paysages extrêmes à suivre du doigt d’un torrent/jet la pliure rétinienne
Alarme -hors ce bruit de fondation qu’on coule dans sa gorge béante-alarme du plus profond de l’être rompant soudain l’intime indifférence (sans excuse à quoi tiendrait encore sur le triangle de houle l’assiette blanche du bassin ? déjà ne fait-elle pas la roue de ses dix doigts
comme pour relever jusqu’au dernier créneau la brume froufroutante de ses mousselines ?) ah ! quelles marées d’équinoxe aux aines de la mer ne cédèrent pas à ce violent divorce du bonheur en limite du désirable des algues dans un dernier mouvement de l’aube ?
Mais elle l’affileuse d’ombre soumise aux neiges dans son corps -abstraction progressive et diffuse d’une inguérissable pâleur que je croyais voir fluer
de la nuit du sexe dans mes mains- plutôt que de condescendre à sa métamorphose en telle image multiforme de l’Arche fabuleuse préférera briser sa lame fine d’arme blanche sur la couleur trop faste de mon sang la délivrance ne porte plus seulement sur l’infini qui infuse la montagne des douleurs au-delà de tout lieu signifiant demain
et si jamais l’inconnu dans son corps se cherche au jour des liens du sang -comme ces forêts que traverse en d’impulsifs mouvements de leurs branches la mystérieuse matière d’ombre-tout faire pour que ses mains déjà refermées sur leur vrac de cendres s’embrasent encore une fois -ô prodige des légendes-dans la bouche-même d’intouchables cracheurs de feu
Plus au sud du rêve ah pas qu’un soleil plus au sud du rêve : certes rien n’est si simple aussi simple que la géométrie bleue d’un ciel andalou c’est d’Arcos a Ronda pourtant dans la Serrania que l’homme sculpté dans les troncs d’oliviers se tord en ombre des mille scolioses du sud
Parfois c’est comme si on marchait à même le ciel comme si l’asphalte lui-même s’égarait quelque part derrière le couchant, chaque pas est un pari – tu ne l’achèves qu’après l’avoir gagné pour rien – et précisément rien que pour personne c’est pourquoi peut-être nous nous consolons toujours avec les tunnels – avec un monde souterrain toute cette terre est un corps formé d’autres corps qui se dévorent les uns les autres la terre est en fait le monstre absolu – seul le vide, que nous ne rencontrons jamais, bien que nous le portions profondément enfoui en nous-mêmes, est encore plus monstrueux – une sorte d’ailes-paupières – je regardais pendant le vol – seul le rien…
C’est une couleur timide, sans arrière-pensée, présage, ni projet, qui ne se jette pas brusquement sur le regard comme le jaune ou le rouge, mais qui l’attire à soi, l’apprivoise peu à peu, le laisse venir sans le presser, de sorte qu’en elle il s’enfonce et se noie sans se rendre compte de rien.
Le bleu est une couleur propice à la disparition.
Une couleur où mourir, une couleur qui délivre, la couleur même de l’âme après qu’elle s’est déshabillée du corps, après qu’a giclé tout le sang et que se sont vidées les viscères, les poches de toutes sortes, déménageant une fois pour toutes le mobilier de ses pensées.
Indéfiniment, le bleu s’évade.
Ce n’est pas, à vrai dire, une couleur. Plutôt une tonalité, un climat, une résonance spéciale de l’air. Un empilement de clarté, une teinte qui naît du vide ajouté au vide, aussi changeante et transparente dans la tête de l’homme que dans les cieux.
L’air que nous respirons, l’apparence de vide sur laquelle remuent nos figures, l’espace que nous traversons n’est rien d’autre que ce bleu terrestre, invisible tant il est proche et fait corps avec nous, habillant nos gestes et nos voix. Présent jusque dans la chambre, tous volets tirés et toutes lampes éteintes, insensible vêtement de notre vie.
