Robert Vigneau – l’asperge

Dans le printemps en prière,
L’asperge prend son élan.
Dieu du Ciel, Dieu fait lumière
Qui brille au dessus des champs
Et dessous, autre prodige :
L’asperge dans son terreau
Sort ses griffes, ses rémiges,
Sort des instances d’oiseau,
Des espérances de plumes
Frisant au bec du turion.
La colombe du légume,
Notre asperge en dévotion !
Dans le sable elle voltige,
Tirée verticalement
Vers le ciel, vers ce vertige :
La lumière du printemps.
Fuis l’asperge en couleur d’ange
Sort des envols souterrains.
La clarté lui tend la main.
Alors qui se fait phalange?
Qui choisit Dieu pour arôme?
Qui se glisse dans la paume
Lumineuse du divin ?
Notre asperge du jardin.
James Joyce – musique de chambre – XVII
photo Francesca Woodman
XVII
Ma colombe, belle et si chère,
Eveille-toi, éveille-toi
Sur mes lèvres et mes paupières,
Rosée de nuit repose là.
Le vent fleurant tisse en concert
Tous les soupirs comme des voix
Ma colombe, belle et si chère,
Eveille-toi, éveille-toi !
Près du cèdre là je t’attends,
O toi ma sœur et mon amie,
Ô colombe de ton sein blanc,
Ma poitrine sera le lit.
Pâle rosée vient se poser
Comme un voile par-dessus moi.
Ma colombe, belle et aimée,.
Eveille-toi éveille-toi.
My dove, my beautiful one,
Arise, arise !
The night-dew lies
Upon my lips and eyes.
The odorous winds are weaving
A music of sighs :
Arise, arise,
My dove, my beautiful one !
I wait by the cedar tree,
My sister, my love,
White breast of the dove,
My breast shall be your bed.
The pale dew lies
Like a veil on my head.
My fair one, my fair dove,
Arise, arise !
James Joyce – Ma colombe
montage-peinture: Max Ernst
My dove, my beautiful one,
Arise, arise !
The night-dew lies
Upon my lips and eyes.
The odorous winds are weaving
A music of sighs :
Arise, arise,
My dove, my beautiful one !
I wait by the cedar tree,
My sister, my love,
White breast of the dove,
My breast shall be your bed.
The pale dew lies
Like a veil on my head.
My fair one, my fair dove,
Arise, arise !
XVII
Ma colombe, belle et si chère,
Eveille-toi, éveille-toi
Sur mes lèvres et mes paupières,
Rosée de nuit repose là.
Le vent fleurant tisse en concert
Tous les soupirs comme des voix
Ma colombe, belle et si chère,
Eveille-toi, éveille-toi !
Près du cèdre là je t’attends,
O toi ma sœur et mon amie,
O colombe de ton sein blanc,
Ma poitrine sera le lit.
Pâle rosée vient se poser
Comme un voile par-dessus moi.
Ma colombe, belle et aimée,
Eveille-toi éveille-toi.
- extrait du recueil « musique de chambre «
Sophie Lagal – Camille
sculpture: A Rodin – Maryhill museum of Art
Camille
Tu m’aimes, mon bel amant,
Ma fragile écorce,
qui t’implore.
Mon coeur orageux
qui te dévore.
Ma joie de t’aimer,
encore.
A la soie blanche,
je me suis endormie.
A tes caresses savantes,
je me suis abandonnée.
Voluptueuse.
Promesse d’une terre d’exil.
Orpheline.
Mon bel amant,
Reviendras-tu me lécher de tes étreintes.
Moi, douce colombe blessée
Aux ailes éperdues.
Reviendras-tu me sculpter aux nuits d’été,
déchirant le ciel de nos baisers,
défendus
Mon beau, mon rêve,
J’avalerai ma rage
au ventre dur.
Je t’attendrai,
au marbre, vaincue.
Je sèmerai les fleurs sur le chemin
pour que tu reviennes, brûler l’or de mes mains.
——–
Sophie Lagal, 8 Mars-13 Mars 2013
Colombe, un ange déguisé – ( RC )
dessin: P Picasso
–
Une colombe, ou un ange déguisé
– on ne sait pas –
parcourt un ciel chargé,
les nuages pesant sur les toits.
Une colombe ( ou bien… on ne sait ),
est entrée dans la chambre,
S’est donnée aux miroirs ,
est entrée dans l’oeil,
et l’âme, – peut-être –
tenant dans son bec,
ce qu’il faut d’espoir ,
pour que le regard,
s’échappe au-delà des murs,
accompagne son voyage,
au-delà des orages,
Si loin, si haut,
que le vent, que la mitraille,
ne peuvent pas s’en saisir .
–
RC- nov 2015
Sylva Péron-Berbérian – Guerre et paix
– collection Marina Picasso
–
Je n’entends pas la colombe chanter
J’entends le merle des Indes
La mésange bleue et le roitelet
J’entends la pie boiteuse
La grive nerveuse le cuvelier
Et les oiseaux du monde entier
Mais je n’entends pas la colombe chanter
La colombe qui aimait
D’arbre en arbre voler
Et que l’on a froidement
Assassinée.
Je n’ai pas vu l’olivier
J’ai vu le laurier-rose
L’eucalyptus et le poivrier
J’ai vu le flamboyant
L’hibiscus le caroubier
Et les arbres du monde entier
Mais je n’ai pas vu l’olivier
L’olivier où venait
La colombe se poser
Et que l’on a lâchement
Incendié.
