Et de flaques de larmes
Peuple dévalisé peuple de fond en comble retourné
Comme une terre en labours
Peuple défriché pour l’enrichissement
Des grandes foires du monde
Mûris ton grisou dans le secret de ta nuit corporelle
Nul n’osera plus couler des canons et des pièces d’or
Dans le noir métal de ta colère en crues.
Digérer le désert – ( RC )
Comme ces animaux, dont l’apparence se coule dans le fond,
Tu habites le désert, et t’y confonds.
Femme des sables, tu n’espères que les courants,
Les vagues d’un océan de dunes, qui, lentement, se déplacent.
Tu te couches dans le sable, tu t’étends sur l’horizon,
dont rien n’arrête la fuite.
Tu regardes passer les caravanes, mesurant le temps,
dans leur progression lente.
Tes désirs sont une piste, aspirée dans un mirage .
Et cette piste, s’efface avec le vent .
Ainsi la vie s’étire, blanche, sous la lumière brûlante,
écrasant tout de son feu.
Et comme l’ombre est rare, juste celle de buissons épineux,
tu attends que le jour bascule, ne souhaitant rien .
Le violet de la nuit s’orne d’une lune interrogative .
Si tu jette des cailloux vers les étoiles, elles te les renvoient .
Tu peux les maudire, elles restent indifférentes à ton sort.
Elles contemplent d’autres pays.
Ceux dont tu n’as pas l’idée, enchaînée par la distance .
Il ne reste que les pierres, où se concentre ta colère .
Juste le temps que tu digères le désert.
RC – oct 2015
Denis Scheubel – ce que tu as, ils en font du courant électrique
extrait de « about Rock, Sex ans the cities »
–
Confie-leur ta colère, ce que tu as
Ils en font du courant électrique
En remplissant la salle jusqu’au toit
Et le matin fera de leur art une relique.
Rêves d’Amérique – ( RC )
–
C’est une image que colporte le rêve :
C’est toujours mieux ailleurs,
Alors…
Tu as rêvé de l’Amérique,
Comme tant d’autres ,
parcourant les mythes,
et celui, bien entretenu,
de la géante de cuivre,
portant haut la flamme, et ceinte,
Comme pourraient l’être ceux qui s’en réclament,
D’une bannière aux multiples étoiles,
Etoiles blanches sur un bleu profond,
parfaitement alignées,
comme les tombes, dans les cimetières de la liberté,
des soldats ( américains, justement).
« America, America » d’Elia Kazan,
révèle le parcours de l’immigrant,
prêt à affronter tous les obstacles,
pour réaliser son rêve, qui coïncide aussi
à la perte de son identité,
parti pour un voyage sans retour.
Vivant de l’intérieur la sensation de déracinement
malgré son désir d’appartenance .
Les hommes qu’on croise,
n’ont plus le visage des conquérants.
Seul le commerce porte à le croire :
Ils ont les paupières lourdes ;
Ils ont englouti leur passé,
Et n’ignorent plus que ,
sur la bannière,
Les bandes rouges peuvent être aussi,
Un chemin de sang,
Comme l’a été celui de millions d’hommes,
Importés comme esclaves,
Il n’y a pas si longtemps.
Tu as rêvé d’Amérique,
Mais les étoiles ont pâli,
Et le ciel est sale.
La liberté tant vantée,
( surtout celle de faire de l’argent, )
Se mesure à leur poids de dollars
Où rivalisent ceux qui ont réussi.
C’est une partie de l’Amérique qui fanfaronne,
qui joue de sa sur-puissance,
et va guerroyer au Viet-Nam, ou ailleurs.
Mais il y a l’autre côté, qui étend ses bras de pieuvre
Le côté plus obscur, celui
des « raisins de la colère »,
Celui des hommes meurtris,
Dont on ne parle pas .
Eux connaissent l’Amérique de l’intérieur,
Et leur destin empêché les enfonce
dans la catégorie des « loosers » :
Leurs songes ne sont pas les mêmes… ;
Les étoiles se sont changées en pluie de larmes…
—
Ainsi , tu ne rêves plus d’Amérique ?
–
RC – juill 2015
Thomas Pontillo – Dans la nuit ( extrait de Incantations )
–
Dans la nuit qu’aucun passant n’arraisonne,
vivre est déjà un chien errant,
parmi les roses de la colère
quelques visages s’ouvrent à l’éblouissant chaos.
Dans la nuit qu’aucun mot n’interroge,
j’entends mes jardins d’enfance écarter l’hiver de leurs branches,
mais où vont nos amis perdus,
vers quelles contrées, pour quel tourment ?
