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Un Janus en état de marche – ( RC )


Janus                              ( sculpture  de Max Ernst )     

Janus est là, qui nous regarde
de ses yeux ronds.
On ne saura jamais
si le double de son visage
apparaît derrière son dos.
Son corps de rectangle
a plutôt l’aspect
d’une planche à découper.
Incrustées à la verticale
deux coquilles Saint-Jacques
pour le voyage initiatique
qui l’emmènera
plus loin qu’on ne le pense,
( amulettes précieuses
nous rappelant que la mer
n’est jamais loin ).

Une petite tortue,
qui lui sert de bourse,
est aussi du voyage.
Elle évolue au rythme
éternellement lent
du marcheur .


En effet Janus
semble être immobilisé,
les deux pieds soudés
sur une plaque de bronze.
Mais comme la tortue,
l’espérance est le guide
le rapprochant du terme
de son pèlerinage.
L’important n’est pas d’arriver,
mais de partir à point….


Orhan Veli – En mal de mer


photo transfo RC

Des bateaux traversent mes rêves
Par-dessus les toits, bateaux pavoisés ;
Moi le malheureux,
Moi en mal de mer depuis des années,
Je regarde, regarde et pleure.

Je me souviens de mon premier regard sur le monde
A travers la coquille d’une moule :
Le vert de l’eau, le bleu du ciel,
Le plus moucheté des éperlans…
De la blessure ouverte sur une huître
S’écoule mon sang encore salé
.
Nous étions partis comme des fous,
Au large, vers l’écume toute blanche !
L’écume n’a pas le cœur méchant,
L’écume ressemble aux lèvres ;
Faire l’amour avec l’écume
N’est pas un péché pour l’homme.

Des bateaux traversent mes rêves
Par-dessus les toits, bateaux pavoisés ;
Moi le malheureux,
Moi en mal de mer depuis des années.

d’autres écrits de ce poète turc sont visibles ici entre autres


Valeriù Stancu – Autoportrait avec blasphème


dessin : Hom Nguyen

autoportrait avec abîme, rêve et exil
La poésie,
je la vis, je ne l’écris pas.
Des vagues de poussière, concentriques,
embrassent ma fenêtre.
A travers le voile de leur silence
je vois
je vois la destruction
la destruction des maisons
des maisons qui s’écroulent
qui s’écroulent dans un néant tardif.
Sur les lèvres de l’abîme
je frissonne
et j’hésite
rongé par la peur
de l’exil intérieur.
Coquille de plomb, le silence.
Je vis ma propre confession.

Extrait de Autoportrait avec blasphème
L’arbre à paroles – Collection Monde Latin.


l’épaisseur des murailles – ( RC )


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Ce sont des sombres bastilles,
bâties de pierres lourdes,
refermées sur la peur,
aveugles aux terres promises,
qui pourtant les entourent.

Pas de fenêtres ouvertes  sur elles,
ni sur les autres,
juste des meurtrières
qui enferment d’abord la joie,
et finissent isolées sur leur promontoire.

L’épaisseur des murailles,
désaffectées, en désaffection
n’a pas plus de prise sur les rêves,
qu’une fragile  coquille,
un frêle esquif sur l’océan.

RC- nov 2015


Moins que des natures mortes – ( RC )


peinture: portrait W L von Nassau

peinture:              Michiel van Mierevelt,        portrait de W L   von Nassau-Dillenburg

Un jour,     – que je m’aventurais
A visiter les salles des musées,
Suivant les galeries des portraits,
Les enfilades de parquets cirés,

Princes et généraux,
Ducs et cardinaux,
Chacun en habits d’époque,
Qui                     de sa toque,

Qui       de son manteau de renard,
Ou                        de son pourpoint,
Toisant l’assistance d’un regard,
Pour la postérité – avec dédain…

Pourtant        l’histoire oscille,
Au rythme des années,
….       Ce sont des objets futiles,
Que l’on a conservés.

C’est une                         triste cohorte,
Figée derrière son vernis
Ce sont moins que des natures mortes,
Leur vie s’est évanouie…

… – Et recroquevillée…
Ils ne représentent plus rien,
Ils ont été oubliés,
( on a perdu le lien )

Un peu comme ces papillons,
Du musée d’histoire naturelle,
Faisant partie de la collection,
– couleurs ,        élégance des ailes      –

Epinglés sur leur support ,
Avec dessous un nom latin ,
Ce n’est que celui d’un mort…
En habits de satin   .