Jean-Michel Maulpoix. extrait du livre » Une histoire de bleu »
Feu qui ose Achève Ce peu de bois mouillé Par l’orage et délivre Précède-moi, qui ose, précède-moi ,espère Mars et les affections même sans souvenir Vois c’est déjà la splendeur Bleue des trèfles, des pensées Demeure Pour celle enfin dont les seuls auront tremblé les yeux Une dernière fois le dernier passager Ose Flamme soudain la sueur Debout qui saigne Et la grande odeur du froid La haute arche de neige Est-ce enfin le vrai cœur au-delà d’âme et corps L’ébauche d’un soleil beau d’hiver ascendant ?
Le poids de l’histoire se referme dans un soir où son corps s’offre au sacrifice, bientôt, tas d’immondices.
Le prêtre accomplit sa fonction, après quelques génuflexions pointe son couteau à la jonction des peaux .
Une rapide entaille, une fontaine ruisselante, ( pendant que tout le monde chante ) ; > recueillons le sang avant qu’il ne caille…!
Elle a le temps d’ imaginer son cadavre ouvert en son milieu, révélant des secrets inavouables, dans ce cimetière graisseux .
Quelques livres de chair, qui se lisent à l’envers, ouvert, le sachet de viande animale – un nu on ne peut plus intégral –
où tout apparaît à découvert: les muscles et leurs attaches, la viande qui se relâche les cartilages bleutés, les os et les viscères.
Le rituel ne tolère aucun remords l’action s’est déroulée sans repentir, on pourra bientôt lire l’avenir à travers la mort !
Fi du corps et de ces éléments inutiles ! ; ——–> il faut aller à l’essentiel, c’est un instant de grâce subtile ( on bénit son âme montée au ciel ).
Célébrons la Puissance Divine ! que Sa volonté s’accomplisse ! soit béni aussi, son sang pour la fertilité les récoltes abondantes, et la fécondité !
D’habitude ce sont des animaux sacrifiés pour la science : là, elle a donné son corps en pleine conscience, il n’est pas l’heure d’états d’âme sentimentaux…
Allons ! Allons ! le temps presse! … on attend que les suivants arrivent , modestes et resplendissants ( une dizaine suffira avant la Messe ! ).
Une forêt nous précède et nous tient lieu de corps et modifie les figures et dresse la grille d’un supplice spacieux où l’on se regarde mourir avec des forces inépuisables mourir revenir à la pensée de son reflux compact comme s’écrit l’effraction, le soleil toujours au coeur et à l’orée de grands arbres transparents
Un filet d’encre te relie à ta terre même au fin fond des mers.
Ce dessin inscrit à même la peau, tu ne vas pas le cacher : Tu transportes une partie du monde: un tatouage de Bretagne, un angelot en haut du bras ( landes et rochers te suivent partout où tu vas ): c’est aussi bien qu’une mappemonde .
Pour ceux qui ne connaissent pas la géographie tu vas leur indiquer aussi. chaque partie du corps qui représente une région chère à ton coeur, – on voit que tu as parcouru la France et que tes errances t’ont conduit à maints endroits que tu peux montrer du doigt -.
C’est sans doute mieux que le prénom du chanteur passé de mode dont il faut qu’on s’accommode comme un blason ou celui de la petite amie depuis longtemps tombé dans l’oubli, ou encore le dessin du lion rugissant qui t’accompagne par tous les temps.
Ta peau a connu les tempêtes malgré les ans, les tatouages survivent: ils ont la mémoire abusive tout à fait tenace que tu arbores avec fierté et audace sur tout ton corps à l’exception de la tête.
Si on t’examine de la tête aux pieds tu pourras sortir le certificat d’origine quand on voudra te contrôler… Produit garanti certifié par lieu de naissance mis en évidence…. …peut être rapatrié
Espace idéal espace du désir qui au-delà de l’assouvissement demeure pur désir c’est-à-dire volonté des étoiles
Jubilation de la graine sur le point de germer Ascèse des voyages dans l’énergie à l’état brut L’esprit et le cœur pris dans les glaces enfin tressaillent de concert
Voici alors le prince ni ours ni dieu qui saura éveiller la belle au plomb dormant
Car notre mercure est terre humide et torride le verger notre corps et notre corps un cosmos .