Dans la nuit qu’aucun arbre ne console
il y a un homme agenouillé dans ses paroles,
il mêle le passé au présent et c’est toujours
le même orage à ses tempes.
Jorge-Luis Borgès – Insomnie
photo: montage perso
–
Légendairement petit et lointain est désormais ce moment où les horloges versèrent un minuit absolu.
Ces six murs étroits emplis d’une éternité étroite me suffoquent.
Et dans mon crâne vibre encore cette pitoyable flamme d’alcool qui ne veut pas s’éteindre.
Qui ne peut pas s’éteindre.
Réduction à l’absurde du problème de l’immortalité de l’âme.
Trop de couchants m’ont rendu exsangue.
La fenêtre synthétise le geste solitaire de la lanterne.
Film cinématique plausible et parcheminé.
La fenêtre aimante toutes les oeillades inquiètes.
Combien m’étranglent les cordes de l’horizon.
Pleut-il? Quelle morphine ces aiguilles injecteront-elles aux rues?
Non.
Ce sont de vagues lambeaux de siècles qui gouttent, isochrones, du plafond.
C’est la lente litanie du sang.
Ce sont les dents de l’obscurité qui rongent les murs.
Sous les paupières ondoient et s’éteignent à nouveau les tempêtes brisées.
Les jours sont tous de papier bleu, minutieusement découpés par les mêmes ciseaux sur le trou inexistant du Cosmos.
Le souvenir allume une lampe:
Une fois de plus nous traînons avec nous cette rue si joyeusement pavoisée de linge tendu.
Le piano luxuriant du Tupi s’est évanoui au loin.
Le soleil, ventilateur vertigineux, élague les demeures décaties.
En nous voyant tanguer en tant de spirales les portes rient aux éclats.
Pedro-Luis me confie: – Je suis un homme bon, Jorge.
Tu es un homme bon, Jorge… ça nous passera avec une petite tasse de café.
Les yeux éclatent quand les frappent les pales du soleil.
Quel hangar abritera à jamais les émotions?
Il existe à n’en pas douter une dimension ultra-spatiale où toutes sont des formes d’une force disponible et soumise.
Comme l’eau et l’électricité dans notre dimension.
Colère. Anarchisme. Faim sexuelle.
Artifice pour nous faire vibrer sous la magie.
Aucune pierre ne brise la nuit.
Aucune main n’avive les cendres du bûcher de tous les étendards.
–
.
Etienne de l’Abbaye – A l’avant de sa colère
sculpture: J Pierre Baldini
–
A l’avant de sa colère
E de l’Abbaye propose beaucoup de ses créations sur son site « carburatrices »
–
Vois le navire, il s’enlise – (RC )
–
Tanguent les beaux navires …
La mer n’est pas fidèle
Soudainement froncée de sels,
– L’horizon y chavire,
Au milieu de montagnes d’écume,
Vois le navire, il s’enlise,
Et des vagues subit l’emprise
Perdu sous le tissu des brumes…
– Sous la tempête inhumaine,
Que deviennent les ailes des bateaux,
Et qu’il pleut à seaux,
Quand les océans se déchaînent ?
Partis, fiers matelots
Maintenant , marins épuisés,
Mats et coques brisés,
Et les voiles en lambeaux…
Sombres les espoirs,
Autres qu’une dérive,
Et sans autre perspective
— Que la mer à boire…
Sous des paquets d’eau,
D’émeraude profonde,
Il y a dessous , tout un monde,
… Une foule aux yeux clos,
Des poissons des abysses,
Aux promesses de naufrages
Se fraient un passage,
Remontant des précipices.
Nourris de l’imagination,
De l’esprit du dessinateur,
Voila , de toutes les peurs,
Le réel, dépassant la fiction.
Les calamars géants,
Au regard incrédule,
Déploient leurs tentacules,
Sous un ciel phosphorescent,
Avides d’un prochain repas,
Sous la colère des éléments,
Les monstres attendent patiemment
Du frêle navire, le trépas….
….
Lorsque la tempête retombe,
Flottent encore quelques débris,
Il n’y a plus d’elle , qu’une mer assombrie,
De tout son poids de masse profonde.
—
RC – février 2014
Luis Cernuda – Je dirai la naissance
–
Je dirai la naissance
Je dirai la naissance des plaisirs interdits,
Comme un désir qui naît sur des tours d’épouvante,
Barreaux menaçants, fiel décoloré,
Nuit pétrifiée sous la force des poings,
Devant vous tous, même le plus rebelle,
Qui ne s’épanouir que dans la vie sans murs.
