Troncs d’arbres fossiles – ( RC )

Forêt pétrifiée de Varna
Vieilles âmes habillées de bois,
parcourir cette forêt morte,
cette terre inondée,
branches tombées, entremêlées
corps agonisants dans la litière
épaisse des mousses,
linceul de feuilles pourrissantes…
troués par le temps
debout encore , cependant.
Les oiseaux ont déserté les cieux
pour des pays plus accueillants.
Restent les rudiments de ces arbres,
fantômes, fuseaux d’écailles
témoins immobiles d’antan,
d’où a reflué la sève,
aubier poisseux de sédiments,
petit à petit asphyxiés,
imperceptiblement
transmutés en pierre,
désastre de colonnes éparses,
marbre gris évoquant
celles de temples écroulés,
aux rites enfouis profondément
dans une gangue épaisse
gardienne de leur mémoire pétrifiée .
RC
on renverra aussi vers un article évoquant la découverte, en Essonne, de forêts calcifiées)
Le temple du jardin des rois – ( RC )

Des torches de lumière
papillonnent , légères,
poussées par les tilleuls.
Les bancs nous attendent ,
dans un havre préservé du soleil,
à l’orée de la forêt de pierre.
Vois-tu ces colonnes ?
elles ne portent qu’elles-mêmes,
ou une part d’histoire qui ne reste jamais sur place.
Des roses vivaces
cachent leurs épines, derrière leurs feuillages,
et se tournent vers le bassin, immobiles.
Courent derrière les grilles
proches du jardin du palais Royal,
pleins d’insouciance, des enfants .
Ils franchissent d’un bond
les troncs morts des colonnes,
coupées à ras.
L’ombre grignote petit à petit
l’ordonnance des bâtiments sévères :
elle s’agrandit sur la place;
On imagine qu’un temple grec attendait
émergeant à peine du sol,
bientôt envahis de sable, ce sont ses vestiges
où planent les oiseaux de proie
au-dessus de ce que fut jadis
le jardin des rois.
Quelques traits, quelques tiges – ( RC )
Installation Shiaru Shiota
J’ai lancé des traits,
comme on lance un appel dans l’espace.
L’appareil photo a gardé trace de ceux-ci,
mais je n’y suis pas :
trop flou à cause du mouvement,
et de mes habits sombres.
Les traits sont devenus des tiges
avec des fleurs
qui se sont épanouies,
avant de flétrir et de tomber.
Les plantes ont continué de grandir,
et ont traversé le plafond.
Maintenant ce sont des colonnes,
qu’on ne pourrait plus déplacer ;
et c’est déjà un prodige
de pouvoir encore circuler
dans ce rétrécissement de l’espace
où je suis prisonnier.
–
RC – aout 2018
–
cet écrit est inspiré au départ d’une installation de Jacques Vieille, vue il y a longtemps à Lyon, mais dont je n’ai pu retrouver la trace en images… je propose celle-ci à la place…
Armand Robin – Varsovie
Les places ont des bras de cobras,
Les maisons des gorges de paons.
Donnez-moi quelque antique pierre,
Que je me retrouve en Varsovie!
Je me tiens en stylite absurde
Sur la place, sous le candélabre ;
Je louange, admire et maudis
Le cobra, l’abracadabra.
Tel un paladin je m’enfonce
Sous les pathétiques colonnes.
Que me font le « Hall de Luxe » et ses mannequins
Peinturlurés pour le sarcophage ?
Ici les jeunes courent acheter des glaces !
Ha! tous ici sont très jeunes,
Leurs souvenirs confinent à des ruines,
La gamine va bientôt enfanter.
Ce qui a poussé en pierre restera!
Le pathos avec la camelote!
Ici tu apprendras ton alphabet,
Futur poète de Varsovie!
Aime cela en coutumière ornière.
Moi, j’ai chéri d’autres pierres,
Grises, véritablement grandes,
En leur cœur le bruissement des souvenirs.
Les places ont des bras de cobras,
Les maisons des gorges de paons.
Donnez-moi quelque antique pierre,
Que je me retrouve en Varsovie!
Le temple qui fut – ( RC )