Les fenêtres la regardent. Les fenêtres alignées, tout au long du trottoir d’en face, leurs rideaux opaques comme des paupières, et derrière ces paupières, des yeux. A trois pas de sa maison, chaque après-midi, les femmes se réunissent, entre voisines.
Elles parlent d’elle. Ou bien, le matin, sur le coup de dix heures, elles s’accrochent par grappes, en allant faire les courses. Les lunettes brillent, le rouge à lèvres est mis de frais, les langues moulinent les nouvelles en étirant des filets de salive.
Elle aussi jadis faisait partie du cercle des bouches bavardes. Elle est celle dont on parle, désormais, l’absente, qui fait tourner la ronde des mots. Celle qu’on observe du dehors, dont on épie la conduite. A-t-elle ouvert ses volets ? Est-elle sortie ? Elle s’échappe parfois, échevelée, à peine vêtue, si c’est pas malheureux, une femme si soignée. Pour voir si elle est là, il faut regarder par la vitre de sa salle à manger, à travers la dentelle du rideau.
D’ordinaire, on l’aperçoit, assise sur une chaise, dans sa cuisine. Ou bien dans son fauteuil, au coin de la fenêtre, avec sa Nénette installée sur la tablette du radiateur, l’affût des voitures. Si elle ne répond pas, quand on sonne, c’est qu’elle dort.
Après le repas, elle fait la sieste. Il faut lui laisser le temps de descendre l’escalier. Récemment, on a vu deux messieurs entrer chez elle, on ne sait pas qui c’est, ils ont mangé des gâteaux, il y avait des miettes… De la maison opposée, on embrasse toute la façade, le portail de la remise, la porte d’entrée, les fenêtres : des dents dans un masque.
De là, quand il s’y rend en visite, il la voit sans être vu, telle qu’il voudrait la voir longtemps, sans qu’elle le sache, comme dans un film dont tout aurait disparu, le son, le contexte, sauf ce bout d’image, ou comme dans ce souvenir qui fait mal : elle, sur le pas de la porte quand il partait, serrant son châle vieux rose sur sa poitrine, sa silhouette tendue en avant pour l’apercevoir encore, s’amenuisant dans le rétroviseur, agitant la main jusqu’au dernier instant.
Un film qu’il pourrait repasser, indéfiniment, il s’installerait derrière le rideau. Mais la porte ne s’ouvre plus. Ou rarement. – Il y a peu, dit sa voisine, elle est sortie, elle a marché jusqu’au coin de la rue. J’ai cru qu’elle se sauvait. Et puis non. Elle s’est penchée pour voir. Elle regardait si le boulanger était ouvert. Et elle est revenue sur ses pas. Lentement, toute courbée… Je ne me rendais pas compte. D’ordinaire je la vois chez elle, dans son fauteuil.
J’ai pensé : “C’est une vieille femme.”
Son corps. Accroché des deux mains à la barre de douche, incurvé de plus en plus en plus à mesure que l’eau tombait, ruisselait sur son dos blanc et lisse. Les deux fesses maigres, les jambes aux genoux ployés, et le devant, tourné vers le mur, étagé en rondeurs qui dévalaient sous le gant.
A force de discours, il avait réussi à la convaincre de confier sa tête aux soins de l’aide-ménagère, son crâne, qu elle avait jaune sous ses cheveux. Depuis longtemps déjà, elle peinait à lever les bras. Mais surtout, par une sorte de lointaine tradition, elle répugnait aux lavages. Il y fallait des conditions exceptionnelles : “Fait-y ben assez chaud ? Fait-y soleil dans la cour ? ” Elle usait, abusait des poudres et des nuages de laque, se refusait à tout secours, à “leurs » méthodes modernes, à “leurs” rouleaux, à “leurs » séchoirs, qui lui faisaient les cheveux fous, après ça, prétendait-elle, elle ne pouvait plus se peigner.
Elle protestait : “Je suis ben encore capable, quand même…!”