Cuirasse impénétrable, lances ou poignards,
Tout peut servir à déformer un corps ;
Ton désir est de boire à ces feuilles lascives,
Ou dormir dans cette eau caressante.
Qu’importe;
On l’a proclamé : ton esprit est impur.
La pureté, qu’importe, les dons que le destin a portés jusqu’au ciel, de ses mains immortelles ;
Qu’importe la Jeunesse, un rêve plutôt qu’un homme,
Au sourire aussi noble, plage de soie dans le déchaînement
Ces plaisirs interdits, ces planètes terrestres ,
Membres de marbre à la saveur d’été,
Suc des éponges abandonnées par la mer,
Fleurs de métal, sonores comme la poitrine d’un homme.
Solitudes hautaines, couronnes renversées,
Libertés mémorables manteau de jeunesses;
Qui insulte ces fruits, ténèbres sur la langue.
Est aussi vil qu’un roi, ou qu’une ombre de roi
Qui se traînerait aux pieds de la terre
Pour ne quémander qu’un lambeau de vie.
Il ignorait les limites dictées.
Limites de métal ou de papier,
Car le hasard lui fit ouvrir les yeux sous un jour si intense
Que n’atteignent pas des réalités vides,
D’immondes lois, des codes, des rues de paysages en ruines,
et si l’on tend alors la main,
On se heurte à des montagnes d’interdits.
Des bois impénétrables qui disent non,
Une mer qui dévore des adolescents rebelles.
Mais si l’opprobre et la mort , la colère et l’outrage ,
Ces dents avides qui attendent leur proie,
Menacent de déchaîner leurs torrents,
Vous autres, en revanche, mes plaisirs interdits,
Orgueil d’airain, ou blasphème qui ne renverse rien,
Vous offrez dans vos mains le mystère.
Un goût qui n’est souillé par nulle amertume,
Un ciel, un ciel chargé d’éclairs dévastateurs.
A bas. statues anonymes,
Ombre de l’ombre, misère, préceptes de brume
Une étincelle de ces plaisirs
Brille en cette heure vengeresse.
Son éclat peut détruire votre monde.
——
extrait de » Plaisirs interdits »
–
Annie Lafrenière – Le triomphe de la colère
–
Leurs poings
chargés de plomb
peuplés de sang
éparpillés
dans l’étroitesse des amours absents
s’exhibent
avides d’éclat, défaits
cloués à la paroi
des limbes qui me bardent
un sourire pour toute lumière
chargée à blanc
je me tue pour leur survivre
et la pointe du jour m’emporte
plus neuve qu’aucune naissance
la colère liée au poing
le vertige du déclin
délestés comme des corps qui éclatent
avalés par l’asphalte qui les remet au monde
Thomas Pontillo – extrait de « Carnet pour habiter le jour »
N’être que colère
et ne pas être colère,
avoir de l’appétit pour un mystère
qui provoque félicité.
Tu tourmentes le secret
puis reviens boire l’eau fraîche dans les arbres.
La lumière a ton regard ( RC )
–
–
À quoi ressembleront tes yeux ,
S’ils reflètent les flaques du ciel,
A travers vents et colère,
Traversant l’amer… ?
–
Se précipite la déchirure du ciel,
Le roulis des nuées grises,
Le plomb du poids des vagues,
S’écrasant sur la coque.
–
Sillage de solitude,
Je suis l’oiseau des îles,
Aux ailes immobiles,
Parcours, inattendu,
–
Sérénité repoussant l’orage,
Dépliant ses pages,
Hors du chaos du monde,
Guidant le voilier à bon port.
–
Si la mer, s’ouvre soudain,
Comme dans la légende,
Et laisse ses murs de verre,
Comme en suspension,
–
Et si tes yeux ainsi,
Retrouvent leur lumière,
Alors, je pourrai peut-être
Croiser à nouveau ton regard.
–
RC – 17 septembre 2013
–
Nuit carmine ( RC ) – « réponse à Lamber Sav »

sculpture : Athar Jaber
Fleurs de sang,
Je ne vous connais ,
Sous la peau, – sous ta peau
Que lorsque s’ouvre,
Le tranchant d’une blessure…
J’entrevois le sommet d’une vague
Et parfois aussi son bruit .
Mon souffle a l’inflexion de la nuit,
Et cette nuit carmine,
Je la porte en toi.