peinture Yan Wang–
Ruin of England |
–
Du temple qui fut
Il y a l’ombre des colonnes
( ce qu’il en reste )
qui s’étend sur le sol
et se déplace petit à petit
avec la trajectoire du soleil;
Un astre qui revient avec obstination
caresser chaque jour la planète.
Bien entendu, il y a
tout ce qui se dresse:
des montagnes sévères
au plus petit végétal
qui profite de la chaleur
et se révèle à sa lumière.
Les grands immeubles des villes
en semblent saturés,
au point qu’ils renvoient,
étincelants de leurs glaces
les rayons, et l’image déformée
de ce qui les entoure.
Leur présence hautaine se rapproche
pourtant du temple qui fut.
Avec de futures civilisations,
on peut imaginer ce qu’il en restera .
Les ombres sur le sol à leur tour
s’étendront sous l’orbite
de l’étoile la plus proche;
Le futur gardant,
en une sorte de persistance rétinienne,
Le support des ruines des jours , qui ont précédé.
–
RC – fev 2015
L’irrésistible avancée des couleurs – ( RC )
–
–
Quand un bleu-gris
Affronte l’outre-mer ,
Bascule sur la rive sauvage
Un plafond fragmenté.
Il fleurit de baies pourpres,
Menace de s’effondrer
En hexagones irréguliers,
Disposés selon une dynamique
Echappant à celle des saisons.
On dirait presque la chaussée de géants
Dont les colonnes donneraient leurs sceptres
A l’irrésistible avancée des couleurs ;
D’abord imperceptibles,
Puis se nourrissant d’elles-mêmes ,
Occupant toute la surface…
Juste quelques interstices
Laissent supposer comment
Respire le fond : un ciel
Avant que les nuances de rouge
N’explosent et retombent
Comme feux d’artifices,
Sur la toile.
–
RC
Trois femmes à la fontaine – ( RC )
–
Plus d’espace dilettante,
Mais la fenêtre resserrée,
Où dialoguent les trois romaines,
Pétries d’ocre comme leurs pichets,
C’est aussi le lieu
Où s’échangent les paroles.
De leur tunique aux plis rugueux,
Rappelant les colonnes grecques,
Leurs membres lourds,
Modelés de chair …
– Sculpturales,
Dans leurs gestes quotidiens ;
– Aux langues méridionales,
Parlent aussi les mains,
En un curieux ballet.
Au centre d’une arcade,
Alors que se remplissent ,
Les jarres , à la fontaine.
–
RC – février 2014
–
Nuit carmine ( RC ) – « réponse à Lamber Sav »

sculpture : Athar Jaber
Fleurs de sang,
Je ne vous connais ,
Sous la peau, – sous ta peau
Que lorsque s’ouvre,
Le tranchant d’une blessure…
J’entrevois le sommet d’une vague
Et parfois aussi son bruit .
Mon souffle a l’inflexion de la nuit,
Et cette nuit carmine,
Je la porte en toi.
Se suspendre aux nuages,
Est une méprise,
Les couleurs et lavis,
Ne sont intenses
Qu’au fond de toi-même,
La vie s’y propulse,
De corps à coeur,
Et si tu soupires,
Contre le corps dressé
De l’arbre,
Pense que ses veines,
Sont semblables aux tiennes,
Et avant que d’une frêle pousse,
Ne se dresse de fières colonnes,
Combien d’années de sève,
Il faut,
Pour que la colère et la tristesse,
S’apaise et se rassure,
Comme aussi, le temps s’apprivoise,
Et que je me fonde en ton feuillage.
> Aussi à y disparaître.
–
RC – 12 août 2013
–
incitation: Lamber Sav, avec « appréhension »
appréhension
sans métaphore écrasé par la chaleur
au bout du chemin
voyant les vaches dévaler dans le pré
assis sur une fourmilière
le moi bouillonne et se perd
la méditation
en wanderer
désasphyxie
ce serait de se fondre en feuillage
reprendre le chant de l’oiseau
dans l’air les nuées de mouches
se suspendre au nuage
est une méprise
se délave aux orages
tumulte
défiance
en somme
émettre les épingles des pins
en petits tas où poser la tête
aux herbes sèchent les fleurs
vice aux écorces et au sang
sans l’écrire
forcer son souffle
prévoir
aspirer
un poème
apaise et assure
le halètement du pouls contrarié
les couleurs et le lavis
les lignes foncées
la trachée de l’aorte
sont ce des tâches ces ports du rythme ?
tout et voir est affaire de respiration
mise à distance de ce qui est méprisable
la colère et la tristesse
sont dans le paysage
l’homme contre le tronc soupire
il aspire à disparaître
Getsuju
–
Armand Robin- Poème pour adultes – II
Colonnes torses, Hôtel Dieu Tournus – 71
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Les places ont des bras de cobras,
Les maisons des gorges de paons.
Donnez-moi quelque antique pierre,
Que je me retrouve en Varsovie!
Je me tiens en stylite absurde
Sur la place, sous le candélabre ;
Je louange, admire et maudis
Le cobra, l’abracadabra.
Tel un paladin je m’enfonce
Sous les pathétiques colonnes.
Que me font le « Hall de Luxe » et ses mannequins
Peinturlurés pour le sarcophage ?
Ici les jeunes courent acheter des glaces !
Ha! tous ici sont très jeunes,
Leurs souvenirs confinent à des ruines,
La gamine va bientôt enfanter.
Ce qui a poussé en pierre restera!
Le pathos avec la camelote!
Ici tu apprendras ton alphabet,
Futur poète de Varsovie!
Aime cela en coutumière ornière.
Moi, j’ai chéri d’autres pierres,
Grises, véritablement grandes,
En leur cœur le bruissement des souvenirs.
Les places ont des bras de cobras,
Les maisons des gorges de paons.
Donnez-moi quelque antique pierre,
Que je me retrouve en Varsovie!
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