La femme l’avait peu à peu poussée vers la douche. L’installation s’était faite non sans peine. Lui, pendant ce temps, montait quatre à quatre dans sa chambre, en redescendait, les bras chargés de serviettes, de linge propre. La porte de la salle d’eau, trop exiguë, était restée ouverte. Du couloir, il l’aperçut.
Etirées, foncées par l’eau, les longues mèches grises pendaient de part et d’autre de son visage, laissaient à découvert le sommet de son crâne, étoile rose quasi obscène tant elle ressemblait à une peau de bébé dans ce nid de poils blancs. Elle avait quitté d’abord la combinaison.
Puis la chemise, dite américaine. Ne resta bientôt que la culotte trempée, qui faisait un tortillon au bas dos reins. Finalement, la culotte était tombée. Elle était nue. La femme lavait son vieux corps, lui passait le gant entre les fesses. Elle consentait : – Vous faites pas mal d’y aller, je peux plus y arriver.
La femme soulevait les seins, l’un après l’autre, comme des choses indifférentes, détachées de sa personne, pour laver dessous. Il se souvenait des seins devant l’évier, quand il était petit, à un âge où elle le jugeait sans doute incapable de rien voir.
Avec l’oncle, il cassait des noix sur la table de la cuisine pendant qu’elle faisait sa toilette, et l’oncle, gêné d’avoir surpris un regard en coulisse, avait fait observer que sa femme, elle avait des sacrés loloches.
Maintenant, les loloches, la femme les maniait, les soulevait, pour un peu c’est comme si lui-même les avait eus dans les mains, avec leur espèce de fluidité et leur poids, guère plus allongés que dans le temps, ou du moins, dans le temps, lui semblaient-ils déjà incroyablement volumineux et longs.
Souvent, il avait observé ce corps à la dérobée, sa taille courte, son nez busqué,son teint rouge. Elle était ronde, elle était drôle, elle suait pendant les repas. Et il s’était promis de ne jamais lui ressembler. Les gènes dont il ne voulait pas s’étaient tous réunis du même côté, et il était de l’autre branche, cultivé hors-sol, au bout d’un fil.
Et puis : ses propres mains s’étaient tavelées ; la peau plissait sur ses bras, se desquamait au soleil ; son ventre bedonnait. Il riait, ne pouvait y croire. Mais sa jeunesse avait un dehors qui ne lui ressemblait plus.
Le rire passait sur ses dents et lui faisait mal. Et plus d’une fois il s’était tenu à genoux, contre sa jambe, pour l’aider à enfiler ses bas, le nez sur ce qui vieillit, sur la peau écailleuse de sa cheville, il avait pris dans la paume la corne rugueuse de son talon. S’était escrimé sur la lanière de sa chaussure. Au-dessus, la voix s’exclamait :– Te voilà qui grisonnes, dis donc ! Ça te fait quel âge ?
Elle se reposait maintenant au soleil, belle, propre. Triait dans la boîte de carton les bigoudis qu’elle mettrait à point nommé, les cheveux ni trop humides ni trop secs. L’épreuve était passée. L’aide-ménagère vaquait au lavage des peignes et des brosses. Il taillait les arbustes de la cour, tirait à sa demande l’oranger hors de la buanderie. Il avait encore assez de force pour ça.
L’art délicat du vice occupe tes loisirs, Et tu sais réveiller la chaleur des désirs Auxquels ton corps perfide et souple se dérobe. L’odeur du lit se mêle aux parfums de ta robe. Ton charme blond ressemble à la fadeur du miel. Tu n’aimes que le faux et l’artificiel, La musique des mots et des murmures mièvres. Ton baiser se détourne et glisse sur les lèvres. Tes yeux sont des hivers pâlement étoilés. Les deuils suivent tes pas en mornes défilés. Ton geste est un reflet, ta parole est une ombre. Ton corps s’est amolli sous des baisers sans nombre, Et ton âme est flétrie et ton corps est usé. Languissant et lascif, ton frôlement rusé Ignore la beauté loyale de l’étreinte. Tu mens comme l’on aime, et, sous ta douceur feinte, On sent le rampement du reptile attentif. Au fond de l’ombre, elle une mer sans récif, Les tombeaux sont encor moins impurs que ta couche… O Femme ! Je le sais, mais j’ai soif de ta bouche !
lorsque ta voix s’empare des mots et les projette, haut dans le ciel, un ciel qui ne semble être fait que pour toi.