Se suspendre aux nuages,
Est une méprise,
Les couleurs et lavis,
Ne sont intenses
Qu’au fond de toi-même,
La vie s’y propulse,
De corps à coeur,
Et si tu soupires,
Contre le corps dressé
De l’arbre,
Pense que ses veines,
Sont semblables aux tiennes,
Et avant que d’une frêle pousse,
Ne se dresse de fières colonnes,
Combien d’années de sève,
Il faut,
Pour que la colère et la tristesse,
S’apaise et se rassure,
Comme aussi, le temps s’apprivoise,
Et que je me fonde en ton feuillage.
> Aussi à y disparaître.
–
RC – 12 août 2013
–
incitation: Lamber Sav, avec « appréhension »
appréhension
sans métaphore écrasé par la chaleur
au bout du chemin
voyant les vaches dévaler dans le pré
assis sur une fourmilière
le moi bouillonne et se perd
la méditation
en wanderer
désasphyxie
ce serait de se fondre en feuillage
reprendre le chant de l’oiseau
dans l’air les nuées de mouches
se suspendre au nuage
est une méprise
se délave aux orages
tumulte
défiance
en somme
émettre les épingles des pins
en petits tas où poser la tête
aux herbes sèchent les fleurs
vice aux écorces et au sang
sans l’écrire
forcer son souffle
prévoir
aspirer
un poème
apaise et assure
le halètement du pouls contrarié
les couleurs et le lavis
les lignes foncées
la trachée de l’aorte
sont ce des tâches ces ports du rythme ?
tout et voir est affaire de respiration
mise à distance de ce qui est méprisable
la colère et la tristesse
sont dans le paysage
l’homme contre le tronc soupire
il aspire à disparaître
Getsuju
–
Ernest Pépin – Le vent m’a demandé

Le vent m’a demandé
Quelle est ton histoire
C’est une histoire de vents et de mers enchaînés
Une histoire de caravelles et de bateaux négriers
Une histoire d’îles volées et de cimetières d’eau salée
Le vent m’a demandé
Quelle est ton histoire
C’est une histoire de cannes et de jardins créoles
Une histoire de maîtres et d’esclaves tourmentés par l’histoire
Une histoire des couleurs du monde
Une histoire de peuples qui déménagent les greniers du monde
Une goutte d’île dans l’histoire des continents
Le vent m’a demandé
Quelle est ton histoire
C’est une histoire de crabes amarrés et de liberté
Une histoire des droits de l’homme et de femmes violées
Une histoire de citoyens à part
Une histoire d’îles à part
Le vent m’a demandé
Quelle est ton histoire
C’est une histoire de révoltes et de nègres marrons
Une histoire de langue que j’ai inventée avec des restes de langues et des étincelles de mer
Une histoire d’épices et de cuisine créole
(Toute chose brûlante au midi de la faim)
Une histoire de femmes sans ailes et d’enfants arc-en-ciel
Une histoire d’êtres humains à réinventer
Le vent m’a demandé
Quelle est ton histoire
C’est une histoire de salaisons
Une histoire de rhum et de sucre amer
C’est une histoire de marchandises importées et d’idées toutes neuves
Une histoire de cyclones
De mémoire de volcans
De gens contrariés
Une histoire d’île en somme
Qui cherche son chemin sur la carte des oiseaux-malfinis
Le vent m’a demandé
Quelle est ton histoire
J’ai répondu
C’est l’histoire d’un vent fou de colère contre des siècles d’histoire
Querbes, le 07 août 09.
D’autres textes de E Pepin, sur « recoursaupoème »
Anna Niarakis – A tu
Anna Niarakis, auteure grecque, nous transmet ce texte avec quelques maladresses grammaticales ( voulues, je suppose), qui évoquent la saveur d’un accent étranger
A tu
A tu, s’adresse ce poème.
Comme tant d’autres.
A tu, qui tu graves hiéroglyphes
sous la lune d’un désert.
Ou d’une ville déserte, tachant
ses murs sales avec peinture rouge.
Errant, aube
Demi éméché, demi fou
dans les rues, places et des permis
autoroutes,
immobile.
A tu, qui tient à l’écart
de silence, bégayant devant
Le feu et sa colère égarée
Qui tu plantes jacinthes dans un
colline sec de mots morts et
tu attends le printemps.
Corps des impulsions déséquilibres
soigné
solide et lourd
dans la clarté de ta tristesse.
Perdu.
Tu découvres ce que tu
vas perdre encore et encore.
Tu secoues du noir
les épaulettes colorées
et tu tires ta route
Espoir improbable de mon obsession.
À tu,
que je ne connais pas
qui tu es,
Je sais seulement que
tu viens…
.