Les natures mortes, elles,
 » Still living » , in english,
D’où la lumière ruisselle,
Associent aux fruits, une fraîche miche.

Au bal des coquilles vides,
Les musées fourmillent,
De portraits insipides,
De vieilles familles,

Il fallait          orner les demeures,
Attester de l’origine,              de la lignée,
La comtesse          et sa belle-soeur,
Leurs descendants,                 tous alignés,

Sous les perruques poudrées …
Le peintre ayant posé une lumière,
Subtilement             cendrée …
Maintenant avalée par la poussière.

portraits au château de Bussy-Rabutin

Ces familles    satisfaites ,
A l’attitude altière,
En habits             de fête,
Ruban             à la boutonnière

Chapeaux de plume    , ou armures…
–     Les couches de peinture jaunie,
Enfermées        sous cadres et dorures,
Sont maintenant ternies.

Des symboles de pouvoir,
Ces objets désuets,
Ne sauraient nous émouvoir….

– Ils sont maintenant muets   .

RC – février 2014

peinture: Willem Claesz    1648

peinture:        Willem Claesz                    1648


Coquilles vides, Serra Estrela ( RC )


1-Carving_in_the_sky_Serra_da_Estrela_Portugal_Serra_da_Estrela

Serra Estrela, tout en sépia

Colorée d’un vent de sable

Des cubes de béton, placés là, incongrus,

Relais entre précipices,

Ouverts à tous les vents,

Et à ceux qui emportèrent,

le fil ténu, et les cabines du téléphérique,

Quelque part dans l’oubli.

Reste une coquille vide

Et qui sert d’abri, à l’occasion,

Aux troupeaux de passage,

Comme toute la surface jonchée

Des crottes des moutons,

Poursuivant consciencieusement,

Leurs destins brouteurs,

Quelque soit l’endroit,

Même dans l’ambiance grise

où, tapis dans l’ombre, des câbles remisés,

Et de gigantesques mécanismes

Rouillaient d’inutile,————–pendant que la vallée

S’éteignait dans le soir.

RC  23 mai 2013

Inspiré  de deux lignes d’un poème de Marie-Ange Sebasti;

Les troupeaux ont noirci les dalles du temple

et piétiné ses murs


Le bruit dans mes tempes ( RC )


peinture:      Odilon Redon.       Le coquillage

 

Le bruit et le sang

Pénètrent dans mes tempes,

Et l’âme éclatée,

Tourbillonne sur elle-même,

Prisonnière de mon Je,

Tête et corps assemblés,

En bonne logique,

Et pourtant séparés.

Ce n’est pas par la distance,

Mais la terre qui parle

A travers nous,

De l’antre et de l’arche.

L’oeil du silence

Et pourtant le bruit

Des désirs qui se heurtent

Aux mémoires sensibles.

L’océan des plaines douces

Aux tensions secrètes,

Le ventre coquille,

Qui boit mes émotions.

Et comme les silex

Qui se heurtent

Les bouquets d’étincelles,

-nous engendrons nos ciels –

Dans un voyage

Aux lointains d’écume

Où il n’est pas besoin de paroles,

Pour s’entendre en échos….

RC – 4 mars 2013


Chute de noix ( RC )


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photo Martine dans  « photo-passion »

 

 

Une demi-coquille de noix, la vie, là

Incrustée dans le sol

Entre le fouillis des herbes aplaties

A l’ombre du cerisier

Il n’y a pas de noyer

On suppose qu’un oiseau  de passage

Fendit un jour l’atmosphère égale

Sous les nuages bas

Porter à un nid lointain

Peuplé de becs grands ouverts

Le résultat de sa quête,

Disputée aux  rongeurs.

Ou alors est-ce dans le marronier,

Ce nid abandonné

Un tissage de brindilles

Rendu impraticable

Les repousses des branches, chaque année plus longues

Et plus épaisses.

Où déjà,          je me souviens,

Les occupants  avaient  du mal à se faufiler,

Leurs ailes  faisant flop-flop

Contre les feuilles  larges.