Et les voilà qui redescendent doucement, – ainsi ces graines de pissenlit, légères, celles en forme de parachute – qui s’allient avec le vent pour se poser comme des fleurs de neige.
Lorsque se forgent des lignes, chaque flocon trouve sa place, rejoignant leurs semblables portés par une onde calme naissant en toi.
Il y a quelque chose d’indéfinissable, une évidence qui s’offre comme les notes dessinent le chant ravissant l’oreille de celui, prêt à les entendre .
C’est un cadeau que l’on reçoit, évident comme l’accord entre le silence et la musique, émanation discrète du corps et de l’âme .
Le poème est une constellation, et les mots, des étoiles qu’un fil invisible relie : toi seule en maîtrise ces atomes, qui restent insaisissables .
en Normandie s’éveiller la nuit ne pas être éveillé ne pas savoir se réveiller seul, dans un lit différent dans une configuration différente des ombres et du noir et d’une voix qu’on ne se connaît pas dire dans la nuit au corps qui devrait être là « j’ai peur » puis frôler du dos de la main non ce corps ami mais le mur et reconnaître le crépi savoir, alors, quel est ce lit et pourquoi seul se rendormir.
des lendemains qui s’annoncent . Ils ont le côté gris des réveils après la cuite. J’ai du mal à rassembler quelques idées, à déceler le vrai du faux dans ce qui passe à la radio . Il y a un horizon bouché par des barres d’immeubles . Le corps semble peser plusieurs tonnes: J’ai du mal à le rendre concret .
La matière s’oppose à moi, inerte comme le grand réfrigérateur blanc qui me barre la route . Il va falloir que je le contourne . Je pense à tous ceux qui ont pris des chemins de traverse , les parfaits anonymes convoqués à heure fixe au bureau ( et ceux qui ont sauté par la fenêtre … )
Je ne sais pas exactement où mon corps penche :
et c’est sur des rives
aussi lointaines que je fréquente, solitaire,
que va ma préférence
les pieds décollés de la terre .
C’est un univers fantastique,
où je doute fort qu’on me suive :
il y a les démons qu’on dérange ,
des corps aux formes étranges ,
– quelque peu fantomatiques
des arbres comme des mains larges
surgis d’une autre atmosphère ,
que l’on devine bien plus légère ;
j’en parcours la marge,
mais je suis incapable de la décrire,
ou bien, si j’essayais de le faire,
vous auriez du mal à le comprendre :
il faudrait faire le parcours à l’envers
et tout désapprendre
pour traverser la glace du sommeil,
…un voyage au long cours,
offrant de singuliers détours
entre des nuits de soleils
qu’on ne peut même pas imaginer
avant de les avoir traversées.
