Dévêtue d’un temps trop lourd – ( RC )

peinture Gaston Bussière – ( l’anneau des Niebelungen)–la Révélation, Brünnhilde découvrant Siegmund et Sieglinde, 1894
En plongeant dans la rivière
pour aller chercher l’anneau d’or
que tu avais perdu,
j’ai trouvé la marque de tes mains.
Elles avaient modelé les pierres
lorsque tu t’es dévêtue
d’un temps trop lourd,
avant de t’envoler
légère
au-dessus de la terre
pour y rejoindre les constellations
dont même la science
ignorait l’existence….
Claude Roy – Nuit
Elle est venue la nuit de plus loin que la nuit
à pas de vent de loup de fougère et de menthe
voleuse de parfum impure fausse nuit
fille aux cheveux d’écume issue de l’eau dormante
Après l’aube la nuit tisseuse de chansons
s’endort d’un songe lourd d’astres et de méduses
les jambes mêlées aux fuseaux des saisons
veille sur le repos des étoiles confuses
Sa main laisse glisser les constellations
le sable fabuleux des mondes solitaires
la poussière de Dieu et de sa création
la semence de feu qui féconde la terre
Mais elle vient la nuit de plus loin que la nuit
A pas de vent de mer de feu de loup de piège
bergère sans troupeau glaneuse sans épis
aveugle aux lèvres d’or qui marche sur la neige.
Claude ROY « L’Enfance de l’Art » (Fontaine, 1942)
Jacques Dupin – Grand vent
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Nous n’appartenons qu’au sentier de montagne
Qui serpente au soleil entre la sauge et le lichen
Et s’élance à la nuit, chemin de crête,
À la rencontre des constellations.
Nous avons rapproché des sommets
La limite des terres arables.
Les graines éclatent dans nos poings.
Les flammes rentrent dans nos os.
Que le fumier monte à dos d’hommes jusqu’à nous !
Que la vigne et le seigle répliquent
À la vieillesse du volcan !
Les fruits de l’orgueil, les fruits du basalte
Mûriront sous les coups
Qui nous rendent visibles.
La chair endurera ce que l’œil a souffert,
Ce que les loups n’ont pas rêvé
Avant de descendre à la mer.
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du recueil » le corps clairvoyant » –
Des particules, s’éparpillent dans la fête – (RC )
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C’est juste une portée du hasard,
Quand se perd le regard…
Il s’essaie au noir,
En reliant les étoiles,
Pour en faire des figures,
Celles que l’on trouve en peinture
Les constellations se bousculent,
Dans une longue suite,
Celle des années-lumière, en fuite.
Quels miracles lient les morceaux d’azur ?
Depuis longtemps basculés dans le sombre…
Je n’en connais même pas le nombre.
Des mondes entiers, des particules,
S’éparpillent dans la fête,
Etoiles filantes , et comètes.
Il ne reste de leur passage,
Qu’une légère trace.
…. L’instant suivant les efface .
Peut-être fourbues…
Dans l’espace inter-sidéral ;
Je me sens un peu perdu
A l’intérieur , même, de cette carte postale.
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RC- sept 2014
Jackie Plaetevoet – Speranza ( extrait )
J’espère
mais je ne suis pas sûre du tout
que tu pourras lire ces mots cependant je voulais te dire que je t’écris chaque nuit et que le temps porte l’écharpe que je t’avais offerte bleu pâle cernée d’orangé.
Sûrement tu te souviens de ce jardin où nous avions contemplé le ciel alors que Mars était de feu.
Les étoiles jouaient à changer de constellations et devant cette sarabande la nuit riait à pleins silences avec la lune sereine et pleine. Dans la demi obscurité les parfums mélangés de seringua et de pivoines s’étreignaient entre nos visages qui se cherchaient se retenaient.
Jackie Plaetevoet – Editions Sang d’encre –
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Une fragance parcourt l’espace ( RC )
Une fragance parcourt l’espace,
C’est d’un flacon au bouchon déposé,
Et les mots du poète s’évaporent,
Flottent quelque temps, et dessinent,
En paragraphes tous les matins du monde,
Sa rosée, et les larmes de joie qui caressent ton visage.
La pensée du poète, dont on ne connaît pas la source exacte,
Virevolte, et multiplie les images,
Directement sculptées de sa plume…
Une fois parties, tutoyer les constellations,
On ne peut plus jamais les rattraper,
Et les enfermer à nouveau dans le flacon. *
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* Issu de la phrase d’Eric Dolphy, concernant la musique:
« When you hear music, after it’s over, it’s gone in the air. You can never capture it again. »
«Lorsque vous entendez la musique, après qu’elle soit achevée, elle est partie dans l’atmosphère. Vous ne pouvez jamais la rattraper de nouveau. »
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Je n’entends plus ce qu’il faut écrire ( RC )
Je secoue mes mains pauvres,
Il y a encore des plis qui s’accrochent,
Et puis l’encre mauve,
Des froissements d’ailes qui s’approchent.
Un parachute innocent qui passe;
Je sème à tout vent dit Mme Larousse,
Occupant un bout d’espace,
Aux graines de pissenlit, douces.
Reviennent rêves de constellations,
Je vois dans ma boule de cristal,
Des étoiles brunes en gravitation,
En dessins sur ta peau boréale.
Le regard se pose en bonds,
Dans les champs d’amandiers.
Ton visage, qui tourne en rond.
Dans la glace,il me faut l’étudier.
Déjà, il prend toute la place,
Et n’entends plus ce qu’il faut écrire,
Au loin, les mots s’entassent,
Quand traverse ton sourire.
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RC – 27 janvier 2013
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