RC – 3 décembre  2012


Corne de brume ( RC )


la rumeur de la mer. photographe non identifié

A l’écoute indécise,

Tu entends les  vagues,

En tendant l’oreille

A la conque de soleil

Et la vie s’enroule,

Se love sur elle-même,

Aux ressacs,  sur les  rochers,

Elle donne  son écume…

Ainsi mes doigts joints

Autour de ton attente

Qui forment la coquille

Portée dans ta main.

Tu es sur le sable

Etendu sous la lune

Les algues enroulées  sur tes pieds

Intensément,    tu m’écoutes

En corne  de brume

RC    –  1er nov  2012


Claude Esteban – Blanche


 

 

 

Art: Käthe Kollwitz    auto-portrait  1903

 

 

Blanche.

Elle divise le temps
en deux
Sceptre et cilice.

L’écume ne meurt pas

lèvres ouvertes
aux lèvres.

Blanche

Emmurant l’oiseau.
Tranchant le nerf fragile des coquilles.

Sans que la voix
revienne.

Nue dans le sel.

 


Claude Esteban – Blanche


peinture d’artiste russe ( non identifié) XIXè siècle

 

Blanche.

Elle divise le temps

en deux.

Sceptre et cilice.

L’écume ne meurt pas

lèvres ouvertes

aux lèvres.

Blanche.

Emmurant l’oiseau.

Tranchant le nerf fragile des coquilles.

sans que la voix

revienne.

Nue dans le sel.

 

 


Sphère – bulle – cellule ( RC )



 

 

Il y a sans doute                un au-delà,
Que je ne connais pas,
Si je dépasse              les  frontières
De ma propre sphère

Mais pourrais-je un jour pointer mon nez
On dirait                       que je suis  condamné
De naissance ,                s’il me fallait visiter
Une petite partie de l’immensité .

Le regard                         opaque  et veuf
Je reste recroquevillé , encore            dans cet oeuf
Qui me nourrit,             mais me happe
Mais  m’interdit ,             que je m’en échappe,

Et qu’enfin,                              je décolle
Hors de la membrane     molle
A faire de la naissance
Voyage en  reconnaissance.

Sorti                          de ma coquille
Faudra q’mes yeux se dessillent
Qu’aux dangers nombreux,           je m’habitue
Et que je fasse face,                    sans  qu’on me tue.

Selon les pointillés                   , je vais découper
Mon épaisse peau,                           – faut pas se louper –
Pour respirer un peu,                 l’air du dehors
Risquant peut-être              une prochaine mort.

La cage est trop étroite,           j’aimerais tant savoir
Si j’peux m’échapper, un tant soit peu         du noir
Découvrir une terre,                     plus hospitalière,
Et s’il existe ailleurs,                 un peu de lumière…

J’envie les serpents,             quand ils changent de peau
Changeant de costume, pour se faire            plus beaux,
Ils bousculent l’avatar,           oublient leurs cauchemars
Et l’enveloppe  ancienne ,              qu’ils  laissent à l’écart.

Moi , je suis collé,             dans cette cellule
Que connaissent aussi                ,tous les enfants bulle
Je ne peux rien faire,                 pieds et poings liés
Me voila englué,                  éternellement  prisonnier…

 

RC  –  22 juin 2012

 

Sphere – bubble – cell (RC)

There is no doubt, somewhere a beyond,
I do not know,
If I exceed the borders
From my own sphere

But ,one day could I point my nose
It seems I’m doomed
From the birth, if I had to visit
A small part of immensity.

The look opaque and widowed
I still curled up, still in the egg
Who feeds me, but  grabs me
But forbids me, that I escape,

And finally, I take off
Out of the soft membrane
To make , with the birth
A travel in recognition.

Out of my shell
My eyes  will be opened
As many dangers, I’m getting used
And I do face, without anyone killing me.

Along the dotted line, I’ll split
My thick skin – should not miss –
For a breath, the outside air
Risking may be an upcoming death.

The cage is too narrow, I would like to know
If I can get away, a little bit out of the black
Discover a land more hospitable,
And if there is somewhere, a little light ,too…

I envy snakes, when they change their skin
Changing her costume, to make them more beautiful,
They upset the avatar, forget their nightmares
And the old enclosure, they leave apart.

I’m stuck in this cell
All bubble children are knowing
I can not do anything,hand and feet bound ed
Here I am stuck,       forever prisoner …

RC – June 22, 2012

peinture: Salvador Dali   : l’enfant géopolitique attendant la naissance de l’homme nouveau –   1943