— Paysages de chutes paysages extrêmes à suivre du doigt d’un torrent/jet la pliure rétinienne Alarme
-hors ce bruit de fondation qu’on coule dans sa gorge béante-alarme
du plus profond de l’être rompant soudain l’intime indifférence (sans excuse
à quoi tiendrait encore sur le triangle
de houle l’assiette blanche du bassin ? déjà ne fait-elle pas la roue de ses dix doigts comme pour relever jusqu’au dernier créneau la brume froufroutante de ses mousselines ?) ah ! quelles marées d’équinoxe aux aines de la mer ne cédèrent pas à ce violent divorce du bonheur
en limite du désirable des algues dans un dernier mouvement de l’aube ? Mais elle l’affileuse d’ombre
s oumise aux neiges dans son corps
-abstraction progressive et diffuse d’une inguérissable pâleur que je croyais voir fluer de la nuit du sexe dans mes mains –
plutôt que de condescendre à sa métamorphose en telle image multiforme de l’Arche fabuleuse préférera briser sa lame fine d’arme blanche sur la couleur trop faste de mon sang la délivrance ne porte plus seulement sur l’infini qui infuse la montagne des douleurs au-delà de tout lieu signifiant demain et si jamais l’inconnu dans son corps se cherche au jour des liens du sang -comme ces forêts que traverse en d’impulsifs mouvements de leurs branches la mystérieuse matière d’ombre -tout faire pour que ses mains déjà refermées sur leur vrac de cendres s’embrasent encore une fois -ô prodige des légendes- dans la bouche -même d’intouchables cracheurs de feu Plus au sud du rêve ah pas qu’un soleil plus au sud du rêve :
certes rien n’est si simple aussi simple
que la géométrie bleue d’un ciel andalou c’est d’Arcos a Ronda pourtant dans la Serrania que l’homme sculpté dans les troncs d’oliviers se tord en ombre des mille scolioses du sud
photos perso montage – musée archéologique de Lisbonne
Connais-tu la fin de l’histoire,
puisqu’il en manque de grands morceaux ?
On peut toujours combler les manques, en déduire des trajectoires, en tout ce qui s’est perdu dans la grande fosse de l’oubli .
Pour ceux qui vivent ici, c’est au présent, qu’ils cultivent leur jardin. Leur origine s’est diluée dans les générations.
Les racines de l’arbre vont si loin, et se ramifient tellement, que les suivre se fait en pure perte. Ce qu’il en émerge est la partie visible de l’iceberg des siècles.
Pour en revenir à celui qui cultive son arpent, le voila qui remonte au jour des fragments de marbre. Un voisin en a trouvé d’autres.
Ce sont des mains finement sculptées, qui tiennent entre leurs doigts de drôles d’objets, mais il manque le corps auxquel elles correspondent.
Sauras-tu me dire ce que signifient ces lambeaux d’une mémoire à jamais enfouie sous une épaisseur de terre ?
Nous en avions oublié, même l’existence dans le désastre de l’abandon des aubes . Celles-ci ne nous ont pas vu naître. Peut-être que le vieux faune endormi s’en souvient .
S’il n’était pas de marbre, > il nous répondrait peut-être…
Es-tu cet être sans corps, qui ne fait que penser, et n’a comme décor, que d’autres exemplaires alignés, sur les étagères du laboratoire ?
Ame passagère que l’on peut voir dénuée de crâne ( le corps devenu inutile ) un simple organe reposant tranquille au fond du bocal : juste un cerveau , dont le mental ne prend pas eau
> tout cela s’analyse et se soupèse et même l’hypophyse se sent plus à l’aise flottant dans un liquide aimable et moelleux, bien que translucide (que peut-on espérer de mieux ? ).
Pas de corps vieillissant, pas de rides, pas de sang, mais un autre fluide, un existence certes monotone, mais pour les bienfaits de la science, et la satisfaction des neurones … la nécessaire expérience qui libère les pensées – en se passant d’un corps oppressé –
De toutes façon tu peux communiquer l’essentiel de tes émotions et même pouvoir les expliquer , en maintes occasions : va-t-on donc grâce à toi pouvoir comprendre les détours d’âme, et tous les émois d’un psychodrame tout cela transcrit sur un graphique, par impulsions électriques ?
Le corps est-il encore nécessaire, quand on peut en faire abstraction ? s’il est libre comme l’air ( après son ablation ) on sait qu’il est encore capable ce cerveau isolé, – mais relié à des câbles – d’avoir des pensées pouvant fleurir sans s’emmêler… > Avec celui d’Einstein on compte bien recueillir les confidences du physicien…
( interprété librement à partir d’une traduction bancale du texte original en catalan ).
peinture: Dillon Samuelson
Il y a toujours quelque chose, un souffle, une parole, un mot qui remplit le manque de toi ; c’est cette armure qui me protège du cauchemar de la colère et de la tristesse.
Après, tu deviens présente dans chaque vers écrit, et quand je les redis , solitaire, il n’y a pas de distance entre ton corps et le mien, unis toujours davantage dans le poème .