–
Alain Bosquet – Les seins de la reine en bois tourné
–
Les mains de la reine enduites de saindoux
Les oreilles de la reine bouchées de coton
Dans la bouche de la reine un dentier en plâtre
Les seins de la reine en bois tourné
Et moi j’ai apporté ici ma langue chauffée par le vin
Dans ma bouche la salive qui bruit et mousse
Les seins de la reine en bois tourné
Dans la demeure de la reine un cierge jaune se fane
Dans le lit de la reine une bouillotte refroidit
Les miroirs de la reine sont recouverts d’une bâche
Dans le verre de la reine se rouille une seringue
Et moi j’ai apporté ici mon jeune ventre tendu
Mes dents offertes comme des instruments
Les seins de la reine en bois tourné
Des cheveux de la reine tombent les feuilles
Des yeux de la reine tombe une toile d’araignée
Le cœur de la reine éclaté en un sifflement sourd
Le souffle de la reine jaunit sur la vitre
Et moi j’apporte ici une colombe dans une corbeille
Tout un bouquet de ballons dorés
Des cheveux de la reine tombent les feuilles
–
Alain Bosquet (1962)
sculpture assemblage: Marisol Escobar
Raymond Farina – Une colombe une autre
–
« De mémoire d’oiseau »
Ton gris te va à merveille
surtout quand vient le spleen du ciel
quand tu te poses sur l’ardoise
que l’averse vient d’effacer
Au milieu du grand tintamarre
tu hasardes ta cantilène
comme un infime flux sphygmique
dans l’énorme corps de la ville
À l’instant où les nappes claquent
tu as vite fait la synthèse
des miettes qu’on éparpille
avant de rejoindre les tiens
qui tout en s’ébrouant s’enfoncent
avec un discret enthousiasme
dans leur douce orgie de poussières
dans leur minuscule désert
qu’ils signeront de quelques plumes
d’empreintes à peine visibles
–
Cet « article » provient du site des éditions des Vanneaux.
–
Liberté et langue de bois (RC)
–
Le paradoxe de la liberté
C’est de vouloir la regagner
Mais qui a dit qu’on l’avait une fois gagnée?
Ou si on en a l’idée, seulement en petite quantité …
Elle est effectivement délimitée
En actualités et calamités
Et quand on la saisit, c’est de joie
— et quand on la perd, nous sommes aux abois
Aussi tant que peut se faire
Ne pas en faire de mystères ( ni se taire)
C’est l’inverse des politiques et rois
Oui, justement, les grands discours en langue de bois
Une langue ,où parler équivaut à ,ne rien dire
– je préfère dans ce cas un concert de poêles à frire
Et garder la liberté de penser… plutôt que celle, mitée
Des discours des phraseurs (tout en habiletés )
Car même en captivité , l’esprit humain s’échappe
Les colombes volent, et personne ne les attrape
—
RC 11 avril 2012
–
Elégie à la République Espagnole (RC)
–
En hommage au célèbre Guernica de Picasso, aux portraits de la « femme en pleurs », qui ont précédé ce grand tableau, et plus récemment aux « élégies à la République Espagnole », de Robert Motherwell. (expressioniste abstrait américain)
–
L’âme nue, coquillage brisé
Les yeux chavirés
Dans un mouchoir de peau
Les mains tout en angles
S ’accrochant au visage
Au cœur lacéré d’ algues violettes
Un trou dans la vie, la coupe noire
Des avions croisés, écrasant Guernica
La valse des innocents, les éclairs des bombes
Les façades qui explosent, Les fards du défunt
Le rire des fascistes ,leur parfum de mort,
Dans le ciel d’ Espagne de Pablo
L’enfant rouge avale un rasoir
Le bras à l’épée, crispé sur la fleur
D’un dernier vol ivre
Alors que se déchire
La colombe de la paix, et la République
Et que son portrait se lacère
Aux élégies de Motherwell .
–
The naked soul, like a broken shell
Eyes rolled back
Into a tissue of skin
the hands full of angles
Clings to the face
Lacerate the heart with purple algaes
A hole inthe life, the black bowl
Aircraft crossed, crushing Guernica
Waltz of the innocent, lightning of the bombs
The facades that explode, the makeup of the deceased
The laughter of the fascists, their scent of death,
In the sky of Pablo’s Spain
The red child eats a razor
The arm with the sword, clenched on the flower
From a least drunk flight
While rips
The dove of peace, and the Republic
And its lacerating portrait
To the Motherwell’s elegies.
–
RC 5 avril 2012
–
James Joyce – ma colombe
Ma colombe (titre proposé)
Ma colombe, ma belle,
Prend ton envol !
La rosée de la nuit repose
Sur mes lèvres et mes yeux.
Brodent les vents parfumés
Une musique de soupirs :
Prend ton envol,
Ma colombe, ma belle !
J’attends auprès du cèdre,
Ma sœur, mon amour.
Cœur blanc de la colombe,
Ma poitrine sera ton lit.
La rosée pale repose
Comme un voile sur ma tête.
Ma belle, ma jolie colombe,
Prend ton envol !
(traduction de Gilles de Seze : http://gdeseze.free.fr/)
Texte original :
My dove, my beautiful one,
Arise, arise!
The night-dew lies
Upon my lips and eyes.
The odorous winds are weaving
A music of sighs :
Arise, arise,
My dove, my beautiful one!
I wait by the cedar tree,
My sister, my love.
White breast of the dove,
My breast shall be your bed.
The pale dew lies
Like a veil on my head.
My fair one, my fair dove,
Arise, arise !
James Joyce (« Chamber Music« , 1907)