Louky Bersianik – laisse moi t’approcher
photo Fashion is Dead Magazine
laisse-moi t’approcher
laisse-moi te toucher toute et te fragmenter par petites touches
laisse-moi ma plurielle de fond en comble te dévaster
trouver réunies au secret ma soif et mon ruisseau ma verdure
et ma faim lécher jusqu’au cœur notre vaste complot
laisse mon corps immobile entrer chez lui par les seuils incalculables
de ton corps inamovible laisse s’accomplir à l’infini vertigineux
du temps vertical cette opération-extase
Une infime parcelle- comme une découpe du ciel – ( RC )
–
A l’extrème limite de la conscience,
une bouche balbutie,
sur une surface horizontale..
une couche de glace,
dont on ne sait encore l’épaisseur,
mais bousculée par les courants de l’intime,
d’une profondeur insondable.
–
J’imagine le violoncelle de Yoyo-Ma,
Jouant Bach, sur une pellicule de glace,
la pique s’enfonçant peu à peu,
à chaque coup d’archet,
pour retrouver,
une fois la suite achevée,
l’essence même de la musique.
–
Et , de même la page d’écriture,
Qui se révèle :
une façon de communiquer son sang
à l’encre :
une mémoire magnétique,
venant de régions inconnues
avant que celle-ci ne fige .
–
Bien sûr, on peut rester
la plume en suspens,
au point de laisser les oiseaux
dessiner, écrire à notre place,
le geste immobilisé,
pour des récits qui resteront
à jamais non écrits …
–
Faut-il se révéler à soi-même,
Et remonter du lac,
sous nos pieds,
un seau d’eau glacée
dans laquelle nous mirer ?
Reflétant aussi les oiseaux ,
et l’encre transparente du silence …
–
De toute façon,
ce qui est puisé,
n’est qu’une infime parcelle,
comme le serait la découpe du ciel,
visible dans le seau,
mais il contient une voix,
avant d’être naufragée, gelée …
–
la nôtre .
_
RC- sept 2015
( variation sur un texte de Michèle Dujardin, tiré de « Abadôn » elle-même évoquant Henri Thomas avec cet extrait : « Je n’ai le goût de rien exprimer, si ce n’est ce noyau d’obscurité tenace qui est mon être même, ma substance morale et poétique. »
Henri Thomas )
Mots surgis d’un brouillard épais – ( RC )
Peinture: P Bonnard
J’ai prélevé dans le vocabulaire
que je connaissais,
quelques mots .
Ils se sont disposés, dociles,
sur la page blanche, comme surgis
d’un brouillard épais,
où la conscience s’est perdue,
et le décor endormi .
Oh ! Rien de bien extraordinaire…
… presque rien…
Quelques essais jetés sur le papier :
une ou deux expressions
qui sonnent ,
accompagnées du silence ,
me déportant vers
le jour, qu’ils dissimulaient.
Il faut croire que les phrases
banales,
ne sont que des fenêtres grises,
occultant les pensées.
Tant de gris où tout se brouille,
et les étoiles
quelque part,
au-delà,
qui répondent
seulement si un chant
parvient à s’extraire
d’entre les lignes,
pour donner assez d’élan
à ma plume,
( et que cela soit aussi
un peu de moi. )
–
RC – janv 2016
Aquarium – ( RC )
–

