Colette Seghers – Ne me cherche jamais

Ne me cherche jamais
Tu me cherchais?
Ne me cherche jamais, je suis là,
embrassée du cœur aux chevilles
dans tes mains d’homme et ta mémoire.
Et nouée comme une pièce d’or
dans le trésor confidentiel de ta vie,
brigandée dans l’envers du temps…
Ne me cherche jamais,
je suis là,
la nuit peut bien sécher ses grands
trains d’herbes fauves et lancer
sur ses rails le convoi des saisons,
elle peut bien passer de l’une à l’autre
sur ses passerelles d’orages
ou le ventre sans ciel des froids,
elle peut bien apporter ce qu’elle voudra,
ce qu’elle pourra,
sa rançon de fatigue ou sa ruée de rêves,
je suis où tu voulais que j’aille.
Ne me cherche jamais,
Nous allons là où ceux qui s’aiment
vont ensemble, épaule contre épaule,
dans le vent des solstices…
Pierre McOrlan – Escales des matins argentines et fraîches
Des raisons que la mer n’ignore pas…*
Si l’on débarque un matin, au petit jour,
dans la gare de Brest, on constate que c’est bien
une gare de fin de terre européenne, une gare d’extrémité un peu mortifiée,
une gare qui donne accès à toutes les choses
qui n’ont plus rien à voir avec la terre, ses routes conquises
par les automobiles et ses voies ferrées
qui laissent des traces brillantes dans la nuit.
L’Europe de l’Est à l’Ouest aboutit à cette gare discrète, calme,
créée pour un seul train, un convoi peu peuplé, mais toujours habité
par des figures attachantes. On ne vient pas à Brest pour jouir de la vie,
montrer l’élégance d’une robe ou refaire du sang, au soleil.
Des raisons, que la mer n’ignore pas, conduisent hommes et femmes
vers cette ville sans paquebots, sans départs.
C’est ici que l’aventure se mêle au vent de la mer.
Pierre MAC ORLAN « Brest »
Main-mise de la sécheresse – ( RC )
–
Je suis des yeux le mince ruban d’un chemin
Il progresse lentement entre les pierres,
Un convoi laisse sa trace, en ruban de poussière
Derrière on ne distingue pas encore les engins,
–
La main-mise de la sécheresse est partout,
Elle a mis à nu les pentes rousses,
Où aucune plante ne pousse,
Et aucun arbre n’est debout.
–
En s’aventurant dans les creux,
Des maisons d’argile se dressent,
La fantaisie les délaisse,
Elles se distinguent à peine du sol rocheux.
–
Au pied de pentes raides,
Quelques palmiers survivent,
Bordée de roches coupantes, la rive
A peine humide, de l’oued…
–
Le regard des enfants a l’éclat de la fièvre,
Il n’y a pas d’herbes, mais un sol orange.
On se demande ce que mangent,
Les quelques troupeaux de chèvres…
–
Tu as le visage cuivré au grand air,
Buriné de rides,
Cuit au soleil de l ‘aride,
Offrant du cuir, plutôt que de la chair.
–
L’astre du jour monte en puissance,
Tant, que l’éblouissement prolifère,
Et la mince croûte de terre,
S’ouvre en béances,
–
Sans ombre protectrice,
Ce sont d’abord quelques fissures
Puis sol se lézarde en brisures,
Aux plaies du sacrifice.
–
Sous l’abri des tentes berbères ;
Le thé à la menthe …..
Et les heures passent, lentes,
Aux portes du désert…
–
RC – 17 novembre 2013
–