Anna Niarakis
climat mental ,et climat atmosphérique (RC)
climat mental , et climat atmosphérique
se lisent en parallèle ( ou en méridiens )
Ainsi peuvent s’agiter les airs
Vents et colère
Comme esprit et mental,
en saison automnale
RC – 1er juin 2012
–
Cribas: Fausse signature…(J.I 35)
A la pêche aux anciens écrits de Cribas… j’ai remonté des profondeurs..
Cribas: Fausse signature…(J.I 35)
Par Cribas le dimanche 17 décembre 2006, 19:04 – Cribas 2006 – Lien permanent
L’incursion de mon existence, en pleine vie, ce n’est pas une mince affaire.
Et pourtant…
Je supporte plus facilement ma plume lorsqu’elle est en vie, que ma vie qui me vole dans les plumes.
Je me moque de la vie, et de sa poésie contestable, c’est à n’y plus rien comprendre !
D’ailleurs, je n’ai jamais rien compris !
Je me suis donné, comme un don !
J’aime bien l’automne et ses vitres troublées.
J’aime bien la ramener, ma grande gueule pour pas un rond.
J’aime les tains sordides sur mes doubles fonds.
J’aime les couleurs
En l’occurrence sur mes réseaux.
J’aime être à fleur
J’aime courir après mon souriceau.
J’ai des idées noires
Sur mon tableau blanc
Et j’efface tous mes souvenirs
Avec la craie chaque soir
Je me vérifie
En hurlant que j’écris pour l’à venir.
L’incursion de mon existence
Inversée dans le fond
A l’extérieur sur mon tableau noir.
Moi je sais monsieur
Je calcule avec un bandeau sur les yeux
Les plus-values de ma destination.
Mourir ?
Même pas peur !
Je vis ma rancœur
Insipide dans le pire !
Et je prends des rides
Et mon visage sa vigueur,
Ma sale gueule à la rigueur
Mais toujours mon regard moins vide !
L’excursion de mes insistances
Ouvre ma fenêtre en brisant les vitres
Du cœur sordide de mes nonchalances.
Non sans résistance
Sur mon tableau blanc
J’ai encore mes idées noires…
J’aime bien vivre en hiver
Pleurer dans le silence
Et à double tour.
J’aime bien vivre en enfer.
Et dans l’insignifiance
Insulter encore ma mère !
Je montre du doigt
Toutes mes petites colères
Et ça se voit
Sur le train-train de mes radiateurs
Ça se règle ça se ressent
Mon besoin de chaleur.
Il fait « trop » bon chez moi
Comme à la maison dis
Moi que tu même…
Et je tenterais avec « mais si »
De te rendre la pareille !
J’entends les cloches de mon village
Et les sirènes sur ma ville
J’ai un peu perdu le surnom de mon gage
Et l’innocent règne sur mes sourcils.
J’ai le regard amorphe
Mon tableau blanc
Et mes idées noires dans le coffre
Je fonce à la même vitesse
Que les fausses signatures fières
Tendues solitaires, à ma maîtresse.
J’aime bien vivre en enfer !
Mais je prends des rides
Et mon visage sa rigueur !
Dans le grand froid
Des sudations de mes peurs…
–
Anna Akhmatova – Les fleurs du rendez-vous manqué
Autour du cou un fin rosaire,
Des mains cachées dans un manchon,
Des yeux distraits et sans colère
Qui jamais plus ne pleureront.
Un visage qui semble pâle,
A cause du satin lilas;
Jusqu’aux sourcils mêmes, s’étale
Ma frange qui ne boucle pas .
La démarche est lente, incertaine ,
Et n’a rien du vol d’un oiseau,
Comme si le parquet de chêne
Etait sous mes pieds un radeau.
La bouche entrouverte et chagrine,
Je suis tout près de suffoquer,
Et frissonnent sur ma poitrine
Les fleurs du rendez-vous manqué.
(1921)
Tu danses la poussière (RC)
–
Tu danses la poussière
Habites la colère
D’un regard fier
Tu essuies la lumière
Suspendue à mes lèvres
Grand risque de fièvre
Dans un réel avide
En corps limpide
Je combine le désir
Sans aller moisir
En figures de cire
Sous la nuit qui transpire
Le parfum de mon rêve
D’ un espace sans trève
Qu’un néant colore
Saveur de corps encore
Sans soucis, sans effort
Que je retiens encore
Ma broderie à lier,douce
Roule sans amasser mousses
D’un certain décret
Nos deux jardins secrets
Basculent en folie bleue
Des paroles et feux.
RCh 19 janv 2012
( danser la poussière se réfère aux bals populaires africains dits « bals poussière »… car ils ont souvent lieu dans une zone non goudronnée, donc… )