Passage de l’ange ( RC )

peinture P Gauguin, – détail – » D’où venons-nous, que sommes nous, où allons nous ? »
peinture – partie centrale » D’où venons-nous,que sommes nous, où allons nous ? » 1897
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Comme on dit, sur terre,
– Au creux d’un silence,
passe l’ange ( un mystère),
Lui, sans bruit, danse..
On ne le voit pas,
Seuls ses cheveux ( d’ange ),
S’agitent ici-bas,
Si ma tête penche,
Je sens, assis sur le vent,
Ses ailes qui me dépassent,
Et l’ange, ( ou ce revenant ),
– Grand bien me fasse –
Semblait chercher son chemin,
> Ce qui me fait marrer…
Que ces êtres de lieux lointains,
Puissent ainsi s’égarer —–
Si loin des dieux et déesses,
Au terme d’un long voyage,
Seul ( panne de GPS ) ,
descendu de son nuage.
C’est parce que c’était dimanche,
Et, que, poursuivant un diable fourchu,
Au long cours d’une météo peu étanche,
Vit aussi cette sorcière aux doigts crochus,
Perforant d’un coup de roulette russe,
A cheval sur son vieux balai,
Un vieux cumulo-nimbus
Ce qui ne fut pas sans effets…
Perdant l’appui de l’arc-en-ciel,
… pour le pique-nique ( c’était fichu),
Notre ange en oublie de fixer ses ailes,
Et se trouve à errer parmi nous, ainsi déchu…
Ou, peut-être objet d’un malaise,
> C’est une supposition,
Une possibilité, une hypothèse…
Mais , qui pose question…
Ou alors, c’est mon ange gardien,
< Qui veut mieux me connaître,
Me parler, dialogue ouvert, établir des liens,
Lui, qui m’a vu naître…
Ou encore, ange égaré, peut-être
Cherches tu la bonne adresse,
La bonne porte, la bonne fenêtre,
D’une âme en détresse ?
> Quelqu’un d’un peu fou,
lui demandant « D’où venons-nous ?
– Qui sommes-nous ?
– Où allons-nous ? »
Mais – que prend-t-il donc aux humains,
De poser des questions embarrassantes,
S’il ne leur suffit pas de lire les lignes de la main ?
Et , sans réponse satisfaisante…
Peut-être la raison de sa présence,
Ici, dans les odeurs de poisson frit,
Dans ce bas monde, le don de sa confiance,
Apparaît , aussi, sous un ciel chargé ,et gris…
Déposant sur la terre,
Un parfum subtil qui l’entoure
D’une traînée d’étoiles, de lumières
Et de l’ombre, redit un peu le jour.
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RC – 24 juin 2013
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peinture: Paul Gauguin: lutte de Jacob avec l’ange 1888
Un pied devant l’autre ( RC )
J’ai oublié les charlatans,
les acharnés, les magiciens, mécaniciens et les fortiches
Remisé les clefs.
Peut-être perdues, qui sait ?
Et fait qui , d’un grand voyage, sur un fil suspendu
Et sans assurance
En laissant sur place, les vieux objets et bateaux rouillés
Autres que ma confiance,
Si tout se déglingue et moisit,
Je mets un pied devant l’autre
Et c’est le vide dessous qui me sourit,
Je n’ai plus soif
L »amour rajeunit,
Tout va venir,
Et l’aube encore,
Et demain,
Sera dans mes bras.
RC – 18 juillet 2012
Claude Roy – Conversation avec un orignal
Conversation avec un orignal

timbre poste canadien
Le sentier qui conduisait au lac
dans l’odeur de résine chauffée par le soleil
et la marche élastique sur les aiguilles de pin
(Le Canada ressemble au Canada
J’allai pêcher à la mouche artificielle
des truites vives dans le canoë qui sentait le vernis)
Se trouver nez à nez avec un orignal drôle d’animal énormément grand (comme si sur un corps de cheval on avait greffe une tête de cerf et vissé par-dessus les bois d’un renne
II me regarde avec une précaution étonnée Absolument sans crainte Mais sans mode d’emploi II n’y a nulle part de règle de conduite pour un orignal canadien rencontrant Claude Roy
Je ne bouge strictement pas J’essaie d’émettre des pensées calmes et polies L’orignalest extrêmement bienveillant mais perplexe
Je le nomme en silence : « Mon ami » ou « Monsieur l’Orignal » II est sensible à ces attentions II me regarde très longtemps (je dirais deux ou trois minutes) puis se retourne et s’éloigne au pas
Je le remercie sans mots de sa confiance
S’il n’est pas mort il doit être très vieux maintenant Se souvient-il quelquefois vaguement de sa conversation avec un homme blond l’orignal qui me dévisageait près du lac en été?
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Paris jeudi 14 avril 1983
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