photo aquarium de Barcelone
–
Tu entends des sons
Comme à travers une paroi de verre :
Ecoute bien … on dirait la mer .
Les branchies ouvertes des poissons,
Semblables à la conscience : palpitantes
A la surface glisse la lumière,
Là où l’eau s’appuie sur l’air.
Entre les nuées, un soleil dilettante…
Prisonnier de ta condition,
Regarde un peu plus haut, que ton univers,
Et même si c’est le monde à l’envers,
Attrape au passage, un rayon,
Porte les mains à tes oreilles,
Courbées comme des coquilles de noix.
Tu entendras peut-être ma voix ,
A nulle autre pareille .
On peut les boucher, à la cire
Et laisser s’échapper bien des paroles,
Qui poursuivent ailleurs, leur envol ,
Ou faire le choix de les saisir…
Ecoute bien… on dirait la mer .
Son ressac incessant sur la plage,
Cet aquarium est comme une cage,
Transparente, mais amère…
–
RC – dec 2014
–
Ce qui reste de l’essence de la nuit – (RC )
–
Au retour du sommeil,
Vite,
Attrape de quoi,
Fixer au passage,
ce ruban de mots,
Qui s’enchevêtrent,
Et n’est pas encore poème,
Avant que ce chant,
Ne se détruise,
Lorsque la conscience,
Aura repris le dessus.
L’espace entre les mots,
Amène les sensations,
Et les images la saveur,
Des couleurs encore inconnues,
Dépèche-toi de les transcrire,
Qu’elles ne restent pas prisonnières
De ta tête.
Le futur immédiat,
Fait que l’on néglige souvent,
Ces formations fragiles…
Ces boucles lovées sur elles-même
Se fanent si vite.
Dès qu’elles sont exposées,
A la lumière du jour.
Doit-on en conclure,
Qu’elles devraient
Rester proches de l’obscur
Et appartiennent à la nuit ?
C’est sans doute
Dans les corps oubliés
A eux-même,
Et proches dans l’immobilité,
D’une mort dessinée,
Que travaillent le mieux,
Les cerveaux libérés.
C’est une danse farandole ,
Au creux du repos,
Où les âmes recueillent,
Ce qui reste de l’essence des jours.
En extraire quelques gouttes,
Est toujours un exercice
D’équilibriste…
Les mots répugnent à se fixer
Sur le papier,
Regroupés en strophes.
Ils nous observent de loin,
Les prélever intacts,
Et garder leur fraîcheur,
N’est pas des plus simple.
Peut-être faut-il les laisser ,
Vagabonder à leur aise,
Si volatils.
Ils agissent à leur guise.
Et se moquent de notre quotidien
De nos détours du jour,
Pour mieux s’emballer
Dès que le noir fait son retour.
.
RC – janvier 2014
Puits de la mémoire – ( RC )
–
Voila que je me penche
Sur le bord de ce qui entaille
La mémoire.
Ici le soleil ne se reflète pas,
Car le miroir des eaux,
Est si loin de la surface,
Que même se perdent les traces,
De notre enfance, de nos premiers pas.
– L’envers de notre destin.
J’ai beau tester la distance,
En lançant quelque objet,
Le bruit de l’impact s’absente,
Comme si le temps même
Se perdait dans l’écart
Des défaites de la conscience.
Me penchant au-dessus
De ce puits de mémoire,
Que rien n’éclaire,
Et dont je ne peux percevoir que la nuit,
….. Aux rives de l’oubli,
Elle prend possession de tout .
– Il faut que j’invente le jour, et
La matière dont je serai fait, peut-être
Demain.
–
RC- 8 novembre 2013
–
avec une citation qui rejoint le sens du texte ci-dessus;
« Ce n’est pas tout de naître, il faut encore naître une seconde fois à soi-même et au monde »——— Le ravissement : in Le cantique des cantiques
–
Vahagn Davtian – Pierre sculptée avec croix
–
Pierre sculptée avec croix
Dans les épines,
dans les rochers,
dans le vent,
dans les tempêtes,
à travers les neiges
à travers le grillage
inamovible
têtu
l’effritement
droit
indéchiffrable
simple,
seul et modeste
contre le ciel
contre le soleil
un pilier de la douleur
une colonne de conscience
contre le temps
, comme la beauté
crucifiée.
—
Stone Carved with Crosses
Vahagn Davtian
In the thorns,
in the rocks,
in the wind,
in the storms,
through the snows
through the scorch
unmovable
stubborn
crumbling
straight
undeciphered
simple,
alone and modest
against the sky
against the sun
a pillar of grief
a column of conscience
against time
like beauty
crucified.
Miguel Veyrat – Une falaise,une bougie ( Acantilado A trasluz)
–
UNE FALAISE UNE BOUGIE
Si tu brilles
Au matin silencieux
Et commences à frissonner
Un autre silence attend
Que celui de la mer.
Aux dons tranquilles.
Le double Silence
et la mort
d’un midi calciné
Et quand tu te retournes
Le phare de l’âme d’Allan Poe
Une tour de tes rêves
Ce double silence
De la mer et de la plage
D’une double conscience.
—
traduction perso de ….
ACANTILADO A TRASLUZ
Si alumbra
en silencio la mañana
y enciende el cuerpo al frío
Otro silencio aguarda
que a la mar
la calma otorga
Silencio doble
y a la muerte
calcinado mediodía
Y cuando te enciendes tú
faro del alma de Allan Poe
torre de ensueño
Este doble silencio
mar y playa
Conciencia doble.
© Miguel Veyrat ( “La voz de los poetas”/ Transparencia XIV “Calima” 2002)
Esther Nirina – Parle du pays où il pleut des pierres de topaze

peinture: Joan Miro. Constellation
Parle du pays
Où il pleut
Des pierres de topaze
Rosées suspendues
Sur toile d’araignée
La distance
N’est plus.
Le pont
Se situe
Entre révolte
Et la barque de prières
Il est temps
De tendre l’ouïe
Aux confidences
De la conscience
Sans s’écarter jamais
De l’œil locomotive
Qui glisse
Dans la nuit du sentier souterrain
Par où
La solitude n’est
Que terre liquide
Qui amasse la mémoire
Du futur
Poème tiré de la partie « De l’obscurité au soleil » du recueil Lente spirale d’Esther Nirina ( auteur Malgache)
–
Eric Dubois – cendres sur l’ubac
De feu ma mémoire
Ne reste que cendre
Sur l’ubac
Sentiment qui ne se
Sublime pas
Que je veux fuir
Qui me saisit
Sur lequel ma conscience
Glisse et trépigne
Je rêve d’ascension
Et de lumière dans la futaie
Selon les anciens errements
Et qu’à la fenaison
Je cueille
Une violette pourpre
Pénétrante
Et secrète
de « Esclaves en larmes et larves » Eric Dubois « épaisseur du temps’
–
Marina Tsvetaeva – sur la mort de R M Rilke

edw Munch: (estampe) le baiser de la mort 1899 - musée Ed Munch
« Chaque mort, même une mort qui sort du rang,- je parle de la tienne, Rainer, invariablement se retrouve au rang des autres morts, entre la dernière avant et la première après.
Personne, jamais, n’est resté penché au-dessus d’un cercueil sans que cette pensée ne lui traversât l’esprit :
« Qui était le dernier, qui sera le prochain ? »
Manière de créer entre nos morts, nos morts personnels, une relation qui n’existe que dans une conscience donnée et différente dans chaque conscience donnée (…)
Chaque mort nous renvoie à chacune d’elles »
(traduit du russe par Nathalie Dubourvieux)
————
— Ingrid G, m’a fourni la « réponse de Rilke »…
———–
Sacrifice
Je t’ai connue. Mon corps, depuis, par chaque veine,
fleurit en répandant un parfum plus subtil ;
vois, je marche plus droit, d’un pas toujours plus souple,
et pourtant tu ne fais qu’attendre. Qui es-tu ?
Je sens le mouvement qui m’éloigne sans cesse
d’un passé qui de moi s’en va, feuille après feuille.
Seul demeure dressé l’astre de ton sourire
tout autour de ta tête et bientôt de la mienne.
À tout ce qui, au fil de mes années d’enfance,
est encore anonyme et comme un miroir d’eau
je donnerai un nom, grâce à toi, sur l’autel,
qui est tout entouré du feu de tes cheveux
et à qui tes seins font une douce couronne.
Rainer Maria Rilke,
—
Boltanski – une chose était déjà en lui
l’artiste Christian Boltanski, est célèbre pour ses installations ,
combinant des objets ordinaires et des éclairages individuels ( souvent faibles) des objets… voir le musée du carré d’Art de Nîmes, qui en possède plusieurs …
dont se perçoit souvent le rapport avec les évènements tragiques de la 2nde guerre mondiale – et le rapport avec l’origine de C B ( enfant issu du monde juif et né en 1944).

C Boltanski "Prendre la parole | Paris 3e."
L’artiste dévoile au spectateur « une chose qui était déjà en lui, qu’il sait profondément ; il la fait venir à la hauteur de la conscience »

Boltanski Monument" 1986
Cette oeuvre se nomme Autel chases, elle a été construite en 1988, il a voulu utiliser les objets du quotidien : 112 boîtes à biscuits, 15 lampes et 15 photographies noir et blanc 230×400 cm. Chaque photographie mesure 30×24 cm. Chaque boîte mesure 23x23x13 cm. Il a utilisé des couleurs sombres et des photos en noir et blanc pour ne pas oublier le génocide juif.
voir l’article de plumes libres, dont est extraite cette photo